Un bar, un studio de musique et un espace de réalité augmentée. La Fondation PHI souhaite mettre de l’avant « une exposition faisant place à la participation ». Rirkrit Tiravanija : JOUEZ/PLAY invite ainsi tous les visiteurs à échanger entre eux, à jouer de la musique et à prendre un verre jusqu’au 10 mars 2024.

C’est dans une ambiance décontractée et ouverte que Melissa Karmen Lee, commissaire invitée, et Cheryl Sim, commissaire de la Fondation PHI pour l’art contemporain, accueillent le public dans les salles d’exposition transformées en des mises en scène d’environnements qui rappellent ceux de la vie quotidienne. Si cette exposition multidisciplinaire propose une rétrospective de l’artiste d’envergure Rirkrit Tiravanija, tout en offrant une vision actualisée de son travail, elle demeure bien à l’image de sa démarche : les visiteurs y sont encouragés à participer à l’expérience, plutôt que de consommer passivement la culture.

L’interaction est essentielle à la réussite des œuvres de Tiravanija : « Elles se réalisent lorsque nous les touchons », rappelle la commissaire invitée Melissa Karmen Lee.

Les trois installations déployées à la Fondation PHI rendent justice à cette relation souhaitée entre l’œuvre et le visiteur.

Un studio de musique pour tous

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

L’artiste Rirkrit Tiravanija a pris une basse en main lors de la visite de presse. À ses côtés, Melissa Karmen Lee, commissaire invitée.

Au 465, rue Saint-Jean, le visiteur se trouve face à un véritable studio intitulé untitled 1996 (rehearsal studio no. 6) (2023) où des guitares, un piano, une batterie ainsi qu’une basse sont laissés à disposition pour être joués par tous. Pendant toute la durée de Rirkrit Tiravanija : JOUEZ/PLAY, il est possible de réserver une plage horaire avec son groupe de musique pour répéter.

C’est un élément que les groupes recherchent constamment, n’est-ce pas ? Un espace et une période de répétition gratuits. C’est donc quelque chose d’utile [pour les musiciens] auquel on peut accéder grâce à l’espace d’exposition.

Melissa Karmen Lee, commissaire invitée

Sinon, lorsque le studio est libre, les instrumentistes amateurs, qui ne se connaissent pas nécessairement, peuvent improviser ensemble, spontanément. « Rirkrit [Tiravanija] crée des conditions pour nous », indique Cheryl Sim qui rappelle que l’œuvre met au défi les visiteurs et fait tomber leurs inhibitions à jouer devant le public.

L’installation s’inspire d’un vrai local de répétition où Tiravanija et ses amis ont joué de la musique ensemble, plus jeunes. Plusieurs itérations de ce lieu ont été présentées au Japon, en France et à New York. Dans la version de la Fondation PHI, les visiteurs qui ne souhaitent pas jouer peuvent écouter les enregistrements réalisés lors des différentes présentations de l’installation. « L’œuvre untitled 1996 (rehearsal studio no. 6) est importante », renchérit la commissaire Melissa Karmen Lee, spécialisée dans la pratique sociale de l’art.

S’installer au bar

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

La fondatrice et directrice de la Fondation PHI, Phoebe Greenberg, l’acteur-barman Barbara et l’artiste Rirkrit Tiravanija, au bar présent dans l’exposition

En sortant de ce studio de répétition, le visiteur peut facilement être trompé en imaginant entrer dans un bar plutôt que dans un espace artistique. Mais lorsqu’il s’installe aux tables, regarde la télévision, commande une boisson, il réalise que ce bar aux allures rétro et aux lumières tamisées est la deuxième installation de l’exposition, untitled 2017 (skip the bruising…) (2017). Au comptoir, un acteur incarne un barman et peut servir une consommation gratuite au public certains jours.

L’aspect convivial et ludique du lieu cache différentes couches de sens. L’installation est plus qu’un endroit de rencontre et de repos. Elle est la reconstitution du décor d’un bar du film réalisé par Tiravanija qui a repris, image par image, le long métrage Tous les autres s’appellent Ali (1974), du réalisateur Rainer Werner Fassbinder. Pour ajouter encore un niveau de compréhension, ce film de Tiravanija est diffusé sur le téléviseur accroché au mur de la pièce.

L’installation untitled 2017 (skip the bruising…) invite les visiteurs à devenir des acteurs le temps d’une journée, à danser et à boire, comme s’ils jouaient les clients du bar dans le film.

Pour Rirkrit Tiravanija, l’œuvre va au-delà des expériences de loisir, de jeu, de détente, de théâtralité et de relâchement. Il s’agit aussi de faire réfléchir et de faire « comprendre tranquillement [ce qui se trame] derrière », suggère l’artiste, en faisant référence, entre autres, aux tensions raciales présentes dans le film original.

À l’image des nuits montréalaises

Si chaque exposition de l’artiste est différente selon l’endroit où elle est diffusée, la version présentée à la Fondation PHI témoigne de l’histoire de la musique à Montréal ainsi que de la vie nocturne qui l’accompagne. C’est un aspect très important pour l’identité de la ville, selon la commissaire Melissa Karmen Lee. Pour la Vancouvéroise ayant déjà vécu dans la métropole, l’abondance de groupes et de spectacles de musique dits underground, du métal au folk et au jazz, constitue l’identité et l’énergie unique de Montréal. « Un souvenir fort est cette culture de groupes musicaux qui est si présente, où il y a beaucoup de sous-cultures de musique live », précise-t-elle. Cette impression de Montréal a même été au cœur des premières discussions sur l’exposition. « Ç’a été un point de départ entre Cheryl [Sim] et moi lorsque nous avons commencé à parler de cette exposition et de la manière dont nous souhaitions travailler avec Rirkrit [Tiravanija] », raconte Melissa Karmen Lee.

Un autre thème important de la pratique de Rirkrit Tiravanija : la fonction. Comment notre travail peut être utilisé [à des fins] pratiques et quotidiennes, dont on a besoin pour améliorer notre vie : manger, cuisiner, jouer de la musique, boire un verre dans un bar. C’est ce qui crée la vie en ville et c’est quelque chose que l’on peut faire en visitant l’exposition.

Melissa Karmen Lee, commissaire invitée

Interagir avec le virtuel

  • Rirkrit Tiravanija Untitled 2023 (sitcom ghost)

    IMAGE FOURNIE PAR RIRKRIT TIRAVANIJA ET LA GALERIE GLADSTONE

    Rirkrit Tiravanija Untitled 2023 (sitcom ghost)

  • Rirkrit Tiravanija Untitled 2023 (sitcom ghost)

    IMAGE FOURNIE PAR RIRKRIT TIRAVANIJA ET LA GALERIE GLADSTONE

    Rirkrit Tiravanija Untitled 2023 (sitcom ghost)

  • Rirkrit Tiravanija Untitled 2023 (sitcom ghost)

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    Rirkrit Tiravanija Untitled 2023 (sitcom ghost)

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La visite se termine au 451, rue Saint-Jean par l’œuvre untitled 2023 (sitcom ghost) (2023), une réalisation toute récente de l’artiste qui exploite la réalité augmentée sur les quatre étages du bâtiment. Dans un espace entièrement vide, un fantôme, incarné par l’acteur autrichien Florian Troebinger, « hante » les salles. Il s’adresse directement aux visiteurs par l’entremise de l’écran de téléphones intelligents ou d’iPad en récitant un monologue de l’artiste français Philippe Parreno. Telle une réflexion sur l’ensemble du travail de Tiravanija, l’œuvre invite à réfléchir aux thèmes de la mort et de la disparition, à l’idée de conserver les choses ou de faire disparaître les « pad thai », une référence à la série d’œuvres qui a fait connaître l’artiste. À la fin de ce parcours, l’installation apparaît à la fois comme une conclusion et une ouverture sur la dématérialisation des corps, des objets et de l’art. Il s’agit à nouveau, pour le visiteur, d’interagir avec le projet et d’y trouver sa place dans la discussion.

Consultez la page de l’exposition à la Fondation PHI Consultez les évènements en parallèle à l’exposition

De Montréal à New York

L’installation untitled 1996 (rehearsal studio no. 6) est présentée au même moment à New York, au MOMA PS1, dans le cadre de l’exposition A Lot of People, du 12 octobre 2023 au 4 mars 2024. Pour Melissa Karmen Lee, l’histoire des groupes de musique est très forte à Montréal comme à New York. Les deux expositions ont une même prémisse, mais elles évoluent différemment selon les personnes qui y font l’expérience et viennent interagir avec les installations.

Consultez la page de l’exposition (en anglais)

Qui est Rirkrit Tiravanija ?

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Rirkrit Tiravanija

  • Artiste contemporain né à Buenos Aires, en Argentine. Il a grandi en Thaïlande, en Éthiopie et au Canada et vit entre Bangkok, Berlin et New York. L’artiste ne travaille pas dans un studio pour créer des œuvres d’art : il est nomade et voyage souvent.
  • Il s’inscrit dans une pratique sociale et issue de l’art relationnel. Il développe des projets qui rassemblent les personnes entre elles : ses installations prennent la forme de lieux pour échanger et partager des repas, cuisiner, lire ou jouer de la musique.
  • L’une de ses œuvres les plus connues est Pad Thai (1990), exposée à la Paula Allen Gallery à New York. En plus de la métropole américaine, son travail a été présenté dans plusieurs grands musées et galeries du monde et primé à plusieurs reprises.