Pour son 22e long métrage, le réalisateur de Peter von Kant a eu envie d’offrir une comédie pétillante comme du champagne. Inspiré d’une pièce oubliée des années 1930, Mon crime est une comédie d’époque féministe dans laquelle le cinéaste a entouré Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder de pointures comme Isabelle Huppert, Fabrice Luchini, Dany Boon et André Dussollier. Rencontre.

(Paris) C’était en plein confinement. Pendant que des millions de gens apprenaient à faire leur propre pain, François Ozon, en bon cinéphile, a profité de l’occasion pour regarder de vieux films qu’il n’avait jamais vus, notamment ceux mettant en vedette Carole Lombard, une actrice qu’il connaissait peu.

« Un ami avec qui j’échangeais beaucoup sur le cinéma était justement en train de regarder La folle confession [True Confessions de Wesley Ruggles], un film dans lequel elle joue », a expliqué le cinéaste lors d’un entretien accordé à La Presse dans le cadre des Rendez-vous du cinéma d’Unifrance, tenus plus tôt cette année.

PHOTO JOHN MACDOUGALL, AGENCE FRANCE-PRESSE

Mon crime est le 22e long métrage de François Ozon.

« J’ai trouvé cette comédie policière plutôt moyenne quand je l’ai regardée à mon tour, mais j’ai été intrigué par le fait que, comme plusieurs films américains des années 1930, il s’agissait de l’adaptation d’une pièce de théâtre française de Georges Berr et Louis Verneuil, intitulée Mon crime. J’ai alors relu cette œuvre oubliée du répertoire français – comme le sont à peu près toutes les pièces de cette époque –, et j’ai choisi de la moderniser. »

Dernier volet d’une trilogie

Pour ce faire, François Ozon a transposé l’intrigue dans le milieu du cinéma, et, surtout, a complètement détourné le sens d’une pièce qui, dans sa forme originale, était à ses yeux d’une misogynie sans nom. Sous sa gouverne, Mon crime relate maintenant le parcours d’une apprentie actrice (Nadia Tereszkiewicz) s’accusant faussement du meurtre d’un producteur lubrique ayant attenté à sa pudeur. Appuyée par une amie avocate aussi fauchée qu’elle (Rebecca Marder), la comédienne devient alors le symbole de la cause des femmes. Dans son œuvre foisonnante, le cinéaste voit un peu Mon crime comme le dernier volet d’une trilogie amorcée il y a 20 ans avec 8 Femmes, poursuivie ensuite avec Potiche.

Dans ce récit, je me suis surtout concentré sur les rapports de pouvoir et de domination. Je voulais montrer comment deux jeunes femmes des années 1930 arrivaient à s’en sortir grâce à leur intelligence et leur vivacité d’esprit. Elles développent aussi progressivement une conscience politique et deviennent des féministes un peu à leur insu.

François Ozon

L’un des plaisirs du cinéaste fut justement d’intégrer ce propos plus moderne dans un cadre d’époque. En plus d’être truffé de répliques finement ciselées, souvent drôles, rappelant ainsi l’origine théâtrale de l’œuvre, Mon crime en met plein la vue sur le plan de la direction artistique, des décors et des costumes. François Ozon y a mis tous les efforts.

PHOTO CAROLE BETHUEL, FOURNIE PAR SPHÈRE FILMS

Dany Boon et Fabrice Luchini font aussi partie de la distribution de Mon crime, un film de François Ozon.

« C’est plus compliqué de faire une comédie que de faire un drame, reconnaît-il. Il faut du rythme et il faut que ce soit drôle. C’est comme servir une coupe de champagne. Il faut que ce champagne soit bon et pétillant tout le temps. J’avais cette fois envie de légèreté, de faire plaisir et de faire rire. Dans la vie d’un cinéaste, il y a des moments où l’on a davantage envie de drames et de faire pleurer les gens, et puis, d’autres où l’on a simplement envie de les amuser. »

Une distribution de haut vol

L’aventure fut d’autant plus agréable que François Ozon a pu entraîner dans sa cour de récréation une distribution de haut vol. Outre les deux jeunes vedettes montantes, Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder (dont le cinéaste affirme qu’elles sont les « Isabelle Huppert et Isabelle Adjani des années 2020 »), des pointures comme, justement, Isabelle Huppert, mais aussi Fabrice Luchini, Dany Boon et André Dussollier ont l’occasion de se faire valoir dans un univers évoquant l’esprit des comédies d’une autre époque.

« Au moment où je les ai rencontrées, je ne connaissais Nadia et Rebecca que de réputation, confie celui dont le premier long métrage, Sitcom, est sorti il y a 25 ans. J’ai fait des essais et j’ai vraiment senti une chimie entre elles. C’est ce que je recherchais, car il était important qu’elles établissent une véritable complicité, sans aucune rivalité. Ensuite, je les ai entourées des meilleurs interprètes. Les grands acteurs savent d’ailleurs d’instinct que la qualité du rôle prime, peu importe la durée de leur présence. »

PHOTO CAROLE BETHUEL, FOURNIE PAR SPHÈRE FILMS

Isabelle Huppert, André Dussollier, Rebecca Marder et Nadia Tereszkiewicz dans Mon crime, un film de François Ozon

Sorti le 8 mars en France. Mon crime a déjà franchi là-bas la barre du million de spectateurs, devenant ainsi l’un des films les plus populaires du réalisateur de Grâce à Dieu.

« Il y a un côté très ludique à faire ce genre de cinéma, dit François Ozon. C’est un peu comme jouer à la poupée. Voir Isabelle Huppert habillée comme Sarah Bernhardt amène en soi un côté plus enfantin. Quand les acteurs sont partants, c’est très stimulant. Je dois avouer qu’ils étaient très contents de jouer leur personnage parce que le texte est quand même très ludique, très amusant. Ils y ont pris beaucoup de plaisir, je crois. »

Mon crime prendra l’affiche le 7 avril.

Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.