À la fois portrait émouvant d’un septuagénaire en perte de repères et satire sociale sans finesse, Testament, dernière offrande de Denys Arcand, n’épargne personne. Surtout pas les wokes ni les politiciens.

Célibataire sans enfant, archiviste à BAnQ, auteur de quelques livres mineurs, Jean-Michel Bouchard (Rémy Girard), 70 ans, ne comprend plus la société dans laquelle il évolue. Et ce n’est pourtant pas faute d’essayer. Ainsi lorsque la résidence pour aînés où il habite est prise d’assaut par des wokes non autochtones, outrés par une œuvre murale du XIXe siècle qui représenterait de manière offensante des autochtones accueillant Jacques Cartier et son équipage, Jean-Michel va tout bonnement demander l’avis d’une représentante de la nation mohawk dans l’espoir d’établir un dialogue entre les deux parties.

C’est en compagnie de cet homme bienveillant au charme suranné, presque trop lisse, que Denys Arcand nous entraîne dans Testament, satire sans pitié ni finesse au rythme léthargique, laquelle prend trop souvent l’allure d’un vulgaire film à sketches quand elle ne sombre pas dans la grosse farce plate.

D’entrée de jeu, le réalisateur du brillant Déclin de l’empire américain donne le ton avec une scène embarrassante et grossière, celle de la remise de prix littéraires à laquelle assiste Jean-Michel, que les organisateurs confondent avec le dramaturge Michel Marc Bouchard. Ici, un ministre de la Culture (René Richard Cyr) qui bute sur le mot « autrice » ; là, un bataillon de féministes intersectionnelles passant sur le corps de l’homme blanc hétéro cisgenre à qui l’on a coupé le sifflet.

Tandis que certains moments s’avèrent délicieusement cyniques, telle cette scène où Robert Lepage et Yves Jacques, dangereusement en forme, se moquent avec mépris du manque de culture de la classe politique et des dérives qu’entraîne la culture du bannissement, d’autres se révèlent d’un burlesque simpliste.

Un peu plus et Ti-Mé et ses vidanges débarquaient dans le mouroir de luxe géré par la psychorigide Suzanne (Sophie Lorain, affublée d’une coiffure digne de la nouvelle mouture de La petite vie).

Composé de scènes inégales qui s’étirent sans raison, truffé de gags redondants qui tombent à plat, Testament épouse la forme d’une laborieuse comédie de situation où Denys Arcand gaspille sans vergogne le talent des acteurs. Si on se réjouit de retrouver le temps d’une scène les Pierre Curzi, Johanne-Marie Tremblay et Marcel Sabourin, on se demande ce que viennent faire ces trois grâces qu’incarnent Sophie Faucher, Marie Michaud et Louise Turcot. Et que dire de Guylaine Tremblay, réduite à jouer la veuve éplorée qui mange ses émotions ?

PHOTO FOURNIE PAR TVA FILMS

Sophie Lorain et Rémy Girard dans une scène de Testament

Outre de brèves retrouvailles avec ses acteurs fétiches, Denys Arcand se permet aussi quelques références à ses œuvres précédentes. Ainsi la relation entre Jean-Michel et Flavie (Marie-Mai), jeune femme cultivée que le premier reçoit dans son salon chaque semaine pour tromper l’ennui, au grand dam de Suzanne, aux prises avec les militants, les médias et la ministre de la Santé (Caroline Néron), fait écho à celle que développait Rémy (Girard) avec Nathalie (Marie-Josée Croze) dans Les invasions barbares – l’héroïne en moins.

Malgré tous les défauts qu’on lui reproche, Testament n’est pas sans qualités. Porté par la voix de Rémy Girard, dont le jeu nuancé séduit d’emblée, le long métrage crépusculaire bénéficie de la mise en scène d’une élégance fluide d’Arcand et de la chaleureuse lumière de Claudine Sauvé. On se laisse attendrir par les propos teintés de mélancolie de cet aîné en perte de repères.

On savoure également la chimie qui opère entre Rémy Girard et Sophie Lorain, qui insuffle une belle vulnérabilité à son personnage dans les situations les plus rocambolesques.

Si on ne croit pas à cette romance inespérée et inattendue, pas plus qu’à cette scène bâclée de retrouvailles entre une mère et sa fille, on se laisse ravir par cette finale pleine d’espoir où Jean-Michel retrouve foi en l’humanité et se soucie enfin des changements climatiques. Rarement aussi optimiste, Denys Arcand propose même un épilogue où l’on tente de réparer les erreurs de jugement du passé.

Certes, on peut reprocher bien des défauts à Testament, nettement supérieur au désastreux Règne de la beauté, mais on ne peut reprocher à Denys Arcand, fort d’une carrière s’étendant sur plus de 60 ans, de se reposer sur ses lauriers en regardant le monde brûler. À 82 ans, celui à qui l’on doit quelques-uns des plus beaux fleurons du cinéma québécois persiste et signe dans l’espoir de susciter la réflexion.

En salle

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Testament

Comédie dramatique

Testament

Denys Arcand

Rémy Girard, Sophie Lorain, Marie-Mai

1 h 55

5/10