En plus de coanimer le 25e gala Les Olivier avec Cathy Gauthier, Eve Côté y cumule trois citations, dont une partagée avec son grand frère Jean-Michel, travailleur social de métier. Tous deux racontent comment l’écriture comique a été pour eux comme un baume, à la suite d’un grave accident dont ils ont chacun dû se remettre, à leur manière.

En 2014, à sa sortie de l’École nationale de l’humour, Eve Côté ne savait pas du tout par quelle corne prendre le taureau de sa bourgeonnante carrière, comment assembler dans un tout cohérent les différents bouts de numéro qu’elle étrennait dans les bars. Son grand frère Jean-Michel, toujours protecteur, lui propose alors de s’encabaner au camp de chasse de leur père.

Et c’est là qu’ils élaboreront en une fin de semaine très efficace le squelette de ce qui deviendra Côté Eve, le premier one-woman-show de la Grande Crue, nommé aux Olivier dans les catégories Spectacle d’humour de l’année et Auteur de l’année/Spectacle d’humour. Une sélection qu’elle partage avec les auteurs patentés que sont Danis Durocher et Jean-Christian Thibodeau, mais aussi avec son frangin, dont l’art de la blague n’est pourtant pas du tout le métier, même s’il sait en pousser une mieux que la majorité.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Eve Côté lors de sa première médiatique en février 2023

« Je me souviens de cette fin de semaine au camp comme si c’était hier », lance Eve de son côté de l’écran de visio, durant une conversation à trois, Jean-Michel vivant en Gaspésie et elle, à Montréal.

On a ri à se fendre la face. Des fois, j’avais juste une phrase dans mon cahier, Jean-Michel avait un bout de quelque chose dans le sien, on mettait ça ensemble et on partait sur un délire.

Eve Côté

« Je n’aurais jamais pensé un jour écrire de l’humour », confie le frérot, d’une école primaire de la municipalité de Tourelle, où il œuvre comme travailleur social. « Mais à ce moment-là, les étoiles étaient alignées. J’avais du temps à consacrer à ma sœur et j’en avais un peu besoin. »

Perdre des morceaux

Jean-Michel avait du temps à consacrer à sa sœur, parce qu’il était toujours, en 2014, en réadaptation d’un grave accident de motoneige subi en 2010 où « il a perdu une couple de morceaux », dit-il, un gigantesque euphémisme compte tenu de la paraplégie avec laquelle il compose depuis. Tuyauteur dans des raffineries de pétrole de l’Alberta, il devra se réorienter professionnellement, mais surtout réapprendre à vivre.

Combien de temps a-t-il mis avant de pouvoir considérer sa situation avec humour ?

C’est un processus assez long, parce qu’il y a plusieurs deuils à traverser et parce que le regard des autres change. Tout dans ton quotidien est remis en question, autant sur le plan autonomie que sur le plan sexuel.

Jean-Michel Côté

Et la petite sœur, elle ? « Je me sentais coupable de vivre mon rêve, d’être à l’École de l’humour, alors que mon frère, on lui avait tout arraché les siens. » Eve s’interrompt, s’essuie les yeux, rit nerveusement. « Je ne pensais pas être émotive de même sur le Zoom à matin ! »

Elle reprend. « Quand je suis sortie de l’École, inclure Jean-Michel dans ce que je faisais, ç’a été le moyen que j’ai trouvé pour qu’on mette en commun nos rêves. Et ç’a aussi été un baume pour moi. »

Sur le terrain

Pour Eve Côté, collaborer avec son frère lui aura permis de rester en contact avec la fabuleuse parlure de sa Gaspésie natale, qui imprègne toutes ses présences médiatiques. Jean-Michel est en quelque sorte son émissaire gaspésien, lui qui, grâce à son travail, est appelé à visiter 17 écoles préscolaires et primaires, partout dans la région.

« Mon frère est encore sur le terrain », s’exclame-t-elle.

C’est non seulement mon travailleur social personnel, mais comme c’est un gars qui jase avec tout le monde, il se fait raconter toutes sortes d’histoires qui n’ont pas de bon sens. Il entend différentes expressions, qu’on va chercher directement dans la bouche du monde.

Eve Côté

Grand joueur d’impro, Jean-Michel Côté a déjà lui-même présenté des numéros de stand-up (façon de parler) ainsi que des chroniques sur les ondes de Radio-Gaspésie, mais n’envisage pas du tout une carrière semblable à celle de sa cadette, bien conscient de tous les sacrifices auxquels consentent ceux et celles qui, comme sa sœurette, « font le cheval de trait à la grandeur de la province ».

« Mais même si tu voulais te lancer, ce n’est pas toutes les salles qui seraient capables de t’accueillir », se désole Eve.

Bien que la majorité des lieux où elle joue soient en mesure de recevoir convenablement des spectateurs en situation de handicap, les coulisses de ces mêmes salles, avec leurs couloirs lugubres et leurs escaliers exigus, se déploient souvent comme d’impraticables labyrinthes. « Il a fallu bien choisir les rodages auxquels Jean-Michel a assisté, sinon, il n’y avait pas moyen qu’il vienne travailler avec moi dans ma loge. »

Dimanche soir, si Eve et Jean-Michel remportent une statuette, c’est donc toute la Gaspésie qui applaudira, pas juste leur Gaspé natal. « Tout le monde ici s’approprie Eve », confirme son frère, fier. « Que tu viennes de Chandler ou de Bonaventure, Eve, c’est une [il surjoue l’accent] p’tite de la place. »

Le 25e gala Les Olivier est diffusé en direct de la salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau ce dimanche à 20 h sur ICI Télé, ICI Tou.tv et sur Radio-Canada.ca/Olivier