Une tranquillité apaisante émane du nouveau recueil de nouvelles de Natasha Kanapé Fontaine, Kanatuut. Un sentiment qui reflète d’ailleurs celui qui habitait l’autrice quand elle l’a écrit.

Lorsqu’on l’a rencontrée dans un café du Plateau Mont-Royal, Natasha Kanapé Fontaine revenait tout juste de Winnipeg, où elle a signé la mise en scène d’une pièce de théâtre. Poète, actrice et artiste multidisciplinaire, Natasha Kanapé Fontaine enseigne également ces temps-ci à l’École nationale de théâtre. Et si elle évolue avec autant d’aisance autour de ces diverses formes d’expression, c’est qu’elles forment un même tout dans son processus de création, sans distinction.

« La connaissance de sa culture, ça apporte la paix, dit-elle avec douceur. Et on sous-estime encore le pouvoir de cette connaissance. »

Après avoir passé une partie de son enfance à Pessamit, sur la Côte-Nord, pour ensuite déménager à Baie-Comeau, la jeune femme y est retournée à 18 ans pour chercher les réponses qui lui manquaient, retrouver ses grands-parents et apprendre l’innu-aimun.

« J’avais besoin de revenir pour sentir que j’appartenais. »

Puis, à l’aube de la trentaine, elle a senti qu’il était temps de rassembler toutes les histoires qui l’habitaient. C’est ainsi qu’est né Kanatuut – qui veut dire « la chasseresse ».

Les 10 histoires du recueil puisent leur inspiration dans des rêves ou des légendes innues transmises par tradition orale – et dont il existe de multiples variantes d’une communauté à l’autre, altérées entre autres au fil du temps par les missionnaires qui ont voulu remplacer les croyances des Premiers Peuples, explique-t-elle.

Pendant plus de deux ans, elle a en plus fouillé les archives pour retrouver des traces de ces légendes ; lu des ouvrages comme La forêt vive – Récits fondateurs du peuple innu, de l’anthropologue Rémi Savard.

« J’ai construit des histoires à partir de ce à quoi j’avais accès, autant matériellement qu’à l’oral ; je me suis aussi appuyée sur ce que j’entendais chez d’autres nations, je faisais des liens pour essayer de comprendre comment nos histoires se sont transformées. Je sais que c’est infime par rapport à tout ce qu’on avait comme connaissances ; mais je me suis dit qu’au moins, je peux commencer quelque part. »

D’une légende à une autre

Au-delà de l’immense territoire innu, les nouvelles de Kanatuut nous entraînent également à la rencontre d’autres Premiers Peuples, sur les traces des multiples voyages de l’autrice.

À Honolulu, à Hawaii, Natasha Kanapé Fontaine a trouvé une « extension » de sa famille, des frères et sœurs Kanaka Maoli. En Nouvelle-Zélande, d’où vient son mari, ses sœurs adoptives maories l’ont emmenée jusqu’à la forêt de Waipoua, où se trouve un arbre kauri géant, deux fois millénaire. À Nuuk, au Groenland, elle a fait un rêve évocateur qui conclut le recueil avec poésie.

« Il y a des récits qui sont internationaux ; on en a une version et un peuple à l’autre bout de la terre aura sa version. À Honolulu, ils ont l’histoire du dragon dans la montagne ; nous, on a des gardiens de colline, mais les gens ne le savent pas », illustre-t-elle.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Natasha Kanapé-Fontaine

Nos histoires, en fait, sont universelles. Elles sont souvent même à la base de presque toutes les cultures. C’est juste que certaines ont évolué d’une certaine façon et ont oublié leurs histoires originelles. Mais nous, on est encore très proches de ces histoires-là.

Natasha Kanapé Fontaine

Sa crainte, c’est qu’on finisse par les perdre si on ne les rappelle pas, dit-elle, songeuse. « Elles sont tellement importantes dans l’histoire de l’humanité. Si on les perd, on perd une mémoire. »

Peut-être que ce recueil de nouvelles n’est qu’un premier exercice dans son processus de reconstruction et de réappropriation culturelle, ajoute-t-elle. L’automne prochain, elle présentera d’ailleurs, avec l’artiste Ivanie Aubin-Malo, un spectacle inspiré de leurs récits traditionnels qui est en cours de production.

D’ici là, elle espère que les légendes ravivées dans Kanatuut pourront « démarrer la conversation ». Elle aimerait surtout que son livre aide les siens à retrouver les histoires qui se sont perdues à travers la tradition orale ; que ceux qui connaissent une version ou une autre de ces légendes se mettent à les raconter, pour qu’elles se libèrent et soient enfin accueillies avec tout le respect qu’elle leur témoigne à travers son écriture.

« C’est comme ça qu’on va apprendre à connaître notre histoire et l’histoire de chaque nation », insiste-t-elle.

Kanatuut

Kanatuut

Stanké

120 pages