Mike Ward rappelle pourquoi il mérite son titre de Céline Dion des blagues phalliques dans Modeste, un spectacle qui porte bien son titre.

Mike Ward a « vraiment hâte », ironise-t-il, au prochain scandale qui lui tombera dessus. C’est que Mike Ward sait déjà qu’il pourra prétendre que la énième blague d’un goût douteux qu’il fera est issue de l’intelligence artificielle et plaider que ce n’est pas lui qui a proféré ces monstruosités, qu’elles sont plutôt le fruit d’un hypertrucage.

Il s’agira de l’une des rares allusions à ses déboires judiciaires de Modeste, Mike Ward ayant manifestement tourné la page sur ce long chapitre de sa vie publique. Il avait de toute façon pas mal vidé le sujet avec Noir, son précédent spectacle, dans lequel il rageait contre le Tribunal des droits de la personne. Mike Ward était en colère et un Mike Ward en colère est toujours un Mike Ward redoutable.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Avec son spectacle Modeste, Mike Ward est en mode greatest hits dès son récit de sa récente séparation, précipitée par une dépression majeure, qui le mènera d’une boutique de jouets érotiques jusqu’au bureau d’un urologue.

Dans ce sixième one-man-show, dont la première médiatique se tenait jeudi soir au Club Soda, l’homme en noir renoue avec un ton plus bon enfant, mais pour adultes avertis, dans une série de numéros qui ressemble à cet album qu’un groupe de rock finit toujours par enregistrer après 25 ans de carrière, sur lequel il présente de nouvelles chansons rappelant beaucoup celles qui l’ont rendu célèbre. Avec tout le plaisir et toutes les limites que pareil exercice suppose.

Mike Ward est en mode greatest hits dès son récit de sa récente séparation, précipitée par une dépression majeure, qui le mènera d’une boutique de jouets érotiques jusqu’au bureau d’un urologue. Afin de soigner ses problèmes érectiles, il s’y fera prescrire des « chocs électriques sur le pénis », une formule que l’humoriste se plaît à prononcer et à re-prononcer, parce que dans sa bouche, cela devient une pépite de poésie.

Mike Ward s’est déjà qualifié de « Céline Dion des jokes de graines » et il fait honneur à ce titre dans la première moitié de son spectacle. Après avoir confié son affection pour les personnes sans-abri, juste au moment où il s’apprêterait à verser dans les bons sentiments, le vétéran se fend d’une des tirades les plus explicites de sa carrière, avec au visage le sourire de celui qui se plaît à prouver qu’il n’a rien perdu de ce sur quoi sa légende s’est construite.

Un héros populaire

Le style Mike Ward repose sur deux tonalités principales : celle de la vulgarité pour la vulgarité, qui définit la plupart de ses blagues de nature sexuelle, et celle de l’humour noir, grâce à laquelle il nous renvoie au visage ce à quoi nous préférons généralement faire la sourde oreille. Sa description de son voyage en Chine oscille entre les deux, mais contient certaines des lignes les plus puissantes de la soirée, lorsqu’il assimile le son des nombreux travailleurs chinois qui se suicident à une sorte de bruit blanc que le touriste peut aisément ignorer.

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Mike Ward demeure un des rares humoristes québécois à manier avec autant de finesse la grossièreté.

Le dernier tiers de Modeste éclaire enfin la raison pour laquelle le spectacle s’intitule ainsi : né dans un milieu peu fortuné, Mike Ward est aujourd’hui ce quinquagénaire plutôt fortuné qui se plaît à « dépenser comme un innocent pour des niaiseries ». Exemple ? La fois où il a commandité la carrière de son ami, le combattant Olivier Aubin-Mercier, en apposant sur son maillot une photo potache.

La chronique de son voyage entre chums à Atlanta, afin d’assister à un gala d’arts martiaux mixtes, transpirerait la vantardise dans la bouche de n’importe quel autre humoriste, mais grâce à sa populaire série balado Sous écoute, et à cause de son procès, Mike Ward est devenu ce héros populaire dont le succès, plutôt que d’agacer son public, le réjouit. Son succès, c’est un peu le leur.

« Je n’aurais pas dû percer avec l’humour que je fais », dira-t-il en guise de conclusion, à propos du peu de chances de connaître la gloire auquel il faisait face au début de sa carrière, étant donné de son refus de policer son langage pour la télé.

Mike Ward demeure en ce sens un des rares humoristes québécois à manier avec autant de finesse la grossièreté. On ne dira jamais assez à quel point c’est un miracle qu’au sortir de son procès, il ne se soit pas transformé en partisan de ceux selon qui « on ne peut plus rien dire ». Il est possible de ne pas céder aux sirènes de la rectitude politique sans faire de l’invective sa politique personnelle, le vétéran en semble désormais bien conscient.

« Ce que je recherche, c’est vivre des moments », confiera-t-il au sujet de sa manière d’envisager la vie dans un touchant témoignage de gratitude envers ses fidèles. « Je ne pensais pas durer aussi longtemps. » Modeste est un spectacle qui porte bien son titre, parce qu’il est somme doute modeste dans ses ambitions, mais après tout ce qu’il a vécu, que Mike Ward soit toujours debout, c’est déjà beaucoup.

Modeste

Modeste

de Mike Ward

En tournée partout au Québec

7/10