En créant le concept du match d’improvisation, en 1977, la Ligue nationale d’improvisation (LNI) s’est inspirée du bon vieux hockey. Au Punch Club, c’est la boxe, voire la lutte professionnelle ou les combats ultimes qui ont servi de modèles, explique l’un de ses cofondateurs, Dominic Lapointe.

« Au cégep St. Lawrence, à Québec, j’étais le coach d’impro d’Odgen [Ridjanovic, d’Alaclair Ensemble et de Rednext Level]. Il est venu me voir pour me dire que ce serait bien de lancer un nouveau spectacle d’impro. Mais il y avait deux choses qu’il n’aimait pas dans le concept original : le fait qu’il y ait beaucoup de joueurs dans chaque équipe. Et l’arbitre, qui pouvait expulser les plus tannants ou les plus cabochons après deux punitions ! »

Ces « cabochons » qui jouaient souvent de façon un peu plus agressive étant souvent ses joueurs préférés, le rappeur (aussi connu sous le nom de scène de Robert Nelson) ne voulait pas les exclure de la partie. Il a plutôt voulu en faire les vedettes de son nouveau concept où la compétition serait féroce, où les vainqueurs remporteraient non pas des trophées, mais de l’argent comptant. Quant au joueur du match, il repartirait avec une bouteille de gin en guise de médaille.

Non, le Punch Club n’est pas un spectacle familial. Les répliques sont souvent grossières, voire sexuelles. Ce qui n’empêche pas les histoires racontées d’être souvent très bien ficelées.

On voulait créer un truc plus badass, plus rock’n’roll, où il serait possible de transgresser les règles. Comme de l’impro de ruelle où tous les coups seraient permis !

Dominic Lapointe, directeur artistique et cofondateur du Punch Club

Douze ans plus tard, les chiffres donnent raison aux fondateurs. L’entreprise a produit jusqu’à maintenant près de 255 spectacles à Québec, à Montréal ou lors de tournées organisées au Québec et en Europe. Le Punch Club chapeaute aussi le Festival d’impro de Québec, qui a vu le jour l’an dernier.

Comment ont réagi les Français, les Belges, les Suisses et les Luxembourgeois en voyant arriver chez eux cette ligue d’impro nouveau genre ? « Ils trippent sur le rythme qu’on apporte, dit Dominic Lapointe. En Europe, il y a une lenteur dans le jeu, qui est très écrit. Le Punch Club, c’est leur rythme fois 10 ! Les spectateurs sont un peu déstabilisés au début devant l’animation très québécoise d’Ogden, mais pendant le match, nos joueurs adaptent un peu leur langage pour être compris. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Jean-Alexandre Giguère en pleine action

Au Québec (comme à Reims ou à Genève), ces matchs qui empruntent aussi à l’ambiance des rap battles affichent souvent complet. À Montréal, le spectacle est présenté à la Sala Rossa – une salle de 250 places sise boulevard Saint-Laurent. Il faut parfois se prendre des semaines à l’avance pour obtenir des billets. À Québec, les matchs se tiennent à l’Impérial, mais il n’a fallu que deux jours pour écouler les 500 billets pour le match du 8 juin.

Il faut dire que ce sera l’occasion pour les quasi indétrônables champions LeLouis Courchesne, Virginie Fortin et Arnaud Soly de mettre leur ceinture en jeu contre une équipe solidement constituée de Pier-Luc Funk, Corinne Fortin (la sœur de Virginie) et Louis-Philippe Desjardins.

Plusieurs de ces grands noms de la discipline sont (ou ont été) des joueurs attitrés de la Ligue nationale d’improvisation. Ce qui ne les empêche pas de sauter allègrement la clôture pour aller tester l’eau au Punch Club.

Sans le gazou, le bonheur des improvisateurs

C’est le cas de Fabiola Nyrva Aladin, habituée de la Ligue nationale d’improvisation, qui participe depuis 10 ans au Punch Club. « Ce que j’aime ici, c’est la liberté totale. Ça fait un bon équilibre dans ma pratique avec la LNI, où il y a beaucoup de consignes. »

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Anne-Élisabeth Bossé, Jean-Sébastien Houle et Florence Longpré faisaient équipe pour le match.

L’absence d’arbitre qui prévaut au Punch Club plaît aussi à Florence Longpré, ex-joueuse de la LNI qui a dû quitter la grande ligue faute de temps. « J’ai un problème de décrochage : tout me fait rire. Ici, je n’ai pas peur de me faire expulser ! »

Autre facteur qui ravit les improvisateurs : la foule du Punch Club, toujours gonflée à bloc. De fait, les spectateurs encerclent littéralement les joueurs, comme dans les concours impromptus de danse de rue. Il y a du public au parterre, mais aussi directement sur la scène, derrière les joueurs qui prennent les allures de gladiateurs au cœur d’une arène bruyante !

« Quatre fois sur cinq, les matchs se tiennent devant des salles pleines, explique Dominic Lapointe. On a l’impression d’être au Garden de Boston pour un match des Bruins ! C’est jouissif. On le sait : plus on est nombreux, plus on est niaiseux. Devant un aussi grand public, chaque petite blague devient la meilleure au monde tellement le rire est contagieux. »

La 128édition du Punch Club
  • La foule vote à main ou à poing levé pour la meilleure improvisation.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    La foule vote à main ou à poing levé pour la meilleure improvisation.

  • C’est à Ogden Ridjanovic (alias Robert Nelson) que revient la tâche de réchauffer la salle.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    C’est à Ogden Ridjanovic (alias Robert Nelson) que revient la tâche de réchauffer la salle.

  • Le public du Punch Club est fidèle à la ligue, et ce, peu importe qui se retrouve sur scène.

    PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

    Le public du Punch Club est fidèle à la ligue, et ce, peu importe qui se retrouve sur scène.

  • L’équipe gagnante, composée de Fabiola Nyrva Aladin, Delphine Coiteux et Jean-Alexandre Giguère, s’est partagé la somme de 600 $.

    PHOTO KARL-ALEXANDRE JAHJAH, FOURNIE PAR LE PUNCH CLUB

    L’équipe gagnante, composée de Fabiola Nyrva Aladin, Delphine Coiteux et Jean-Alexandre Giguère, s’est partagé la somme de 600 $.

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C’est particulièrement vrai à la Sala Rossa, où les spectateurs sont assis sur de petites chaises pliantes, quand ils ne sont pas carrément debout. « Il n’y a rien de tel qu’un match à Montréal », estime d’ailleurs Fabiola Nyrva Aladin.

Or, c’est presque uniquement par les réseaux sociaux et le bouche-à-oreille que le Punch Club a su attirer ce public amateur d’impro de haut niveau. La page Facebook de la ligue compte près de 15 000 abonnés fidèles qui se ruent sur les billets dès que les matchs à venir sont annoncés. « Au Punch Club, vedettes ou pas, les joueurs et joueuses sélectionnés sont tous excellents et drôles à mort », dit Dominic Lapointe.

Il faut bien lui donner raison. Le soir de notre passage à la Sala Rossa pour la 128édition du Punch Club, les six joueurs et joueuses présents étaient hilarants, déjantés et ô combien habiles dans leurs jabs, leurs uppercuts et autres bagarres de mots improvisées.

Le prochain match du Punch Club est prévu le 12 avril à la Sala Rossa.

Consultez le site du Punch Club

Un festival d’impro à Québec

Pour la deuxième année, ce festival entièrement consacré à l’art de l’improvisation va se déployer dans diverses salles de Québec, du 19 au 28 avril. Au programme : plusieurs matchs rassemblant l’élite des ligues secondaire, collégiale et universitaire ainsi que de diverses ligues de la province. Aussi : des spectacles inédits comme de l’improvisation longue durée (avec notamment le vétéran Réal Bossé) ou de l’impro musicale. Le spectacle d’ouverture, prévu au Diamant, affiche déjà complet.

Consultez le site du festival

Qu’est-ce que le Punch Club ?

Véritable phénomène du monde de l’improvisation, le Punch Club a été fondé il y a 12 ans par trois amateurs du genre : Ogden Ridjanovic, Dominic Lapointe et Karl-Alexandre Jahjah. Il a produit plus de 255 spectacles à Montréal et à Québec, mais aussi lors de tournées provinciales et européennes. La saison compte en général huit matchs à Montréal et huit à Québec. Les alignements varient de match en match, à l’exception des champions en titre qui sont tenus de mettre leur ceinture en jeu.