Depuis le grand entretien que Denis Villeneuve a accordé à La Presse avant le lancement en primeur mondiale à la Mostra de Venise, Dune a pris l’affiche en Europe en ralliant public et critique. En France seulement, 2,5 millions de spectateurs se sont précipités dans les salles en un mois. Alors que cette nouvelle adaptation du roman classique de Frank Herbert, dont les têtes d’affiche sont Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Josh Brolin, Zendaya, Javier Bardem et quelques autres, s’apprête enfin à gagner les grands écrans du Québec, nous vous proposons des portions inédites de notre conversation avec le cinéaste québécois.

Un film qui lui ressemble

« Ce film m’a mis en contact avec une partie de moi-même qui avait envie d’exister depuis très longtemps. On fait du cinéma avec tout son être et il y avait en moi cet adolescent qui ne s’était pratiquement jamais exprimé. Face à certaines images, je vis avec une joie profonde une émotion que je ne pensais jamais ressentir. J’ai commencé à m’intéresser au cinéma grâce à des films américains populaires et j’ai eu l’impression de renouer avec amour-là. En partant à Los Angeles après Incendies, un film qui m’est aussi très proche, je craignais de m’égarer un peu mais c’est comme si, grâce à Dune, j’étais revenu au plus près de mon identité. »

Un alter ego prénommé Paul…

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS. PICTURES

Josh Brolin et Timothée Chalamet dans Dune

« Paul [Atréides, le jeune héros du roman de Frank Herber] est un jeune intellectuel en crise qui fait la paix avec son identité en entrant en contact avec une autre culture. C’est ce qui m’avait frappé quand j’ai lu le livre alors que j’étais adolescent. J’ai été fasciné par la façon avec laquelle Frank Herbert explore le poids génétique du passé, les voix intérieures inconscientes qui entravent ta liberté. Il y avait là des choses qui m’ont touché sans que je sois alors en mesure de les nommer, que j’ai ensuite commencé à comprendre au fil de mes propres expériences. Cette lecture fait partie des points marquants de ma vie. Incendies en est un autre, grâce à ce contact avec Wajdi Mouawad. Explorer sa pensée a été très formateur. Ingmar Bergman m’a aussi beaucoup influencé et m’a aidé à comprendre les défis de l’humanité. Même chose avec Dune et c’est ce que je trouve formidable. J’assume complètement l’idée d’un film populaire qui peut toucher les gens de tous les âges, tant les ados que les spectateurs plus mûrs. Alors, oui, je vois Paul comme un alter ego ! »

S’approcher au plus près des émotions

« Voilà l’aspect le plus difficile à maîtriser. J’apprends de film en film. Il faut trouver la juste mesure, dans un langage cinématographique où tu essaies de créer quelque chose un peu d’avant-garde, mais qui est aussi enraciné dans une certaine familiarité. Il faut que les gens se retrouvent. Je dois dire que j’y vais à l’instinct. Ça se sent au tournage quand l’émotion voulue y est ou pas. Je ne m’acharne pas sur les acteurs, mais il peut m’arriver de faire 25 prises d’une même scène. »

Un roman réputé inadaptable

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS. PICTURES

Rebecca Ferguson, Zendaya, Javier Bardem et Timothée Chalamet dans Dune

« La première chose a été de décider de faire le film en deux parties [la deuxième partie n’est pas encore tournée]. On ne peut condenser un tel roman en un seul long métrage sans se casser la gueule. Eric Roth [coscénariste avec Jon Spaihts et le cinéaste] a ensuite eu la tâche de trouver la façon de raconter cette histoire-là du point de vue des femmes. Lady Jessica [Rebecca Ferguson] est derrière tout l’arc dramatique de l’histoire de Dune. Des idées vraiment très fortes découlent de l’ordre du Bene Gesserit, dont elle fait partie. Ça donne lieu à un discours sur la religion, sur le colonialisme, sur la condition féminine, sur le rapport au temps, bref, tout ça est tellement puissant que nous nous devions de mettre tout ça à l’avant-plan. L’histoire du film s’articule d’ailleurs autour de la relation entre Paul [Timothée Chalamet] et sa mère. Ce fut notre point de départ. Nous nous sommes aussi entendus très vite à propos de l’intériorité des personnages, qu’il fallait évoquer autrement qu’avec des voix hors champs. »

Une trame musicale en symbiose avec les images

« Hans [Zimmer, le compositeur], qui comprend parfaitement bien le roman, est parvenu à évoquer les descriptions et les pensées intérieures des personnages grâce à sa trame musicale. Il y avait chez lui une volonté profonde de proposer quelque chose de nouveau, complètement en symbiose avec les images. Il a su créer des moments sacrés. Et puis, nous avons aussi eu recours à des gros plans. La mise en scène s’est d’ailleurs articulée autour de contrastes extrêmes entre les grands espaces et les pensées intimes des personnages. »

Un film complètement assumé

PHOTO JOEL C RYAN, ASSOCIATED PRESS

Javier Bardem, Zendaya, Stellan Skarsgård, Chang Chen, Oscar Isaac, Sharon Duncan Brewster, Timothée Chalamet, Rebecca Ferguson, Dave Bautista et Josh Brolin ont accompagné Denis Villeneuve à la Mostra de Venise, où a eu lieu la grande première de Dune.

« Après avoir travaillé sur la postproduction de ce film, la plus longue que j’ai jamais faite, je dirais que je suis aujourd’hui en paix. Je l’aime profondément, mais un film est aussi fait de moments de douleur et de colère, d’une succession de bonheurs et d’échecs. Dans le cas de Dune, je ressens une joie comme j’ai rarement connu. Quoi qu’il arrive, j’assume ce film complètement ! »

Lisez « Denis Villeneuve en toute franchise » Lisez notre critique au moment de la présentation à la Mostra de Venise

Dune – Part One (Dune – Première partie en version française) prendra l’affiche le 22 octobre.