Après Manuel de la vie sauvage, Duceppe présente, dès mardi, une nouvelle adaptation d’un roman de Jean-Philippe Baril Guérard. La Presse a questionné le prolifique auteur sur les thèmes de Royal.

Te considères-tu comme une personne très compétitive ?

Oui, et j’ai tendance à tenter de quantifier ce caractère, à plein d’égards. Par exemple sur ma condition physique, avec une obsession sur mes temps et même des détails physiologiques, comme mon rythme cardiaque au repos. Mais cette compétition se passe surtout avec moi-même : je suis bon joueur avec (et contre) les autres. C’est avec moi-même que je suis impitoyable.

Le succès, pour toi, c’est…

Avoir la liberté de créer ce que j’ai envie de créer quand j’ai envie de créer, et que le fruit de cette création rejoigne un grand public. Ça se passe assez bien pour moi sur ce plan.

Et l’échec ?

Livrer un projet qui n’est pas à la hauteur de ce qu’on peut accomplir. Ça peut arriver à cause d’éléments extérieurs, mais si ça arrive à cause d’un manque de rigueur ou de discipline, c’est, pour moi, impardonnable.

Un auteur doit-il être très ambitieux pour réussir ?

C’est la seule façon. Je ne vois pas comment je peux réussir à m’infliger de passer autant de temps devant un écran d’ordinateur si je n’ai pas un objectif précis en tête.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

De gauche à droite : le metteur en scène et codirecteur artistique de Duceppe, Jean-Simon Traversy, Irdens Exantus, Aline Winant, Vincent Paquette, Florence Deschênes et la chorégraphe et co-metteure en scène de Royal, Virginie Brunelle

Outre la persévérance, selon toi, qu’est-ce que ça prend pour durer dans le milieu artistique ?

Si j’avais la réponse, je serais un roi (et je la garderais probablement pour moi). Mais travailler sur Royal, chez Duceppe, me fait certainement penser qu’il faut varier les collaborations, particulièrement avec des gens plus jeunes que soi, pour rester à jour et ouvert sur le monde. Je pense aussi qu’il faut être fidèle à soi-même : ça signifie se demander si les projets qu’on entreprend concordent avec sa démarche, et apprendre à les refuser, quand ce n’est pas le cas.

Une mauvaise critique, ça te détruit ou ça te motive ?

Ni l’un ni l’autre. C’est une occasion de réflexion et de dialogue. C’est rare que je ne sois pas d’accord avec une mauvaise critique, tant qu’elle est honnête et s’intéresse à ce qui est dans l’œuvre (plutôt que ce qui n’y est pas, ce qui aurait dû y être selon elle). On peut ne pas aimer une œuvre précisément pour des raisons qui la rendent attrayante pour quelqu’un d’autre. Si quelqu’un n’aime pas Royal parce que c’est trop cru, trop frontal, par exemple, je vis bien avec ça : c’est exactement ce que je voulais faire, et peut-être que cette personne n’est simplement pas le bon public pour moi.

Les prix, dans ta carrière, ça représente quoi ?

Quinze secondes de très, très grand plaisir, et une information utile pour une demande de subvention.

Royal chez Duceppe, du 10 avril au 11 mai

Qui est Jean-Philippe Baril Guérard ?

Diplômé en interprétation du cégep de Saint-Hyacinthe, Jean-Philippe Baril Guérard a 36 ans et est né à Plessisville. Il est l’un des auteurs les plus prolifiques de sa génération, en plus d’être chroniqueur, metteur en scène et comédien.

Il a publié quatre romans : Sports et divertissements, en 2014 ; Royal, pour lequel il remporte le Prix des collégiens, en 2018 ; Manuel de la vie sauvage, où il conteste l’éthique dans le milieu des affaires et des nouvelles technologies ; et finalement, en 2021, Haute démolition, sur le milieu de l’humour au Québec. Une série adaptée de ce quatrième roman est offerte sur Séries plus.

Au théâtre, Baril Guérard a signé entre autres les pièces Baiseries, Warwick, Tranche-cul, La singularité est proche et Vous êtes animal.