Tous les matins depuis 60 ans, Marcel Sabourin se confie à son vieux magnétophone à cassettes. À partir de ses confessions, mais aussi d’archives et d’entrevues, Jérôme Sabourin a réalisé un documentaire sur son père.

« Vieillir, c’est ne plus comprendre le monde autour de soi », lance Marcel Sabourin dans Au boute du rien pantoute. Pourtant, durant les 90 minutes du documentaire que lui consacre son fils aîné, on sent le comédien encore très jeune de cœur et d’esprit. L’aîné s’émerveille toujours de la beauté du monde autour de lui. À défaut de toujours le comprendre...

Au boute du rien pantoute raconte le riche parcours de cet acteur aux talents multiples : la vedette de J. A. Martin photographe – film de Jean Beaudin dont on revoit des scènes avec lui et Monique Mercure – est aussi un improvisateur de talent, un professeur, un scénariste et un parolier de chansons.

Sous le regard intime et tendre de Sabourin fils (il a trois autres gars), le comédien se dévoile avec toute sa sensibilité. Bien sûr, le professeur Mandibule de La Ribouldingue se raconte avec la verve et la fantaisie qu’on lui connaît. Mais son histoire est aussi celle du cinéma d’ici et de la révolution culturelle du Québec moderne.

Marcel Sabourin est un vrai poète : une personne qui illumine ce qui est invisible aux yeux des autres. Dans Il ne faut pas mourir pour ça (1967), son personnage collectionne les insectes morts, qu’il ramasse sur le trottoir, « par respect pour ce qui est plus petit que Dieu et les hommes ». Puis, un demi-siècle plus tard, on retrouve l’acteur, assis sur la pelouse d’un cimetière, toujours fasciné par le destin des insectes. Il nous en parle avec délicatesse, alors qu’on voit une fourmi remonter lentement son bras...

Le joual

Comédien au théâtre, à la télé et au cinéma (plus de 50 films au compteur), l’homme aime bien lancer, ici et là, un juron sonore : « Tabarnak ! » est son préféré. Il se rappelle qu’au début de la télévision, on n’entendait jamais sacrer au petit écran. Dans les feuilletons, les comédiens parlaient un français châtié qu’aucun Québécois n’utilise dans la vie.

Lorsqu’il commence à enseigner à l’École nationale de théâtre, au début des années 1960, Marcel Sabourin demande à la direction l’ajout d’un cours d’improvisation. Afin que les futurs interprètes puissent jouer dans leur langue.

En 1968, Sabourin est retourné vivre à Paris, où il avait étudié à 21 ans. Cette fois avec sa femme, Françoise (à qui est dédié le film), et son fils Jérôme, encore bébé. En France, ironiquement, il écrira ses premiers textes de chansons en joual – Egg Generation, Engagement, Te v’là, Tout écartillé –, pour son ancien étudiant à l’École nationale, un certain Robert Charlebois. Ce dernier est toujours reconnaissant envers son maître et ami.

Directeur de la photographie, Jérôme Sabourin réalise ici un premier long métrage fort réussi et touchant. Son film constitue un précieux legs. Celui d’un artiste vétéran et visionnaire animé, à 88 ans, par sa folie. Douce, belle et éternelle. La flamme d’un poète ne s’éteint jamais, dit-on.

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Au boute du rien pantoute

Documentaire

Au boute du rien pantoute

Jérôme Sabourin

Avec Marcel Sabourin, Robert Charlebois, Denys Arcand, Jean-Pierre Lefebvre

1 h 33

8,5/10