Alors que le président (Nick Offerman) s’accroche à un troisième mandat, les Forces de l’Ouest du Texas et de la Californie avancent vers Washington.

L’Alliance de la Floride s’oppose également au régime fasciste en place. Au total, 19 États ont fait sécession.

Le pays est aussi dévasté que divisé. Des combats armés font rage un peu partout. Les routes sont désertes et les autoroutes sont détruites. Les systèmes de communications fonctionnent à peine. L’essence se fait rare, l’eau potable également. Acheter un sandwich de station-service coûte 300 $ US. Le dollar canadien, lui, a une grande valeur – l’un des seuls rires dans la salle. C’est ainsi que le réalisateur et scénariste Alex Garland (Ex Machina, Annihilation, Men) a imaginé une guerre civile contemporaine aux États-Unis.

Son pays est une zone de guerre et, comme elle l’a fait dans de nombreuses fois avant, la photojournaliste Lee Miller (incarnée avec retenue et force par Kirsten Dunst) documente le conflit. Son collègue reporter Joel (frénétique Wagner Moura, le Pablo Escobar de la série Narcos) et elle ont décidé de partir de New York pour aller à Washington afin d’interviewer le président, qui n’a pas donné d’entrevue depuis plus d’un an.

Le trajet de 238 milles (383 kilomètres), qui prend normalement environ 4 heures en voiture, atteint maintenant 857 milles (1379 kilomètres), car il n’y a plus de route directe sécuritaire. Sammy (rassurant Stephen McKinley Henderson), vieil ami – dans les deux sens du terme – de Lee, demande s’il peut les accompagner jusqu’à Charlottesville, en Virginie. Le matin du départ, une quatrième passagère est à l’arrière. La photographe de guerre en herbe Jessie (Cailee Spaeny, aussi juste que dans Priscilla), qui a rencontré son idole la veille, a convaincu son partenaire masculin de l’embarquer.

Leur road trip parsemé d’obstacles est à la fois perturbant et magnifique. Le cinéaste britannique a renoué avec son compatriote Rob Hardy pour la direction photo.

On passe d’une fusillade infernale en plein jour en zone urbaine à une autre qui illumine la nuit au loin alors que le quatuor fait un arrêt pour se reposer. On retourne sur la route bordée de végétation luxuriante avant que le chemin soit brusquement coupé par un duel entre tireurs d’élite.

Un peu plus loin, on assiste à une autre rencontre sous les chauds rayons du soleil, celle-ci encore plus anxiogène, avec un soldat joué par l’excellent Jesse Plemons, mari de Kirsten Dunst.

La puissance de l’ignorance

Les origines de la guerre ne sont jamais expliquées. On ignore les affiliations politiques des adversaires. On ne sait pas toujours dans quel camp sont ceux qui s’affrontent. On comprend que certains Américains, dont les parents de Lee et de Jessie, parviennent à vivre en toute quiétude. On découvre même une petite ville qui semble avoir échappé à son époque. Comment tout cela est-il possible ?

Ces questions sans réponse renforcent l’immersion dans un monde qui ressemble au nôtre à l’exception de quelques détails cruciaux. Sans ces points de repère, nous adoptons le point de vue neutre des quatre journalistes.

À ce sujet, le personnage de Kirsten Dunst peut parfois paraître insensible. On explique son stoïcisme comme un mécanisme d’autodéfense, une carapace qu’elle s’est construite. Son collègue fou d’adrénaline est à nos yeux moins crédible, mais complète bien ce vieux couple professionnel. Cailee Spaeny est extraordinaire dans le rôle de la jeune femme fonceuse qui se relève chaque fois qu’elle est frappée de plein fouet. L’ensemble des quatre personnages brosse un portrait nuancé du métier de journaliste de guerre, mais la plupart des cinéphiles verront Civil War à travers le regard parfois larmoyant mais aiguisé de Jessie.

L’action du dernier acte est à couper le souffle. Alors qu’une superbe trame sonore de Ben Salisbury et de Geoff Barrow (Portishead) – deux autres collaborateurs habituels d’Alex Garland – ainsi que des chansons étonnantes de Silver Apples, de Skid Row et de De La Soul rythmaient le récit jusque-là, le bruit des balles, des chars d’assaut, des hélicoptères et des explosions ainsi que les cris de soldats sont tout ce qu’on entend en fin de parcours.

La fin ne plaira pas à tous, mais n’empêchera pas Civil War de nous habiter pendant des jours.

En salle

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Civil War 
(V. F. : Guerre civile)

Drame de guerre

Civil War
(V. F. : Guerre civile)

Alex Garland

Avec Kirsten Dunst, Wagner Moura, Cailee Spaeny

1 h 49

8,5/10