(Paris) « J’aime beaucoup le chaos, le brouillon, et j’ai aussi un rapport très fort avec la mémoire et le passé », confie à l’AFP le chorégraphe français Boris Charmatz, invité « complice » du prochain Festival d’Avignon lors duquel il expérimentera une danse géante en cercles.

À la tête du Tanztheater Pina Bausch à Wuppertal, en Allemagne, depuis bientôt deux ans, il est attendu pour cette 78e édition, du 29 juin au 21 juillet à Avignon, d’une des plus importantes manifestations de théâtre et spectacle vivant au monde, organisée dans le sud-est de la France.

Il y dévoilera pas moins de trois projets et sera présent du premier au dernier jour. Il y aura d’abord cet objet dansant non identifié, Cercles, un atelier XXL à ciel ouvert de transmission de danses en cercles avec 200 personnes professionnelles et amatrices, destiné à devenir une « future pièce ».

« Une des formes les plus archaïques », mais aussi « modernes, de danser, c’est de se mettre ensemble en cercle », explique l’artiste, dont les projets aiment « questionner la notion d’assemblée : comment est-ce qu’on se met ensemble ? Comment on débat ? ».  

Pour lui, « dans ce moment de grandes angoisses – angoisse de guerre, climatique, économique, sociale – on a besoin de faire naître de l’énergie ensemble ».

Boris Charmatz présentera par ailleurs Liberté cathédrale, première création menée conjointement avec le Tanztheater et des danseurs de son association française Terrain, actuellement au théâtre du Châtelet, dans le centre de Paris, jusqu’au 18 avril.  

Ce spectacle – interprété par le passé dans une église ou une usine – sera cette fois dansé en plein air, sur l’herbe d’un terrain de football. Acoustique, éclairage, place des spectateurs, tout sera « repensé », dit-il.  

« Fantômes »

« J’aime que mes spectacles migrent », détaille celui qui fait profession d’investir « l’espace public », d’« être dans les paysages », que ce soit à Avignon ou au sein de « paysages marqués par le charbon, l’acier, le textile, les crises ».

Passé par l’école de danse de l’Opéra de Paris, puis par le Conservatoire de Lyon, Boris Charmatz a fait ses débuts avec la danseuse et chorégraphe Régine Chopinot, figure historique de la Nouvelle danse française des années 80.  

Lui qui a, entre autres, été interprète pour la danseuse et chorégraphe belge Anne Teresa De Keersmaeker, figure majeure de la danse contemporaine, a aujourd’hui 51 ans. Soit exactement le même âge que la troupe du Tanztheater, « qui tourne », mais comprend en permanence une trentaine de danseurs.

Son style ? « J’aime beaucoup le chaos, le brouillon, l’improvisation, mais j’aime que ça soit en rapport avec l’histoire, la mémoire, le passé », décrit-il.  

« Quand j’ai commencé la danse, on me disait : “Si tu danses pour d’autres, tu ne vas pas faire ton propre travail”. Au contraire, c’est dans le dialogue avec d’autres écritures que j’ai pu inventer ma manière », déroule-t-il. « J’ai compris que les sensations passées, les fantômes, pouvaient être de vrais partenaires de jeux pour inventer ».

Forever, le troisième de ses projets proposés à Avignon, se veut d’ailleurs une immersion de sept heures dans Café Müller (1978), ballet culte de la chorégraphe allemande Pina Bausch, où, dans un désordre de chaises et de tables, les corps « se cherchent, se trouvent et ne se trouvent pas ».  

Pas de fantômes cette fois : seront invités sur le plateau quelques-uns des danseurs légendaires (temporairement plus à la retraite) de Pina Bausch, tels Nazareth Panadero, Helena Pikon, ou Jean-Laurent Sasportes.