On doit beaucoup à Michelle Perrot. Cette historienne française a consacré sa carrière à l’histoire des femmes. Elle l’a creusée, enseignée, écrite. Elle en a fait la promotion à une époque où ce n’était pas du tout à la mode et où ses collègues qui travaillaient sur l’histoire avec un grand H – lire l’histoire des hommes – la regardaient de haut.

À 94 ans, la professeure émérite de l’Université Paris-Diderot a une perspective riche sur les avancées et les reculs des femmes.

Ce livre, écrit en collaboration avec Eduardo Castillo, ancien étudiant de Mme Perrot devenu écrivain, propose donc un survol des principales luttes des femmes à travers le regard de l’historienne. Michelle Perrot s’y livre à un exercice de mémoire, en commençant par son propre éveil. Elle avoue en effet ne pas s’être définie comme féministe quand elle était jeune. Comme bien des femmes de sa génération, c’est la lecture du Deuxième sexe, de Simone de Beauvoir, dans les années 1950, qui lui a ouvert les yeux.

Ce livre, qu’on pourrait qualifier d’autobiographie intellectuelle, a parfois des allures de cours magistral. Il constitue une super introduction pour ceux et celles qui s’intéressent à l’histoire des femmes occidentales blanches, d’un point de vue très franco-français. L’approche est classique, ce qui n’empêche pas Michelle Perrot d’aborder les questions plus contemporaines. Celle qui aura 100 ans avant la fin de cette décennie est ouverte et curieuse des débats plus récents au sein du mouvement des femmes, qu’ils concernent le port du voile, l’intersectionnalité ou le wokisme.

À propos des débats qui traversent la société aujourd’hui, l’historienne de 94 ans montre d’ailleurs plus d’ouverture d’esprit que bien des commentateurs plus jeunes qui s’érigent en grands penseurs de notre époque. « Refuser les mots “décolonial”, “woke”, “cancel culture”, “intersectionnalité”, écrit-elle, dénoncer d’emblée leur caractère pervers, c’est refuser le débat, refuser qu’il ait lieu, refuser les mots pour disqualifier la discussion elle-même. Ce n’est ni une attitude historique, ni une attitude scientifique. » Des propos remplis de sagesse.

Le temps des féminismes

Le temps des féminismes

Grasset

198 pages

6,5/10