Son spectacle s’intitule Enfant du siècle, mais Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques est sans conteste l’homme de la 25soirée des Olivier.

Ô, douce ironie : dans son spectacle Enfant du siècle, Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques confesse son inadéquation avec son époque, peu avenante envers les jeunes hommes raffinés (et un peu maladroits) en son genre.

Dimanche soir, le dandy repartait pourtant de la salle Pierre-Mercure avec, dans la poche de son veston blanc, deux des plus prestigieux Olivier, ceux du spectacle de l’année et de l’auteur de l’année/spectacle d’humour.

« Maman et papa, ça, ça va chez vous, et c’est non négociable », s’est-il exclamé en recevant le premier, dans un émouvant hommage à ses parents qui ont toujours été là pour le « consoler ».

Et parce qu’une allocution du plus princier des animateurs de la balado Deux princes n’en serait pas une sans référence littéraire, le lauréat est ensuite allé piger chez les symbolistes. « Baudelaire dit que le rire est ce qui prouve nos capacités intellectuelles », a-t-il lancé en se réjouissant d’appartenir à un peuple qui accorde autant d’importance à l’humour au point de l’avoir transformé en un art, de loin le plus éloquent discours du gala.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques

Il s’agit, de mémoire, de la première fois qu’un spectacle coiffé d’un titre emprunté à l’œuvre d’Alfred de Musset remporte un Olivier, et de la première fois que l’auteur des Paradis artificiels est cité lors de la cérémonie des comiques.

Heureusement que l’humoriste avait décidé de rentrer prestement de Paris, lui qui vendredi et samedi soir présentait son spectacle au Grand Point-Virgule, dans Montparnasse (il a atterri à Dorval dimanche midi). Il y sera d’ailleurs de retour vendredi et samedi prochains, si jamais vous passez dans le coin.

Merci au gouvernement secret

Lauréat de l’Olivier de l’année, Mathieu Dufour semblait très étonné d’être appelé sur scène afin de récupérer l’unique prix décerné par le public. Composé d’un quintette dont une seule des nommés (Christine Morency) a lancé un spectacle au cours du dernier calendrier, la catégorie sur papier la plus importante jurait avec le reste des récompenses remises durant la soirée.

Resplendissante dans son look quelque part entre le toucan des Froot Loops et une membre des B-52’s, Mona de Grenoble a cueilli son trophée de la découverte de l’année en confirmant aux conspirationnistes à l’écoute que son triomphe est bel et bien la machination d’un « gouvernement secret » visant à éradiquer la race humaine, ou quelque chose du genre.

Elle devient ainsi la première drag queen à déposer un Olivier sur son manteau de cheminée et grossit les rangs d’un aréopage de vedettes de l’humour ayant toutes décroché ce même prix au début de leur carrière, dont Martin Matte, Louis-José Houde et Katherine Levac.

Célébré dans les catégories du numéro de l’année et de la capsule ou du sketch radio humoristique de l’année, Billy Tellier n’aurait sans doute pas pu rêver de plus juteuse cerise sur le sundae de ses dix années passées au micro de CKOI, fréquence qu’il a quittée en juin 2023.

« C’est le premier Olivier que je vais pouvoir fêter ce soir sans me lever demain matin », s’est réjoui l’ancien collaborateur à Debout les comiques qui, au moment où vous lisez ces lignes, dort encore à poings fermés (à moins qu’il ne se soit toujours pas couché).

Pour la quatrième année consécutive, Les pires moments de l’histoire avec Charles Beauchesne (et ses auteurs François De Grandpré et Odrée Rousseau) a décroché l’Olivier du podcast humoristique avec script de l’année. Le prix du podcast humoristique sans script de l’année a quant à lui été attribué au savoureux Podcast des personnages de Jay Laliberté qui, depuis plus de 50 épisodes, parvient à convaincre humoristes et comédiens d’arborer un costume bon marché, le temps d’improviser des folies pendant parfois jusqu’à une heure.

Des incongruités

Coanimé par Eve Côté et Cathy Gauthier, ce Gala Les Olivier a sans doute fait sourciller quelques téléspectateurs, compte tenu de ses choix parfois difficiles à expliquer (et peut-être, aussi, parce que les hommes y ont très fortement dominé). Sans rien enlever à Billy Tellier, il peut sembler improbable que le meilleur numéro d’humour des 12 derniers mois au Québec soit le fruit d’un bien-cuit de Guylaine Tremblay au ComediHa ! Fest.

Parcelle d’éclaircissements tirée des règlements de l’Association des professionnels de l’industrie de l’humour, qui organise cette distribution de statuettes : le prix du numéro de l’année est décerné à un « numéro original présenté sur scène en version intégrale et pour la première fois durant la période d’éligibilité excluant un extrait d’un one man/woman show ».

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Arnaud Soly

Pour une fête mettant d’abord et avant tout en lumière des artistes de scène, la grande place dévolue en début de soirée à des projets liés au petit écran avait également de quoi étonner, tout aussi méritantes des séries comme Club Soly (émission télé humoristique de l’année) et Entre deux draps (série de fiction humoristique de l’année) soient-elles.

Et même si nous comprenons que de tendre un micro à Michel Barrette consiste à courir le risque que personne ne puisse rentrer à la maison avant la semaine prochaine, à quoi bon rendre hommage à une légende si c’est pour la confiner à son siège ?

« Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c’est son génie », écrivait Baudelaire, et nous aurions aimé, dimanche, entendre celle du créateur de Roland Tremblay pendant au moins quelques minutes, le temps non pas d’une dinde, mais d’un petit mot de remerciement.