Aaah, Valmont. Bourgade agricole bucolique et terrain fertile pour les tueurs en série, les trafiquants d’organes humains et les passeurs d’immigrants clandestins.

Après cinq saisons et demie, 131 épisodes et un cadavre coulé dans le ciment, le téléroman agrocriminel de Radio-Canada rentre définitivement au garage, lundi soir, dans une finale classique et efficace, qui laboure toutes les surfaces disponibles.

C’est du 5e Rang pur jus qui coulera dans vos écrans, ou immédiatement sur l’Extra de Tou.tv, avec une rafale de balles au motel, une perruque magique, une agression à l’extincteur, l’arrestation d’une taupe à la SQ, une poursuite automobile endiablée et une mort tragique de type Thelma et Louise.

Mais avant de souffler un dernier adieu aux cinq sœurs Goulet, qui ont toutes frôlé la mort depuis janvier 2019, voici l’état des lieux à Valmont, ville campagnarde déchirée entre les légumes bios et l’empire immobilier COFO.

Donc, « l’artiste » visuelle Marie-Paule (Ève Duranceau) est revenue de New York avec un look de beatnik du quartier Greenwich Village, époque Joan Baez et Bob Dylan. Elle a loué un loft industriel au pied du pont Jacques-Cartier pour y retrouver l’ébullition créatrice de SoHo. Bonne chance avec le trafic sur Ville-Marie.

Sa sœur Marie-Christine, celle qui a longtemps halluciné des Converse jaunes dans la grange, s’est fiancée avec le restaurateur Pascal Faubert (Antoine Durand) qui, lui, ne se souvient pas une miette de lui avoir passé la bague au doigt.

Car l’ami Faubert a mangé, non pas du Fou de Food, mais bien la volée de sa vie, gracieuseté de Stefano Di Marco (Johnny Sa), qui a ensuite été empoisonné dans sa cellule alors qu’il s’apprêtait à livrer son patron Salvatore Conti (Tony Calabretta) à la SQ.

Vous suivez toujours ? Super. Maintenant, la mante religieuse mafieuse Tina Fournier (Brigitte Poupart), exilée en Italie, est revenue à Valmont avec l’intention de venger l’attaque contre son ami d’enfance Pascal Faubert (c’est fait) et la mort de son frère Lucas (Louis-David Morasse), qui a été tué par le travailleur agricole Sandro (Christian de la Cortina), qui a ensuite failli perdre un rein aux mains de la pègre.

Les deux coiffeuses bavasseuses du village, Guylaine (Catherine Paquin-Béchard) et Nancy (Marie-Ève Pelletier), ouvriront un spa de luxe à Valmont avec l’argent du garagiste Jean-Michel (Frédéric Millaire-Zouvi) et celui, inattendu, de Corinne (Sonia Vachon), une ancienne infirmière ayant pratiqué 20 ans au Sénégal. Massage californien ou changement d’huile ? Tout peut arriver, dirait Marie-Louise Arsenault alors qu’un orchestre maison joue en arrière-plan.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Les auteurs de 5e Rang, Pierre Poirier et Sylvie Lussier

Parlant de commerce douteux, la vieille malcommode Francine (Muriel Dutil) a racheté a) de l’ombre à paupières turquoise et b) une ferme au Costa Rica, et non sur l’île fictive de Saint-James, où travailleront son petit-fils Thomas (Justin Leyrolle-Bouchard), Nathalie (Joëlle Paré-Beaulieu) et le vétérinaire Jean-René Bazin (Martin Héroux), un personnage rescapé de (feu) 4 et demi.

Quant au consigliere Conti, il a été abattu devant la porte du Carré vert de la pauvre Mireille (Geneviève Brouillette), à une fusillade d’un choc vagal fatal.

En perpétuelle fuite, Marie-Jeanne (Catherine Renaud) a enlevé son propre bébé et s’est enfuie au camp de pêche de Charles (François Papineau), à qui sa conjointe Marie-Luce (Maude Guérin) a loué un téléphone satellite, qui s’est avéré fort pratique pour communiquer la bonne nouvelle de la fin de la cavale de Marie-Jeanne qui, oui, a déjà cultivé de la marijuana, LOL.

Puis, le policier Fred (Maxime Gaudette) et sa fidèle collègue Gladys (Julie Roussel) ont enfin cédé à leurs pulsions réprimées en s’embrassant fougueusement après toutes ces années à partager – de façon platonique – des smoothies et des biscuits.

L’action de la finale de 5e Rang recommence là, dans le lit conjugal de Fred et Gladys, hou ! Prêtez bien attention : un personnage de la série feuillettera le roman fictif Marie-Maraîchère, qui a longtemps été le titre de travail de 5e Rang. Joli clin d’œil pour les fans.

Cet ultime épisode ne laisse aucune intrigue en suspens. Vous saurez ce qu’il advient du nono sympathique Jean-Michel, de son ex Kim (Julie Renault), de Réginald (Maxime de Cotret), du maire Sam (Roger La Rue) et de la sergente-détective Sophie (Julie du Page), dont les intuitions la trompent rarement.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

L’ex-militaire Réginald Lacombe, interprété par Maxime de Cotret

Au fil des saisons, bien sûr que 5e Rang a sombré dans l’exagération : la petite municipalité de Valmont a été frappée par toutes les catastrophes imaginables, sauf peut-être la peste bubonique et un tsunami. Mais c’est un téléroman, qui ne peut pas se permettre d’être plate.

Et les fidèles (plus d’un million) des auteurs Sylvie Lussier et Pierre Poirier n’ont jamais déserté les champs de la ferme Goulet. En ces temps de papillonnage télévisuel extrême, cette affection et ce dévouement sont encore plus rares et précieux que les bijoux de Tina Fournier.

Je lévite

Avec l’album Visions de Norah Jones

Bien oui, Norah Jones, la reine des trames sonores de souper de baby-boomers depuis 2002. Après l’excellent disque Come Away With Me, encore un classique, et le très bon Feels Like Home, Norah Jones a enfilé les albums plates et ennuyeux, jusqu’à celui-ci, qui nous ramène la Norah qu’on aime, espiègle, enjôleuse, souriante et réconfortante. La pièce Staring at the Wall est magnifique.

Je l’évite

Le mot légerte

D’où ça sort ? Pourquoi on l’entend encore à la télé ? On dit légère, comme une chose légère, pas légerte, voyons. Dans Big Brother Célébrités, la créatrice de contenu Gabrielle Marion nous en a servi un solide en expliquant pourquoi elle chantonnait pendant les défis. « C’est un mécanisme pour rendre l’épreuve plus légerte », a-t-elle dit le plus sérieusement du monde. Envoyez. Les. Secours.