Samuel Larochelle a de l’énergie à revendre. Ses activités sont tellement nombreuses et variées qu’on se demande où il trouve le temps de dormir. L’auteur et journaliste publie deux ou trois ouvrages par année, signe en tant que pigiste des reportages dans plusieurs médias, dont La Presse, et porte à bout de bras les soirées Accents Queers, le Cabaret des mots en Abitibi-Témiscamingue, sa région natale, de même que les cabarets littéraires érotiques Sexxxu.

Ah oui, j’oubliais, il est en train de développer un projet de télé avec un diffuseur. Ce gars me donne le tournis. « Oui, c’est vrai, j’ai la réputation d’être une dynamo. Mais comme tous ces projets m’emballent, ça se passe bien. Personne ne me croit, mais j’ai un peu ralenti la cadence depuis quelques mois. »

Créée au printemps 2021, la formule des cabarets Accents Queers connaît sa cinquième édition montréalaise ce vendredi soir. « Tout cela est né d’un élan égocentrique, explique Samuel Larochelle. Après avoir vécu pendant quelques années l’expérience des open mic, c’est devenu une véritable drogue. J’ai souhaité revivre ça le plus souvent possible. »

Le cabaret Accents Queers n’est pas une soirée littéraire, mais un espace où certaines personnalités disposent d’un droit de parole. Tous les genres sont permis : slam, extrait de livre, chronique intime, monologue, etc. On ne pige pas dans les textes des autres, on arrive avec son propre matériel. La formule n’est pas sans rappeler celle du Combat contre la langue de bois… mais en version LGBTQ+.

Les gens qui montent sur scène le font pour dire des choses, pour secouer les mentalités, pour parler d’eux ou de la réalité de leur communauté. Et ils le font avec de l’humour, de la poésie, de l’émotion et beaucoup de cran.

C’est très accessible. On va dans le drôle, le touchant, dans le coup de gueule et dans le coup de pied au cul aussi.

Samuel Larochelle

Ce vendredi soir, le public pourra entendre Éric Chacour, Justine Philie, Steve Bastien, Chris Bergeron, Sarah Laurendeau et Samuel Larochelle. Ce dernier assurera également l’animation.

Très rapidement, cette formule est devenue très populaire. Elle s’exporte maintenant partout. Des éditions spéciales ont eu lieu à Sherbrooke, le 30 mars dernier, dans le cadre de la semaine Arc-en-ciel, et à Québec, en octobre, à l’occasion du Festival Québec en toutes lettres. Une édition est en préparation pour Caraquet, le 17 mai prochain. « Je suis en discussion avec Gatineau, Rouyn-Noranda, Ottawa, Sudbury et bien d’autres villes », dit celui qui se décrit comme un « entrepreneur culturel ».

Samuel Larochelle essaye d’obtenir des participants qui représentent chacune des lettres du sigle (gai, lesbienne, trans, queer, non-binaire, etc.), mais cela n’est pas toujours possible. Il y a également un souci d’avoir un équilibre entre les générations et une variété culturelle.

Cela dit, l’organisateur n’a aucun mal à dénicher des participants. « C’est la cinquième édition à Montréal et personne n’est venu plus d’une fois. C’est très facile de recruter. »

Il ne faudrait pas croire que ces soirées attirent uniquement des spectateurs de la communauté LGBTQ+. « Il y a une partie du public qui est queer et qui s’identifie aux propos qui sont dits sur scène, mais il y en a une autre qui est hétéro ou cisgenre. »

Ce sont des gens qui ont compris que les différences sont intéressantes et que les histoires queers ne sont pas juste pour les personnes queers.

Samuel Larochelle

L’occasion était belle de parler des thèmes qui demeurent sensibles auprès du grand public. Chaque fois que je parle des personnes trans ou des drag queens, je sens bien que ces sujets passent moins bien. Le lancement d’une pétition par Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec, pour que le gouvernement cesse de financer des activités exposant les enfants à des drag queens, témoigne de ce malaise.

Et d’une grande méconnaissance de cette réalité. Il fallait entendre Éric Duhaime mercredi matin chez Paul Arcand tenter de défendre son initiative. On aurait dit une souris qui courait dans un labyrinthe et qui se butait à des impasses face aux questions de l’animateur.

Samuel Larochelle affirme que cette incompréhension est non seulement observable dans le public en général, mais aussi chez les gais et les lesbiennes. « Beaucoup de gais ou de lesbiennes assument leur orientation sexuelle, mais ils aiment à dire qu’ils sont encore “un vrai homme ou une vraie femme”. Pour moi, c’est de l’homophobie intériorisée. »

Les représentations à Montréal des cabarets Accents Queers ont toujours lieu à la maison de la culture Janine-Sutto. Les billets, offerts pour une bouchée de pain (2 $), s’envolent normalement en quelques jours. Si vous ne pouvez mettre la main sur des places, sachez que la prochaine édition aura lieu en novembre prochain.

Et si jamais Éric Duhaime a envie de venir prendre la parole au nom de la communauté LGBTQ+, je suis sûr que Samuel Larochelle lui réservera une place de choix.

Accents Queers, 14 avril, 19 h 30, maison de la culture Janine-Sutto

Consultez le site de la maison de la culture Janine-Sutto