C’était un peu la fête de Françoise Sullivan lundi matin, jour de première neige en ville, alors qu’on présentait au Musée des beaux-arts de Montréal son travail récent. Patiente et généreuse, l’artiste a parlé de ses œuvres, de la vie et des changements climatiques. Résumé, en cinq citations, de l’artiste désormais centenaire.

« Dans les arts visuels, la peinture est la forme la plus importante. »

Françoise Sullivan est une artiste qui a expérimenté plusieurs médiums. On la connaît comme danseuse et chorégraphe – notamment pour cette mythique prestation de 1948, Danse dans la neige, dont les photos de Maurice Perron sont d’ailleurs présentées dans cette exposition qui s’ouvre aujourd’hui.

C’est toutefois sa peinture récente, de 2022 et 2023, qui a la part belle au Musée des beaux-arts, alors qu’on y propose l’exposition titrée Françoise Sullivan – « Je laissais les rythmes affluer ».

En conférence de presse, lundi matin, Françoise Sullivan a avoué qu’elle a toujours considéré la peinture comme étant le pilier des arts visuels, elle qui y est retournée dans les années 1980, après des cycles d’expérimentation.

« Je l’ai délaissée un certain temps dans ma carrière, a-t-elle dit, mais il fallait y revenir. »

« Regardez les titres. »

Pour sa série de 2022-2023, l’artiste conseille de bien lire les titres.

Ils ont été inspirés par Flaubert, car c’est ce qu’elle lisait l’été dernier, au moment de la création, a précisé la commissaire de l’exposition, Florence-Agathe Dubé-Moreau, qui a aussi raconté cette journée où Françoise Sullivan lui a présenté l’ordre d’accrochage des œuvres, avec leurs titres. « C’était tellement beau, les titres sont tellement littéraires », a dit Florence-Agathe Dubé-Morin, qui croyait recevoir un poème en les lisant la première fois.

Parmi ses toiles récentes, on trouve donc L’annonciateur des lunes, Tes éclairs m’éblouissent et On y sent la succession des âges.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Françoise Sullivan a précisé que dans cette série de toiles récentes, on retrouve « les couleurs de Flaubert ».

Quant au titre de cette exposition, « Je laissais les rythmes affluer », c’est l’artiste elle-même qui a ainsi décrit le mouvement improvisé de sa Danse dans la neige, dans un texte datant des années 1970.

« Ce titre symbolise le trait d’union entre la danse et la peinture », a précisé la commissaire invitée, Florence-Agathe Dubé-Moreau, car on retrouve le geste très fort dans l’ensemble de l’œuvre de Sullivan.

« C’est inspiré par l’été incroyable que nous avons eu. »

Il n’y a pas que Flaubert qui a inspiré Françoise Sullivan ; les évènements climatiques de l’été dernier ont guidé une partie du travail de celle qui s’intéresse à l’environnement depuis des décennies, et qui transpose ses inquiétudes dans son œuvre.

Elle a avoué lundi matin que sa production récente avait été très influencée par les séquences « de pluie, de tempêtes et de soleil ».

Pour moi, c’est impossible de ne pas aborder ce qui se passe dans le monde.

Françoise Sullivan

« Si je regarde ma vie, je vois que la création est importante. »

On a beaucoup parlé de Françoise Sullivan, en cette année marquant le 75anniversaire de Refus global, dont elle est cosignataire.

Au début de l’automne, on a dévoilé cette immense murale qui se trouve sur la façade de l’hôtel Hyatt jouxtant le parc Émilie-Gamelin, à Montréal.

Lisez l’article « Françoise Sullivan, au cœur de la ville »

À Ottawa, une de ses œuvres fait partie de l’exposition Riopelle au Musée des beaux-arts du Canada. Les artistes, nés tous deux en 1923, sont membres fondateurs du groupe des automatistes.

Françoise Sullivan continue de créer quasi quotidiennement dans son nouveau studio qui se trouve à quelques minutes de marche de sa maison. Une des dernières toiles de l’exposition a été réalisée en 48 heures consécutives, « sans manger », a précisé sa créatrice.

« Le Musée a toujours été pour moi, depuis l’enfance, un lieu béni. »

Françoise Sullivan est un peu chez elle au Musée des beaux-arts de Montréal, qui lui a consacré une exposition au début de sa carrière.

Puis, en 2003, on y avait présenté une rétrospective dont le commissaire était Stéphane Aquin, devenu depuis directeur général du MBAM. Ce qui a fait dire à une Françoise Sullivan amusée que c’était assurément un signe qu’« il n’a pas trouvé ça trop difficile ».

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Entourant Françoise Sullivan, les deux commissaires de l’exposition, Stéphane Aquin et Florence-Agathe Dubé-Moreau. Derrière eux, l’imposante Hommage à Patterson (2003).

L’exposition se tient dans trois salles du sous-sol du musée, une grande, deux petites. En plus des photos de Maurice Perron et de sa peinture, on y trouve une série de pastels des années 1990 (récemment trouvés dans ses archives) et une grande sculpture, reconstitution d’une œuvre de 1968, ainsi que quelques pièces de la collection du musée.

Françoise Sullivan – « Je laissais les rythmes affluer », présentée à partir du 1er novembre, jusqu’au 18 février 2024

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