Un enquêteur de la police judiciaire de Grenoble est hanté par le meurtre sordide d’une jeune fille. Bien que les interrogatoires s’enchaînent, tout autant que les suspects, l’absence de preuve fait en sorte que l’affaire revient toujours à la case départ. La seule certitude réside dans le fait que le crime a eu lieu la nuit du 12…

Avant même que n’apparaisse une seule image, on nous prévient que l’affaire à laquelle on s’apprête à faire écho dans La nuit du 12 ne sera pas résolue. En portant à l’écran l’une des histoires contenues dans 18,3 : une année à la PJ, un livre dans lequel l’autrice Pauline Guéna relatait ses observations après avoir passé une année entière auprès d’enquêteurs de la police judiciaire, Dominik Moll a fait preuve d’audace. Celui qui nous a déjà offert Harry, un ami qui vous veut du bien et Seules les bêtes prévient d’entrée de jeu le spectateur que son nouveau film se tiendra au plus près de la réalité, sans charrier avec lui tout l’imaginaire qu’on associe habituellement au genre du drame policier. Cette fois, on ne saura jamais qui a commis le crime. Ni pourquoi.

La nuit du 12 n’en est pas moins passionnant pour autant. Le scénario, que Moll a écrit avec Gilles Marchand, son complice de toujours, s’attarde en effet à décrire comment une affaire se révélant insoluble peut affecter des enquêteurs chargés de recueillir des preuves. Au passage, le récit aborde non seulement les frustrations pouvant miner de l’intérieur des individus, mais aussi, plus largement, des thèmes bien contemporains.

Le meurtre étant un féminicide (une jeune femme a été immolée par le feu en rentrant chez elle après une fête), des questions surgissent à propos de la violence faite aux femmes, ainsi qu’au sort qu’on leur réserve à l’intérieur d’un système judiciaire majoritairement composé d’hommes. Moll n’emprunte aucunement ici une approche militante et dénonciatrice, mais il expose quand même cette incontournable réalité dans le traitement d’une enquête. Dans ce cas-ci, on ajoute inévitablement un aspect moral à l’affaire en cherchant à savoir quel était le mode de vie de la victime, notamment sur le plan sentimental et sexuel.

Avec une rigueur de tous les instants, Dominik Moll maintient son récit sous tension — bien que l’issue soit connue dès le départ — en empruntant pourtant une approche très dépouillée, dénuée de tout effet dramatique. Quand un policier se fige devant la mère de la victime, à qui il doit annoncer la tragédie, on atteint ici de bouleversants accents de vérité avec, pourtant, une grande économie de moyens. Tous les acteurs livrent d’ailleurs d’excellentes performances, notamment Bastien Bouillon, Bouli Lanners et Anouk Grinberg. Dans le rôle d’une juge d’instruction recueillant les confidences de l’enquêteur, cette dernière est remarquable.

Gagnant de sept trophées César, dont ceux attribués au meilleur film et à la meilleure réalisation, La nuit du 12, lancé au Festival de Cannes l’an dernier, est maintenant à l’affiche au Québec.

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La nuit du 12

Drame policier

La nuit du 12

Dominik Moll

Avec Bastien Bouillon, Bouli Lanners, Anouk Grinberg

1 h 54

8/10