Dans les premières minutes de L’homme de ma vie, Katherine Levac prévient que les blagues de son second spectacle solo sont très genrées. Un préambule intrigant qui s’avérera, de la meilleure des façons. Avec finesse et intelligence, l’humoriste joue avec les clichés, s’impatiente face aux idées préconçues, s’amuse de ses propres imperfections et trace le chemin entre celle qu’elle était et celle qu’elle est devenue.

Lorsque Katherine Levac vous révélera à la fin de son spectacle qui est « l’homme de sa vie », vous ne serez pas forcément surpris, mais vous serez probablement touché par le propos, investi dans son récit et diverti par son aisance à faire rire. Tout au long de l’heure et demie environ qui mènera au segment final (sans punch, mais si bien écrit), où elle en viendra à mentionner le titre de son spectacle, c’est aussi ce qu’elle fera : tout en abordant des sujets auxquels on s’attend, elle maîtrise aussi bien ses angles d’approche que sa façon de nous les transmettre et parvient ainsi à être plus que convaincante.

Que ce soit clair ici, il n’y a rien de mal à ce qu’on ait pu prévoir que Kat Levac parlerait de maternité et d’homosexualité (entre autres choses) dans son nouveau spectacle. Son identité de mère, dans un couple de femmes, est trop riche pour ne pas prendre le premier plan de son monologue.

Il est très souvent plaisant, lorsque c’est bien fait, de voir une artiste puiser à même ce qu’elle est pour soutirer des rires. Mais la jeune trentenaire est bien sûr plus qu’une mère et plus qu’une femme qui aime une autre femme. Et elle a auparavant été tout autre que ces choses-là. C’est de tout cela qu’est fait son spectacle.

Et en abordant sa vie, l’humoriste ponctue ses numéros de commentaires sur la vie, avec un grand V. Sur la place des femmes en société. Sur le rôle des mères. Sur les gens qui veulent tant savoir comment elle a perdu le poids gagné durant la grossesse de ses jumeaux. Sur ceux qui vont sillonner sa maison en vente durant les visites libres simplement pour fouiner. Sur les jugements en ce qui concerne le Botox auquel tant de gens ont recours (et qu’elle s’est fait injecter dans le front).

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Katherine Levac animait le 24e gala Les Olivier, l'an dernier.

D’ailleurs, son corps, qu’elle ferait tout (même baigner dans son propre pipi) pour ne pas montrer en public en maillot de bain, est un terreau fertile pour des gags chaque fois réussis. Elle raconte longtemps comment ses seins post-allaitement sont devenus des « poches de thé », des « duo-tangs neufs ». Elle explique plus tard que son vagin est beaucoup moins ferme depuis son accouchement, comme l’avait prédit un internaute sous une publication Facebook, dans un commentaire peu gracieux. Elle parle de masturbation et elle parle de l’animation du Gala Les Olivier, l’an dernier, alors que ses menstruations ce soir-là étaient faites de caillots de sang gros comme des œufs. Tout y passe et c’est plutôt génial.

Les hommes et les femmes de Katherine Levac

Foncièrement féministe, Katherine Levac nous amène dans les dessous de son apparente perfection. De son ton pince-sans-rire, sarcastique et parfois tranchant, elle raconte ses frustrations et elle ventile. Ses admirateurs la félicitent pour tout ce qu’elle fait, mais elle n’a que faire des compliments. La vérité, c’est qu’elle manque de temps libre, qu’elle ne savait pas comment gérer ses poupons à leur naissance et qu’elle a perdu du poids parce que ses enfants sont à la garderie et qu’elle traîne une gastro depuis huit mois.

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Tout en abordant des sujets auxquels on s’attend, Katherine Levac maîtrise aussi bien ses angles d’approche que sa façon de nous les transmettre et parvient ainsi à être plus que convaincante.

« C’est important de dire que c’est difficile », laisse-t-elle tomber. Elle parle de son amoureuse Chloé Robichaud et en fait un personnage de ses histoires, pour notre plaisir, notamment lorsqu’elle aborde la conciliation travail-famille.

Mais le spectacle s’intitule L’homme de ma vie et on constate qu’il y en a beaucoup, des hommes, dans la vie et le parcours de Kat Levac. Parce qu’elle n’a « jamais été célibataire » et qu’elle a longtemps fréquenté des hommes, ses histoires de relations hétéros (avec des « gars de région », surtout) garnissent abondamment son spectacle.

Kat Levac est la reine des silences (laisser peser d’aussi longs vides dans son rythme la sert à merveille), mais aussi celle des gags récités à toute vitesse, toujours bien punchés. C’est presque sans reprendre son souffle qu’elle rend un touchant hommage à sa mère (et à toutes les mères), qui lui a tout donné.

Elle dira à un moment que ceux qui ne sont pas nés en 1989 ne comprendront peut-être pas une de ses références. Parfois, ses lieux communs ne le sont pas tant que ça – de Party in the USA de Miley Cyrus aux billets pour les concerts de Taylor Swift en passant par le personnage de Lorelai Gilmore. Sa génération comprendra sûrement chaque allusion, d’autres pourraient s’y perdre.

Katherine Levac le dit sans détour et en réalisant la chance qu’elle a : être sur scène, présenter ce spectacle, ce n’est pas sa priorité, plus maintenant. La jeune mère est choyée de pouvoir le faire, mais sait maintenant que certaines choses comptent bien plus. Pour celle qui, de son propre aveu, désire l’attention et souhaite toujours plaire, cette nouvelle réalisation a dû apporter un agréable vent de changement. De notre côté, nous conseillons aux amateurs d’humour de faire l’une de leurs priorités d’aller voir L’homme de ma vie.

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L’homme de ma vie

L’homme de ma vie

Katherine Levac

En tournée au Québec

8,5/10