Une femme coincée la nuit dans la voiture de son agresseur feint de téléphoner à sa sœur. Elle contacte plutôt la police et arrive à faire comprendre par un langage codé à son interlocutrice qu’elle est en danger. L’homme est arrêté. Le processus judiciaire s’amorce.

Complexe et subtil, brut et chargé d’émotion, Quitter la nuit, de la Belgo-Québécoise Delphine Girard, est un drame psychologique anxiogène, tout sauf manichéen, qui aborde le thème de la violence faite aux femmes.

Il s’agit du prolongement du précédent film de Delphine Girard, Une sœur, finaliste aux Oscars en 2020 dans la catégorie du meilleur court métrage de fiction. Les 15 premières minutes du long métrage sont en fait celles du court métrage. Quitter la nuit met en scène le même principal trio d’acteurs, Veerle Baetens, Selma Alaoui et Guillaume Duhesme, auquel se greffe notamment la Québécoise Anne Dorval.

Aly (Selma Alaoui), récemment séparée du père de sa fillette, rencontre Dary (Guillaume Duhesme), l’ami d’une amie, dans un party. Il lui plaît. « Chez moi ou chez toi ? », lui demande-t-elle. « Pas chez moi, j’ai un coloc », lui dit-il, laissant deviner que sa situation est précaire. Elle s’étonne qu’il vive en colocation, lui dit de manière banale qu’il conduit la même voiture que sa grand-mère. Fragile, déprimé et intoxiqué, il se vexe soudainement. Humilié par le rejet lorsqu’Aly lui fait savoir qu’elle a changé d’idée et lui demande de la raccompagner, Dary s’anime d’une brutale violence.

Pourquoi les choses se sont-elles passées ainsi ? Delphine Girard refait le fil (tendu) des évènements, en multipliant les flash-backs et les ellipses, jusqu’à brosser un portrait de la situation qui, s’il n’offre pas toutes les réponses, impose une réflexion. Sur les enquêtes policières, sur le processus judiciaire, sur la crédibilité accordée aux victimes, sur leur sentiment de culpabilité et – sujet délicat – sur l’empathie que l’on peut ressentir pour les agresseurs.

Ce qui distingue justement Quitter la nuit de la plupart des polars sur le même thème, c’est qu’il s’intéresse à la psychologie de tous les personnages, sans a priori. La conduite d’Aly peut paraître étonnante aux yeux de certains après l’agression. Elle semble chercher à exorciser ou à laver par le sexe l’affront fait à son corps. Dary, relâché par la police en attente d’un éventuel procès, trouve du travail comme pompier, un refuge chez sa mère (Anne Dorval) et se met en ménage avec une femme qui a un jeune fils.

La jeune cinéaste a le (bon) réflexe de faire confiance à l’intelligence du spectateur, lui laissant le loisir d’offrir sa propre interprétation aux actions et réactions des personnages, de combler les silences et les non-dits. Pourquoi Anna, bouleversée par l’étrange appel qu’elle a reçu au centre d’urgence pendant la nuit, semble-t-elle obsédée par la jeune femme qui l’a contactée ? Peut-être en raison de ses propres blessures ? On ne le saura pas, et c’est tant mieux.

« On fait parfois des trucs bizarres quand on a peur », rappelle Anna à Aly. Il n’y a pas de mode d’emploi de la parfaite victime. Et il n’y a pas de portrait type de l’agresseur. Il n’y a que des êtres, dans toute leur complexité.

En salle

Consultez l’horaire du film
Quitter la nuit

Drame psychologique

Quitter la nuit

Delphine Girard

Avec Veerle Baetens, Selma Alaoui, Guillaume Duhesme, Anne Dorval

1 h 48

7,5/10