En assistant aux derniers milles de sa mère et aux premiers pas d’un enfant surnommé bébé-loup dans sa famille, Alain Labonté a choisi de ralentir. Véritable dynamo de l’industrie culturelle québécoise, l’attaché de presse et auteur témoigne dans son nouveau livre, Trois saisons et un puits de lumière, du temps qu’il prend pour servir de courroie de transmission entre les générations.

Les yeux débordants de sérénité, il se dit privilégié d’assister à l’hiver d’une femme qui lui a donné la vie et au printemps du petit dernier dans leur lignée. « Ça me ramène au fait que la vie est une roue qui tourne », dit l’homme attrapé au vol pour une entrevue entre son retour d’un séjour au Sénégal et le premier d’une série de lancements prévus dans différentes villes du Québec. « Pendant que, lentement, je vais prendre la place de ma mère, bébé-loup va prendre la mienne, ajoute-t-il. Ce livre-là est une histoire de transmission de la parole et du geste, ceux que j’ai reçus de mes parents et de mes grands-parents. »

C’est aussi, surtout, un hommage tout en délicatesse à sa mère, Thérèse, une femme québécoise universelle. « Ma mère vient d’une génération où les femmes s’oubliaient, explique-t-il. Elles étaient au service de la famille, du clergé et de leur communauté. Combien de fois les gens appelaient ma mère pour avoir de l’aide, alors que mes parents avaient une ferme et travaillaient très fort ? Pourtant, ils disaient toujours oui. »

S’il considère que sa mère est à l’image de milliers de femmes, il croit aussi qu’elle se démarque par son incommensurable bienveillance. « Elle voulait toujours donner le meilleur d’elle-même, même quand elle était à terre. Elle nous disait qu’on était beaux et fins, des choses qu’elle ne s’est peut-être pas dites à elle-même. »

Égayer la vie des autres

Huit ans après la publication du livre Une âme et sa quincaillerie, le nouveau récit d’Alain Labonté permet aux lecteurs de comprendre le déchirement ressenti au moment de déménager dans une résidence de cette femme qui lui a tout donné et à qui il aurait tant aimé redonner à son tour. « À l’époque, je lui ai dit que ma porte était ouverte pour elle, mais je me doutais que ce n’était pas la bonne chose. Je vivais à Montréal. Elle ne connaissait personne ici. Je travaillais comme un malade. Elle aurait été seule. »

Avec ses proches, il a donc franchi cette étape de vie redoutée par tant : placer son parent. Un geste d’autant plus confrontant pour quelqu’un qui, à 9 ans, a eu l’occasion de nourrir son grand-père à la cuillère jusqu’à sa mort. « Les choses ont changé, mais j’aimerais ça le faire aujourd’hui. J’ai déménagé il y a plus de deux ans près de L’Avenir, mon village natal. Ma mère pourrait vivre chez nous, mais elle a ses habitudes et elle est bien où elle est. Dans le livre, je rends d’ailleurs hommage aux gens de sa résidence, la Maison du Golf. »

Il évoque aussi les gestes qu’il fait avec sa mère, comme des gâteries et des cadeaux offerts par-ci par-là, pour égayer la vie des autres résidants.

Je suis témoin que certaines personnes n’ont jamais de visite. Quand tu es témoin de quelque chose, tu as une responsabilité. Tu peux faire semblant que ça ne te concerne pas, mais oui, ça me concerne. Ces gens habitent avec ma mère.

Alain Labonté

Ces petites pensées exigent une sensibilité qui a toujours habité celui qui s’implique depuis des lunes dans différentes causes sociales comme Les Impatients et le Centre Philou. Mais il fallait également du temps, cette chose si rare dans l’horaire d’un professionnel qui travaille de 60 à 70 heures par semaine depuis 42 ans. « Dès que j’ai lancé mon bureau, c’est parti en fou ! J’en avais par-dessus la tête et j’aimais ça. Jusqu’à ce que je réalise qu’il me fallait un équilibre dans la vie. J’ai alors choisi de ralentir. »

Affirmant que ses défis professionnels sont désormais derrière lui et que sa préretraite est entamée, il entrevoit ses semaines de 35 heures comme un terrain de jeu. « C’est sûr que je vais écrire davantage dans les prochaines années. L’écriture est une passion, mais comme ce n’était pas mon travail, si je publiais une fois tous les 10 ans, ça ne changeait rien. Depuis peu, les choses changent. »

Il fait d’ailleurs partie de ceux qui affirment, avec un peu de gêne, que la pandémie leur a fait du bien. « Je ne le crie pas trop fort, mais j’ai adoré ça, le silence et ne voir personne. Je me suis retrouvé face à moi-même. Dans ce livre-là, mon rapport au silence est encore plus fort que dans tous mes autres. »

Alain Labonté sera en séance de dédicace ce samedi de 11 h 30 à 12 h 30, de 15 h à 16 h et de 17 h à 18 h, et ce dimanche de 10 h à 11 h 30 au Salon du livre de Québec.

Trois saisons et un puits de lumière

Trois saisons et un puits de lumière

Édito

160 pages