Sa fausse naïveté et son sens inusité de l’autodérision permettent à Rosalie Vaillancourt de ficeler, avec son second spectacle solo MILF, une prestation drôlement décalée, singulière et réussie.

Personne ne pourra reprocher à Rosalie Vaillancourt de « trop » parler de maternité. Elle aurait pu le faire et ça aurait probablement été très bien, puisqu’à chaque fois qu’elle a abordé le sujet mardi soir, lors de sa première au Gesù, les rires ont fusé dans la salle. Elle aurait bien évidemment eu toute la légitimité de le faire, puisque parmi les grands changements de sa vie depuis son dernier spectacle solo, il y a eu, probablement au sommet du palmarès, l’arrivée de sa fille. L’humoriste est passé d’enfant roi (le titre de son précédent spectacle) à milf (acronyme anglais, mother I’d like to fuck) une mère suscitant toujours le désir sexuel et, surtout, qui sait le prendre en main. Et cette transition est une partie de ce qu’elle nous raconte dans ce nouveau spectacle (même si on se doute que le côté enfant roi ne quitte jamais vraiment ledit enfant). Mais plutôt que de faire de ce statut de milf toute l’essence de sa proposition, elle a effleuré le sujet, y est revenu de temps en temps, mais a surtout parlé de plusieurs autres choses connexes.

Comme pour s’assurer d’avoir l’attention de la foule dès le départ, elle amorce le spectacle fort, peut-être un peu trop fort, avec quelques gags qui ne s’avéreront pas ses meilleurs (sans être vilains non plus). Puis, son récit se tisse et se consolide. Elle parle d’allaitement et explique qu’elle a tout aimé de la grossesse et de sa première rencontre avec la maternité, jusqu’à cette étape. Nous n’en dirons pas trop, mais alors qu’elle affirme que tout ce qu’elle raconte dans son spectacle est vrai, qu’elle n’est « pas humoriste », mais plutôt « journaliste », l’élément de preuve visuel qu’elle amène sur scène résume bien la substance de son humour : sans filtre, feignant la naïveté et franchement surprenant.

Dès lors que son rythme s’est installé, Rosalie Vaillancourt a été captivante. Non pas parce qu’elle a cherché à livrer des punchs souvent, mais parce qu’elle a su livrer ses punchs là où on ne les attendait pas. Souvent, au beau milieu d’une phrase, une absurdité sort de sa bouche et on rit de surprise et de bon cœur. Ces énormités énoncées comme des normalités sont au cœur de ce spectacle durant lequel elle parle de sa nouvelle vie de mère, de ses relations familiales (en particulier avec sa sœur, un sujet récurrent), de son couple (son conjoint en prend régulièrement pour son grade), de sa vie de banlieue, de sexe, mais aussi de son TDAH sévère, de sa dyslexie et de quelques autres troubles qui ne lui facilitent pas la vie.

Rosalie Vaillancourt confie qu’elle a été « en retard toute [sa] vie ». Elle parle de ce que ses difficultés lui ont fait vivre et ressentir, sans lourdeur, mais avec une sincérité candide. Ces moments sont parmi les plus géniaux du spectacle et on est même un peu déçu qu’elle ne les amène pas plus loin encore, en continuant de raconter ce que sa peur d’être un boulet ou d’avoir une déficience intellectuelle lui a fait vivre. L’humoriste est habile dans sa manière de se livrer sur des sujets sérieux en gardant son ton mi-absurde, mi-franc, déclenchant souvent de grands rires dans la salle. Comme lorsqu’elle raconte que sa fille n’a pas choisi une vie dans l’œil du public, un enjeu important, qu’elle décortique avec des anecdotes et des blagues.

Absurde, mais franc

PHOTO DROWSTER, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Rosalie Vaillancourt

Si elle a toujours le pas sautillant et le ton enfantin, Rosalie Vaillancourt, même à l’époque d’Enfant roi, n’a jamais manqué une occasion d’aborder des sujets comme la sexualité et de le faire avec une impudeur qui se mêle terriblement bien à la candeur. Son ton est parfois baveux, envers le public ou envers les gens dont elle parle, sans que ça soit surfait. Sa gestuelle et son rire malaisants, son énonciation parfois enfantine, tout comme ses fréquentes imitations, lui sont propres. C’est la touche Rosalie Vaillancourt, entre l’absurde, la gaminerie et le franc-parler.

S’il n’est jamais agréable qu’un téléphone sonne en plein spectacle, le moment où c’est arrivé durant la première a permis de constater le bon sens de la répartie de l’humoriste, qui a su illustrer tout ce qu’elle nous racontait sur sa propre personnalité lors d’un court moment improvisé.

Plus tard, elle se servira d’accessoires pour le numéro qui a le plus fait rire l’audience, durant lequel elle explique avoir fait des achats compulsifs difficiles à justifier. De nouveau, aucune peur du ridicule ici. Et c’est tant mieux. Rosalie Vaillancourt parle de ses pipis au lit comme elle parle de sa stratégie pour ne pas tomber enceinte, de la rédaction de son testament, des défis de la garderie (où elle a obtenu une place en faisant du harcèlement) ou de sa demande en mariage : sans retenue.

Mardi soir, son mari, Olivier, attendait le public à la sortie de la salle pour lui offrir du popcorn qu’on nous a promis artisanal et qu’on nous a garanti qu’on obtiendrait sans avoir à prodiguer les faveurs (sexuelles, vous vous en doutez) qu’elle lui donne en échange. Jusqu’à la toute fin, Rosalie Vaillancourt (aux dépens, mais aussi avec l’aide de son conjoint) nous aura bien divertis. Il faudra voir le spectacle pour comprendre (et rire).

MILF

MILF

Rosalie Vaillancourt

En tournée au Québec

7,5/10