Si vous voulez voir la Vénus de Milo ou les Trois Grâces, deux chefs-d’œuvre exposés au Louvre, préparez-vous à ouvrir votre portefeuille. Depuis janvier dernier, le tarif d’entrée pour les visiteurs est passé de 15 euros (prix en ligne) à 22 euros (32,50 $ CAN). Il s’agit d’une hausse de 46 %. De quoi alarmer l’amateur d’arts visuels d’ici qui bénéficie, pour le moment, d’un accès peu dispendieux à une offre muséale de qualité.

Cette flambée des prix suit une tendance observée depuis une dizaine d’années à Paris et ailleurs en France. Plusieurs musées et sites touristiques de la Ville Lumière, comme le musée du quai Branly, le château de Versailles, l’Arc de Triomphe ou les catacombes, ont vu leurs tarifs grimper dans certains cas de jusqu’à 140 %.

Plusieurs médias français soulignent la chose à gros traits depuis quelques semaines. Le quotidien Le Parisien a rapporté la réaction d’une famille de Bordeaux (deux adultes et un enfant) qui avait déboursé 75 euros (110 $ CAN) pour accéder au sommet de la tour Eiffel. Une expérience vertigineuse dans tous les sens !

On justifie cette explosion des tarifs par une « amélioration des conditions d’accueil ». Le contexte inflationniste et la hausse des dépenses sont aussi mis en cause. La gestion des grands musées mondiaux coûte une fortune.

La billetterie du Louvre, le musée le plus visité au monde, avec ses 86 000 mètres carrés d’espaces et ses 7,2 millions de visiteurs, a rapporté 76,5 millions d’euros en 2022. Cela ne couvrait que le quart des frais de son fonctionnement, peut-on lire dans le rapport annuel. L’État et le mécénat assurent le reste des dépenses.

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Les Jeux olympiques de Paris se dérouleront du 26 juillet au 11 août 2024.

Et puis, ne soyons pas dupes. Paris s’apprête à accueillir des millions de visiteurs durant les Jeux olympiques. Les lieux culturels et touristiques, tout comme les restaurants et les hôtels, veulent profiter de la manne.

Ces tarifs exorbitants rebutent bien des citoyens. Une enquête récente du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie a révélé que 44 % des Français avaient renoncé à une visite dans un musée pour des raisons tarifaires. Jean-Michel Tobelem, spécialiste de la politique culturelle, craint que cette augmentation progressive porte préjudice à la diversification des publics.

Mais attention avant d’évoquer le déclin de la démocratisation culturelle. Plusieurs musées français subventionnés continuent d’offrir des tarifs réduits, quand ce n’est pas la gratuité, aux résidants français ou à ceux qui occupent « l’Espace économique européen ».

On estime qu’environ 40 % des visiteurs qui sont entrés au Louvre en 2023 ont pu jouir de la gratuité. Dans ce groupe, on retrouve les jeunes de 25 ans et moins, les chômeurs, les personnes handicapées et leur accompagnateur. Bref, ce sont les touristes étrangers qui sont les grands perdants dans ce mouvement inflationniste.

Mais est-ce que cette hausse de tarifs risque de stopper les visiteurs étrangers ? Ça ne semble pas être le cas pour le moment. Rendus devant le Louvre ou le château de Versailles, les touristes s’en remettent à la bonne vieille rengaine : « Bof, on n’a qu’une vie », avant de sortir leur carte de crédit.

Le même phénomène est observable chez nos voisins du Sud. L’entrée pour un adulte au Metropolitan Museum of Art de New York coûte maintenant 30 $ US (40 $ CAN). Le Guggenheim, le Whitney Museum of Art, le Philadelphia Museum of Art, le San Francisco Museum of Art, de même que le MoMA ont le même tarif. « Les musées d’art américains sont-ils maintenant réservés aux riches ? », se demandait le New York Times l’été dernier.

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L’entrée du Musée des beaux-arts de Montréal

Et chez nous, qu’en est-il de nos tarifs ? Un survol de quelques musées nous permet de voir que notre situation est fort enviable. Le prix d’un billet au tarif ordinaire pour adulte varie de 20 $ (Musée des beaux-arts du Canada) à 24 $ (Musée des beaux-arts de Montréal et Musée national des beaux-arts du Québec).

Vous me direz que ces musées n’ont pas la réputation du Louvre ou du Prado, mais avouez qu’avec leur gamme de prix, ces tarifs sont plus qu’appréciables. Les résidants du Québec peuvent également bénéficier de la gratuité, notamment les premiers dimanches du mois. Savourons la chance que nous avons.

J’ai pris contact avec quelques-uns de nos musées pour savoir si des augmentations de tarifs sont à prévoir au cours des prochains mois. À Ottawa, au MBAC, rien n’a bougé depuis cinq ans et on n’envisage pas d’augmentation pour le moment. Même son de cloche au MBAM, où les tarifs n’ont pas été augmentés depuis 2019. Au MNBAQ, on évalue à 9 % l’augmentation des tarifs au cours de la même période. Aucun autre accroissement des prix n’est prévu cette année.

On a beaucoup parlé du prix exorbitant des billets de spectacle au cours des derniers mois, particulièrement pour les vedettes internationales. Verrons-nous la même chose se produire dans les autres sphères de la culture ? J’espère bien que non.

Contrairement à un spectacle de musique qui demeure un divertissement, les musées sont des lieux de connaissance et d’apprentissage. On parle des musées d’art, on pourrait aussi évoquer ceux qui sont consacrés à l’histoire et à la science. On va dans ces lieux pour nourrir notre cerveau.

Il est désolant de voir que cette nourriture est aussi frappée par l’inflation.