Vous souvenez-vous du personnage de Holly Gibney ? La petite protégée du vieux Bill Hodges, qui lui a tout appris du métier d’enquêteur et qui a fini par lui céder son agence de détectives privés... Même si la réponse est non, ne passez pas à côté de cet excellent roman noir de Stephen King.

Depuis qu’elle a affronté les monstres de la trilogie Mr Mercedes et L’outsider, la jeune femme timide et peu sûre d’elle a parcouru bien du chemin. Cinq ans ont déjà passé depuis la mort de son mentor, mais Holly se demande encore ce que ferait Bill à sa place quand elle se retrouve devant une impasse. Et la voilà qui gère l’agence désormais seule parce qu’on est en 2021, en pleine pandémie, et que son partenaire est en quarantaine après avoir attrapé le virus.

C’est donc elle qui prend les rênes de l’enquête lorsqu’une mère inquiète lui demande de retrouver sa fille disparue, dont personne ne se soucie vraiment avec tout ce qui enflamme les manchettes – les hospitalisations, la crise dans le système de la santé ou les manifestations entourant la mort d’un jeune Noir tué par un policier blanc.

En parallèle à l’investigation de Holly, on remonte quelques années en arrière pour découvrir qu’il y a eu d’autres disparitions – jamais élucidées – dans cette petite ville tranquille du centre des États-Unis dotée d’une prestigieuse université.

Stephen King nous sert ici un vrai polar, construit dans les règles de l’art : une enquête, aucun suspect, peu de pistes à suivre et beaucoup de personnes à interroger.

Mais ce ne serait pas un roman de Stephen King s’il n’y avait pas cette touche d’horreur qui nous plonge dans des endroits particulièrement obscurs de l’âme humaine. « Le mal ne connaît pas de limites », écrit-il. Et parfois, il prend des formes – ou des visages – que l’esprit ne s’autorise même pas à imaginer.

Holly est un personnage que Stephen King dit avoir aimé « depuis le début » et qu’il avait envie de retrouver. Son héroïne n’est peut-être pas parfaite, entre ses mauvaises habitudes assumées, ses TOC et toutes ses remises en question, mais c’est justement pour toutes ces raisons qu’elle finit par devenir une superhéroïne à nos yeux, en essayant comme elle peut d’obtenir justice pour tous ces jeunes disparus sans laisser de traces. Elle sera même, sans surprise, au cœur d’une nouvelle série télé aux États-Unis.

Depuis quelques romans, Stephen King utilise de plus en plus la fiction comme tribune pour s’exprimer sur des questions d’actualité qui divisent, et il s’en donne ici à cœur joie – sur les mesures sanitaires, la vaccination, l’existence ou non de cette fameuse grippe, les préjugés raciaux, les mouvements comme Black Lives Matter ; bien des médias américains ont même classé ce roman comme son plus politique. Mais il s’attaque aussi dans Holly à une autre question qui, semble-t-il, le hante de plus en plus : le vieillissement. On vous laisse découvrir de quelle façon diabolique le maître de l’horreur a choisi de s’attaquer au sujet.

Holly

Holly

Albin Michel

522 pages

8/10