Comment le public québécois, qui a délaissé les bancs d’église depuis plusieurs décennies, reçoit-il une proposition musicale hautement marquée du sceau du sacré ? Nous en avons discuté avec le metteur en scène Cédric Delorme-Bouchard, dont le spectacle La nef, créé en mai à l’Usine C en collaboration avec le collectif Ballet-Opéra-Pantomime, reprendra vie au Centre Orford le 16 juillet.

Ballet-Opéra-Pantomime (BOP) a été créé par quelques amis en 2013 dans le but « de créer des spectacles pluridisciplinaires centrés sur des œuvres de musique classique et contemporaine, et présentés dans des environnements favorisant l’immersion émotionnelle du spectateur ».

Leurs propositions ciselées ont apporté, au rythme d’environ un spectacle par année, un souffle de jeunesse dans l’univers musical montréalais. La nef, donnée quatre soirs il y a deux mois dans l’environnement singulier de l’Usine C, ne fait pas exception.

« Je ne m’attendais pas du tout à ce qu’on en fasse une reprise », avoue d’emblée le metteur en scène Cédric Delorme-Bouchard, qui avait collaboré avec BOP en 2019 pour le spectacle Le vaisseau-cœur, à la salle Bourgie.

« Ça va être très, très différent des représentations à l’Usine C », prévient toutefois celui qui signe aussi la scénographie et la lumière.

Il faut dire que le seul dispositif scénique de la création, « une grande arène circulaire avec la scénographie à l’intérieur entourée de quatre pianos à queue », pour citer l’artiste, occuperait à lui seul le double de la scène de la salle Gilles-Lefebvre d’Orford Musique.

On reprend l’essence du spectacle et on en fait une version beaucoup plus intimiste. On garde la musique et le corps pour aller vraiment chercher l’essence de chacun des moments des solistes-danseurs.

Cédric Delorme-Bouchard, metteur en scène

L’essence du spectacle, c’est, comme dans Le vaisseau-cœur, la musique d’Olivier Messiaen, arrangée pour quatre pianos par Hubert Tanguay-Labrosse, une des chevilles ouvrières de BOP.

L’apport de Messiaen

« Ma matière première d’habitude, c’est le texte ou le corps, et la rencontre avec Messiaen avait été un coup de cœur complet et total », se remémore Delorme-Bouchard.

« J’ai continué entre-temps à me plonger dans cet univers avec ses traités sur la musique, les approches esthétiques et la représentation des couleurs – Messiaen était synesthésique [il associait naturellement certaines couleurs à des accords précis] –, mais aussi son discours philosophique sur la nature, les plantes et les animaux. »

Les œuvres du compositeur français, tirées des Vingt regards pour l’Enfant Jésus et des Visions de l’Amen (dont les versions originales sont respectivement pour un et deux pianistes), côtoient deux créations d’Alexis Raynault (un des fondateurs de BOP) et de Sophie Dupuis.

« Ça pourrait en faire sourire certains, mais je trouve que la musique de Messiaen est très accessible », confie le maître d’œuvre.

C’est une musique à écouter en vrai, en personne. Ç’a été un choc à l’Usine C – un choc hautement positif ! – ce jeu des quatre pianistes qui jouent sans partition, un travail mo-nu-men-tal, soit dit en passant.

Cédric Delorme-Bouchard

« La représentation commence par des séries de solos des danseurs et éventuellement je travaille avec l’ensemble du groupe. De la même manière, pour Messiaen, on commence avec les pièces les plus douces, celles qui laissent le plus de place au silence, et on progresse vers la complexité », ajoute Cédric Delorme-Bouchard.

Messiaen, qui était non seulement croyant, mais aussi intensément mystique, touche-t-il encore, dans un monde qu’on dit désenchanté ? « Je vois bien plus de sacré dans les représentations musicales que dans beaucoup d’œuvres ou de pratiques religieuses. Il y a quelque chose d’universel dans sa musique qui nous dépasse complètement. Ultimement, Messiaen parle de la nature, des plantes, des arbres, des animaux… Je n’ai aucun problème à parler de rituel païen », conclut le metteur en scène.

Le 16 juillet, 16 h 30, à la salle Gilles-Lefebvre

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