(Venise) Disons-le d’entrée de jeu : Denis Villeneuve a magnifiquement relevé un pari quasi impossible, sur lequel bien des prédécesseurs se sont cassé les dents, y compris David Lynch en 1984. Dune – Part One, présenté vendredi en primeur mondiale à la Mostra de Venise, subjugue par son ampleur, sans jamais être écrasé par la lourdeur de l’entreprise.

Le revers de ce grand accomplissement réside cependant dans le fait que, dans sa forme même, ce premier volet d’un diptyque laisse forcément le spectateur sur son appétit. D’autant plus que la toute dernière scène laisse clairement entendre la suite des choses. « Ça ne fait que commencer », peut-on même entendre à la fin. L’attente sera longue !

Le cinéaste québécois a entièrement eu raison de faire confiance au langage du cinéma pour porter à l’écran le roman de Frank Herbert, pourtant réputé inadaptable. Les descriptions foisonnantes contenues dans l’ouvrage, grand classique de la littérature de science-fiction, ont été supprimées, tout comme les nombreux passages où les protagonistes verbalisent leurs pensées intérieures. Les personnages s’adressent plutôt directement les uns aux autres, sans crouler sous des dialogues trop explicatifs. Appuyé par ses coscénaristes Jon Spaihts et Eric Roth, le réalisateur d’Incendies a vraiment fait un beau travail d’adaptation.

PHOTO FOURNIE PAR WARNER BROS. PICTURES

Josh Brolin (Gurney Halleck) et Timothée Chalamet dans Dune. Le film de Denis Villeneuve est présenté en primeur mondiale à la 78e Mostra de Venise.

Le parcours singulier de Paul Atréides, cet adolescent qui, en cette année 10 191, quitte la planète Caladan avec les siens pour gagner Arrakis, une planète désertique occupée par l’ennemi, permet au cinéaste d’aborder plusieurs thèmes qui résonnent fortement dans notre monde contemporain. La version Villeneuve comporte en outre des échos écologistes, humanistes, politiques et religieux.

Au plus près des personnages

Sans entrer dans tous les détails d’un scénario extrêmement riche, disons que dans son approche, Denis Villeneuve affiche maintenant une meilleure aisance – même au cœur d’une production aussi gigantesque – pour approcher l’émotion de plus près. À cet égard, la fameuse scène où, très tôt dans l’histoire, Paul est mis à l’épreuve par la Révérende Mère de l’ordre du Bene Gesserit en passant le test du Gom Jabbar (le jeune homme doit mettre la main dans une boîte où réside la souffrance avec, peut-être, la mort au bout), est remarquable.

Jouée à merveille par Timothée Chalamet (Paul), Rebecca Ferguson (Lady Jessica, mère de Paul) et Charlotte Rampling (la Révérende Mère), cette séquence est d’une grande puissance émotionnelle. Et orchestrée de main de maître.

C’est d’ailleurs ce croisement entre l’intime et l’immensément grand, entre le réel et le prémonitoire, qui frappe d’abord dans Dune. Les images sont à couper le souffle (le travail de Greig Fraiser à la direction photo est exceptionnel), évoquant un univers à la fois inédit et familier. Dans ce décor où la machinerie et les éléments occupent par moments tout l’espace, sans oublier les fameux vers de sable géants (l’impressionnante direction artistique est signée Patrice Vermette), Denis Villeneuve parvient à se concentrer avant tout sur ses personnages, qu’il filme d’ailleurs souvent en gros plans. Timothée Chalamet et Rebecca Ferguson offrent de vibrantes performances dans ce volet où la relation entre une mère et son fils constitue l’axe principal du récit, mais il convient aussi de souligner l’apport des personnages périphériques, particulièrement ceux incarnés par Josh Brolin (Gurney Halleck) et Jason Momoa (Duncan Idaho). Zendaya, dont le personnage, Chani, apparaît d’abord dans les prémonitions de Paul, n’arrive « en vrai » que dans le tout dernier acte, tout comme Javier Bardem (Stilgar).

Une superproduction d’auteur

À l’instar de Blade Runner 2049, le film précédent de Denis Villeneuve, Dune – Part One, dont la durée est de 2 h 35, est une superproduction d’auteur qui impose son propre rythme, prend soin d’installer soigneusement ses assises, avec ce style bien personnel que raffine le cinéaste de film en film. La trame musicale de Hans Zimmer, grandiose sans être trop intrusive, mérite aussi d’être soulignée.

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Denis Villeneuve et Timothée Chalamet sur le plateau de Dune.

Le studio Warner Bros. attend maintenant de voir comment ce long métrage se comportera au box-office avant de donner le feu vert au tournage du deuxième volet. La partie n’est peut-être pas encore gagnée à ce chapitre, mais sur les plans artistique et cinématographique, Dune – Part One est, indéniablement, une très grande réussite.

La sortie en salle étant prévue le 22 octobre en Amérique du Nord, nous aurons évidemment l’occasion d’y revenir au cours des prochaines semaines.