Il y a des finales de série qui déclenchent des hurlements de rage, comme Doute raisonnable ou Projet innocence cette semaine, et il y a des finales de série qui nous étampent un immense sourire au visage, comme celle de La candidate à Radio-Canada.

Difficile de trouver des bibittes à cette comédie politique zéro hermétique. Le dixième et dernier épisode, relayé mardi soir, a attaché toutes les ficelles pendantes et comblé nos cœurs de téléspectateurs.

Enfin, les députés Salima (Ines Talbi) et Benjamin (Olivier Gervais-Courchesne) du PPDQ ont « officialisé » leur relation, qui s’annonce orageuse et pas plate, comme leurs tempéraments. Le « grand boisé », dont les personnages ont beaucoup, beaucoup parlé, a été décontaminé. Et la recrue parlementaire Alix Mongeau (Catherine Chabot, la révélation) a trouvé une jolie maison ainsi que l’amour à Dufferin, la « place où le fun va pour mourir », pour reprendre les premières impressions de notre candidate poteau préférée.

Mais ce que cette ultime heure de La candidate a le mieux démontré, c’est tout le chemin parcouru – et pas seulement les deux heures et demie de route entre Dufferin et Longueuil – par cette technicienne en pose d’ongles de 30 ans. Dans sa tête, dans son cœur et dans sa carrière.

Ignorante, aérienne et assez égoïste, la néophyte Alix a entamé sa vie politique à reculons, le gaz au fond, la mauvaise foi dans le tapis. Elle haïssait sa circonscription laide et peuplée de tatas consanguins.

Elle se sacrait des enjeux socioéconomiques de sa région d’adoption comme de sa dernière manucure dorée. Et elle sautait dans son auto bousillée dès que son travail au Parlement se terminait.

Puis, comme dans toute émission de type « poisson sorti de son bocal », Alix a changé (pour que l’amour arrive et pour que la passion la délivre). La lettre que son vieil ami du secondaire Benjamin lui a refilée, le soir de son élection, le prédisait : Alix finirait par adorer son boulot de députée.

Cette « petite crisse » sans filtre a été comme une « beurrée de soleil » dans cet hiver télévisuel gris. Cette mère célibataire débrouillarde, allumée et investie a offert un magnifique terrain de jeu à l’actrice Catherine Chabot, formidable dans la peau bronzée et fardée d’Alix Mongeau, dont la sonnerie de téléphone « funnée » restera longtemps dans nos têtes.

Il faut saluer de nouveau le travail d’orfèvre de la scénariste Isabelle Langlois, qui a pondu une série contemporaine, intelligente, pertinente et très drôle. Il n’y a qu’Isabelle Langlois pour rendre amusante une affaire de corruption et de vidanges dans un trou perdu au milieu de « nowhere ».

En plus des trois députés du premier trio, La candidate a présenté une ribambelle de personnages « attachiants », dont les deux frères Mailloux, l’écolo Jean-Robert (Louis Champagne) et le capitaliste Raymond (Roger Léger), qui vivent sur deux planètes opposées.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Hermance (Éric Bernier)

J’aurais payé cher pour assister au souper de famille des Mailloux en compagnie du snob Hermance (Éric Bernier), de la dynamique Marjolaine (Isabelle Vincent), de son fils garagiste Melville (Guillaume Laurin) ainsi que de sa copine Alix, toujours disponible pour s’enfoncer un pied dans la bouche – bien maquillée et « contourée ».

Les réunions familiales du côté de Judes (Patrick Emmanuel Abellard) étaient tout aussi électriques et tendues en raison de l’intransigeance des beaux-parents (Mireille Météllus et Maka Kotto), que la très dégourdie Kathy (Geneviève Alarie) a remis à leur place. Bien envoyé.

Dans les séries d’Isabelle Langlois, les femmes ne sont jamais beiges. Que l’on pense à l’attachée politique Béatrice (Valérie Tellos), qui s’abreuve de café, de céréales et d’art engagé, à la volubile coiffeuse Léo (Noé Lira) de même qu’à la courtière immobilière France Beaudry (Geneviève Brouillette), qui a perdu son influence de fausse bourgeoise en même temps que son contrat de courtage avec les Mailloux.

Même l’ado Lou (Lily-Rose Loyer), 14 ans, fille d’Alix et Judes, avait plus de caractère qu’un texte du New Yorker. Faut le faire.

S’il fallait retoucher certaines intrigues de La candidate, j’aurais probablement diminué l’intensité du volet dépotoir et dépollution, qui a testé les limites de ma foi, comme l’a expérimenté le très militant Hermance.

J’ai adoré les joutes verbales et le picossage entre Alix, Salima et Benjamin. Modernes et piquantes, les répliques sortaient de la bouche des protagonistes comme des boulets de canon.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Salima (Ines Talbi), Alix (Catherine Chabot) et Benjamin (Olivier Gervais-Courchesne)

La finale de La candidate a remonté la ligne du temps au 4 octobre, où Alix bafouillait devant les caméras, taponnait sa couette de cheveux et parlait en anglais en lettres attachées. En juin, à la fin des travaux parlementaires, c’est une politicienne engagée et solide qui a accordé une entrevue bilan au journaliste tenace Vincent Tardif-Corriveau (Alex Godbout).

La deuxième saison de La candidate, qui ne verra jamais le jour, aurait tourné autour de la revitalisation de l’ancienne usine textile de Dufferin, où les Mailloux souhaitaient ériger leur nouveau quartier industriel. Manque d’argent et tournage compliqué, ce projet de suite a été abandonné.

C’est dommage, car il restait trois ans au mandat d’Alix Mongeau, alias Alixiviat. Comme dans une conversation malaisante qu’elle a eue avec son ex, c’est malheureusement le temps de dire bye bro, bye dude, à notre Alix. Et félicitations pour votre beau programme électoral.