En pleine pandémie, un octogénaire confiné dans une chambre d’un CHSLD n’a qu’une idée en tête : retrouver son amoureuse.

Durant la première vague de la pandémie de COVID-19, plus de 5000 résidants des CHSLD ont perdu la vie. Une grande partie de ces gens âgés sont morts de faim et de soif en raison du manque de personnel et de proches aidants. Écrit avec Julie Roy, Tu ne sauras jamais, de Robin Aubert, inspiré par le cinéma de Chantal Akerman, de Roy Andersson et d’Aki Kaurismäki, nous ramène cruellement à cette époque pas si lointaine.

Confiné dans sa chambre à l’instar des autres résidants du CHSLD, les souvenirs de toute une vie contenus dans quelques tiroirs, Paul Vincent (Martin Naud, charismatique octogénaire dans son premier rôle à l’écran) voudrait revoir son amoureuse, déplacée quelques étages plus haut. Or, le personnel, qui peine à apporter les repas et à changer les couches des résidants, n’a pas le temps de s’enquérir du sort de cette dernière. Tandis que les heures défilent lentement, seuls une bénévole (Sarah Keita, lumineuse) et un concierge (Jean-Marie Lapointe, l’empathie incarnée) apportent un peu de chaleur humaine à Paul.

PHOTO FOURNIE PAR AXIA FILMS

Martin Naud et Jean-Marie Lapointe dans Tu ne sauras jamais, de Robin Aubert

Tu ne sauras jamais est à la fois un film douloureux et porteur d’espoir où Robin Aubert n’hésite pas à mettre à l’épreuve la patience du spectateur. Et ce, dès la longue scène d’ouverture, où la lumière du soleil entre doucement dans la chambre de Paul, comme si le cinéaste avait voulu faire ressentir le poids du temps. Tandis que l’homme s’éveille, tout ce qu’on entend, ce sont la toux d’une voisine de chambre, le système d’aération et le roulement du camion de la morgue. Le CHSLD comme si vous y étiez... ou presque.

Dans cette proposition radicale et audacieuse évoquant le cinéma de Pedro Costa (En avant, jeunesse) et de Robert Morin (Petit Pow ! Pow ! Noël), le réalisateur d’À l’origine d’un cri et la scénariste de la série Cavaliers témoignent de manière percutante des failles du système de santé. Dans la foulée, ils rendent aussi hommage au personnel de la santé, qui a travaillé sans relâche au péril de sa propre vie.

Avec ses airs de film d’anticipation, notamment dans cette finale anxiogène et glaçante où Paul avance péniblement vers son destin, le film est néanmoins traversé de moments de grâce que Robin Aubert a su patiemment capter, comme cette scène où le personnage éclate en sanglots au contact bienveillant du concierge. Un parfait complément au bouleversant documentaire de Denys Desjardins J’ai placé ma mère.

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Tu ne sauras jamais

Drame

Tu ne sauras jamais

Robin Aubert

Martin Naud, Sarah Keita, Jean-Marie Lapointe

1 h 51

7/10