Le chorégraphe Guillaume Côté s’associe à Robert Lepage pour créer une version dansée du Hamlet de Shakespeare au Festival des arts de Saint-Sauveur, dirigé par le danseur étoile du Ballet national du Canada. Entrevues avec les deux artistes.

Le 16 juin dernier, Guillaume Côté a fait ses adieux à Roméo. Il a interprété pour la dernière fois le célèbre ballet de Prokofiev, Roméo et Juliette, à Toronto. Mais il n’a pas dit adieu à Shakespeare pour autant. Il sera Hamlet, dans une coproduction d’Ex Machina et de sa compagnie Côté Danse, mise en scène par Robert Lepage, à la fin de juillet.

« J’ai toujours rêvé de développer mon propre Hamlet en chorégraphie, dit le danseur en entrevue avec La Presse. Le personnage a été sous-développé dans le monde de la danse, car c’est un rôle basé sur le texte, les mots, la psychologie... Des choses pas faciles à illustrer avec le mouvement. »

Côté voit en Hamlet un personnage manipulateur, égocentrique et paranoïaque... Bref, un antihéros, un registre qu’il n’a pas l’habitude d’interpréter. « Au ballet, on me demande surtout de jouer des héros, des princes charmants. »

Et comment peut-on rendre les méandres de la pensée de Hamlet sans les mots ? Guillaume Côté croit qu’il faut développer les personnages de manière différente. En misant sur les impressions, les sentiments, les atmosphères.

PHOTO MATT BARNES, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Le danseur et chorégraphe Guillaume Côté

La danse est un monde plus abstrait. Mais on fait la pièce de Shakesperare, en proposant autre chose, une autre ponctuation de l’œuvre. On joue un Hamlet entre les lignes.

Guillaume Côté

« L’absence des mots nous oblige à clarifier des choses pour mieux les incarner, ajoute Robert Lepage. Il y a une valeur ajoutée parce que ça devient très physique. Puisqu’il n’y a pas de monologues ni de jeux de mots, l’histoire est racontée à travers l’action et les lieux qui sont importants au théâtre. La scène de confrontation entre Hamlet et sa mère dans la chambre à coucher, le lit prend une grande importance. Le côté charnel, sensuel, œdipien dans la relation mère-fils prend tout son sens. »

PHOTO TONY HAUSER, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

L’homme de théâtre Robert Lepage

Si le metteur en scène revient toujours à Shakespeare, c’est parce que son œuvre est immense et toujours à explorer. Avant l’offre de Côté, il avait adapté Hamlet pour son solo Elseneur et en Russie pour Hamlet Collage. « Et Courville est aussi un peu inspiré de Hamlet », dit-il. Il mettra en scène un jour peut-être « un vrai Hamlet », dit-il, parce qu’à 65 ans, il a désormais envie de revisiter les classiques. Les siens et ceux des autres.

Hamlet en Québec

Hamlet est un jeune homme indécis, cérébral, pensif, rongé par le doute. Cette incapacité d’agir a toujours intéressé Lepage. « Dans la scène où des comédiens viennent jouer au palais du roi, Hamlet s’étonne de les voir pleurer au théâtre pour des chimères. Alors qu’il a toutes les raisons de crier, de hurler, mais rien ne sort. Parfois, le doute nous paralyse. On est beaucoup dans l’indécision au Québec. Tout le monde veut changer des affaires, mais l’inertie l’emporte toujours. »

C’est la deuxième collaboration entre l’homme de théâtre et le danseur après Frame by Frame, autour du cinéaste Norman McLaren.

Ce qui est bien de collaborer avec Guillaume, c’est qu’il vient du ballet où il y a place à l’interprétation et au dialogue avec les classiques.

Robert Lepage

La distribution affiche des interprètes d’âges et de styles différents. Ça va du break dance au classique, en passant par le contemporain et le hip-hop. « J’aime beaucoup la démocratisation de la danse, dit Côté. Et Robert a la même vision que moi. Je ne pensais pas aimer l’opéra jusqu’au jour où j’ai vu ses mises en scène d’opéras. Robert aborde le ballet de la même manière. »

« Vous savez, dans le travail, Robert n’a aucun ego, confie Côté. Tout le monde est égal dans la salle de répétition. Si un collaborateur ou un jeune danseur a une meilleure idée que la sienne, il l’inclut au spectacle. J’aborde le travail de création de la même manière. Instinctive et organique. »

Sur scène, portée par la distribution et la musique de John Gzowski, Guillaume Côté donnera une performance marathon durant 1 heure 50 minutes. Ce rôle est un peu un cadeau qu’il s’offre à 41 ans, au sommet de sa carrière de danseur. Cela n’empêchera pas le directeur du FASS de participer aux causeries avec le public, après chaque représentation, en compagnie de Lepage et des artistes.

Voyez la bande-annonce de Hamlet par Côté Danse et Ex Machina Consultez le site du festival
Hamlet

Hamlet

Création de Guillaume Côté et Robert Lepage

Festival des arts de Saint-Sauveur , 26, 27 et 28 juillet, 20 h