Avec cette pièce autobiographique, l’auteure et comédienne Tatiana Zinga Botao revisite avec esprit et fougue ses racines congolaises en jouxtant son histoire personnelle à celle – mouvementée – de la République du Congo. Un récit théâtral livré à la manière des griots, ces porteurs de paroles essentiels à la transmission des savoirs.

En quittant l’arène de jeu du Théâtre d’Aujourd’hui, disposée en fer à cheval, on ne peut s’empêcher de penser aux récits de Mani Soleymanlou – et à sa trilogie identitaire Un, Deux et Trois qui nous a fait voyager de l’Iran à Montréal en passant par Paris, Toronto et Ottawa. Ou encore à Chokola, de Phara Thibault, Haïtienne adoptée par une famille québécoise, qui racontait la quête de sa mère biologique.

Nzinga s’inspire de cette même démarche introspective visant à inscrire son histoire familiale dans la grande histoire politique et sociale de son pays de naissance. Le résultat est percutant.

Son point de départ ? Tatiana Zinga Botao partage le même patronyme que la reine Nzinga, figure de la résistance africaine au XVIIsiècle face aux colonisateurs européens – portugais et belges dans le cas du Congo. Au cours de la représentation, elle multipliera les parallèles entre son parcours et celui de cette reine guerrière, qu’elle ira jusqu’à incarner sur scène. Une femme qui lui inspirera fierté, courage et force.

D’où je viens ? se demande à plusieurs reprises la comédienne née au Zaïre, qui a grandi en Belgique avant d’émigrer au Québec à l’âge de 25 ans.

Les auteures de Nzinga – parce que Tatiana Zinga Botao a écrit ce texte avec Marie-Louise Bibish Mumbu et Alexis Diamond – nous font faire des allers-retours entre Montréal, Bruxelles et Kinshasa à différentes périodes de l’histoire, une partie de ping-pong amusante, mais qui nous permet surtout de mettre en perspective les soubresauts politiques vécus des deux côtés de l’Atlantique.

Comme plusieurs spectateurs présents – que la comédienne interpelle durant la pièce –, Tatiana Zinga Botao cumule plusieurs identités. « Nous sommes la somme de toutes nos métamorphoses, dira-t-elle, mais le Congo est en moi. » « On peut tout ravir à un peuple, mais pas ses ancêtres », ajoutera-t-elle dans un segment où elle chante dans sa langue maternelle.

La mise en scène tout en sobriété d’Albertine M. Itela laisse toute la place à son interprète, charismatique, dont on perdait toutefois les mots par moments. Il suffisait de bien accompagner Tatiana Zinga Botao dans ses déplacements et ses courtes chorégraphies, en musique et en lumière. Ce qui fut fait de belle manière.

Oui, le théâtre ici est l’équivalent de cette place du village où l’on raconte des histoires et transmet des savoirs. Et cette Zinga du Mile End, « reine de nulle part et de partout à la fois », vous touchera assurément. Que vos racines ici soient profondes ou récentes. L’histoire qu’elle nous raconte, la sienne, comme celle de la reine Nzinga, est universelle et se répète. Pour le meilleur et pour le pire.

Nzinga

Nzinga

De Tatiana Zinga Botao, Marie-Louise Bibish Mumbu et Alexis Diamond. Avec Tatiana Zinga Botao. Mise en scène : Albertine M. Itela

Au Théâtre d’Aujourd’hui, Jusqu’au 25 novembre

7,5/10