En 1999, le Québec était l'hôte du Salon du livre de Paris, « l’évènement le plus spectaculaire jamais organisé en l’honneur du livre québécois », écrivait à l’époque le journaliste Mario Roy. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis un quart de siècle, avant que le Québec soit de nouveau l’invité d’honneur de l’évènement – devenu aujourd’hui le Festival du livre de Paris – comme annoncé l’automne dernier au Salon du livre de Montréal.

On a dévoilé mardi à Paris lors d’une conférence de presse devant 200 invités la programmation du festival qui se déroulera du 12 au 14 avril au Grand Palais éphémère, une installation temporaire située sur le Champ de Mars, avec vue imprenable sur la tour Eiffel. Au programme, environ 330 auteurs dans 160 rencontres, et parmi eux, il y aura une quarantaine d’écrivains québécois et près de 70 maisons d’édition de la Belle Province qui seront mis en lumière au Pavillon du Québec. Ce pavillon évoquera, apprend-on, une maison de bois, avec une touche contemporaine.

Parce que c’est un peu ça, l’idée : faire découvrir la production actuelle de l’édition québécoise dans tous les domaines (littérature, jeunesse, bédé, poésie, essais) sans pour autant oublier ces auteurs bien établis dans le cœur des Français comme Miron, Tremblay ou Ducharme. Le comité Québec Édition qui a sélectionné les auteurs de la délégation a dû faire des choix déchirants, admet Geneviève Pigeon, présidente de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL), compte tenu de la « qualité époustouflante » de la littérature d’ici. « Ce qu’on espère est de faire connaître une littérature québécoise contemporaine, très diversifiée, et que les gens puissent rencontrer ces auteurs-là », dit celle qui était présente à la conférence de presse, à laquelle participait aussi Michèle Boisvert, déléguée générale du Québec à Paris. « Nous récoltons les fruits de 25 années qui se sont écoulées, et ce que l’on veut mettre de l’avant, c’est comment notre littérature a évolué. »

Il y a effectivement une belle diversité dans cette délégation, entre valeurs sûres et nouvelles voix et, bien sûr, plusieurs écrivains qui ont été primés en France ces dernières années, ce qui a confirmé en quelque sorte un regain d’intérêt pour la littérature québécoise. Le lectorat français pourra rencontrer notamment Éric Chacour, Alain Beaulieu, Dominique Fortier, Roxanne Bouchard, Martine Delvaux, Michel Jean, Gabrielle Boulianne-Tremblay, Denise Desautels, Hélène Dorion, Chrystine Brouillet, Alain Farah, Patrick Senécal, Kim Thúy, Larry Tremblay, Heather O’Neill ou Michel Rabagliati…

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Dominique Fortier

Dany Laferrière sera bien sûr présent, lui qui était de la délégation en 1999 avant de devenir un Immortel de l’Académie française. Je lui ai demandé ses impressions à propos de cette nouvelle invitation pour le Québec, et il m’a répondu ceci : « J’ai l’air d’un vétéran qui a fait la guerre de 1999 et qui reprend du service en 2024, 25 ans après. Ma garnison semble décimée, mais les nouveaux sont peut-être plus fringants, plus au fait des choses que la génération de 1999. Car, entre-temps, l’édition québécoise s’est affinée, et les préoccupations des écrivains de cette nouvelle vague semblent plus modernes et universelles, et certainement très variées. Les attentes, étant moins hautes, seront donc plus possibles. Le nouveau Québec littéraire est arrivé sur la grande scène de la francophonie et il sait que l’écriture est d’une cuisson très lente. »

Kevin Lambert, qui a marqué la rentrée littéraire à l’automne 2023, en remportant entre autres les prix Décembre et Médicis pour Que notre joie demeure, ne sera pas de la fête, m’a-t-il confirmé, profitant d’une pause bien méritée après une année folle. Mais à cette délégation déjà bien fournie, d’autres écrivains se grefferont sûrement, car les maisons d’édition peuvent suggérer (en nombre limité) des auteurs en dédicace lors de l’évènement. Rappelons que le Festival du livre de Paris prévoit accueillir plus de 100 000 visiteurs cette année.

Dans la programmation au Pavillon du Québec, on remarque une conversation entre Dany Laferrière et Alain Farah, une discussion sur le féminisme (avec Martine Delvaux, Titiou Lecoq et Camille Toffoli), un hommage à Réjean Ducharme (avec Denise Desautels, Dany Laferrière et J. M. G Le Clézio), le polar au Québec (avec Roxanne Bouchard, Chrystine Brouillet et Patrick Senécal), un trio d’écrivains primés (Denise Desautels, Dominique Fortier et Larry Tremblay), et plusieurs discussions sur le thème du territoire, notamment avec Gabrielle Filteau-Chiba et Rita Mestokosho.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Martine Delvaux

Outre les activités au Grand Palais éphémère, la littérature québécoise se fera voir dans d’autres lieux, notamment à la Librairie du Québec et à la bibliothèque Gaston-Miron, qui sont des institutions, mais aussi à la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts, qui a planifié une rencontre musicale entre Hélène Dorion et la violoncelliste Lola Malique et « Un plongeon dans l’encrier » de Dany Laferrière à l’Institut de France – l’écrivain aura droit aussi à une présentation de son exposition Un cœur nomade au cœur de Paris, du pont des Arts jusqu’à cet institut.

Bref, ce sera tout un débarquement d’écrivains du Québec dans la Ville Lumière en avril, alors que le Festival du livre de Paris se déroule à peu près pendant les mêmes dates que le Salon du livre de Québec (10 au 14 avril). Mais il y a tellement de talents au pouce carré ici qu’on peut facilement remplir les deux évènements – c’est aussi ça qui a changé depuis 25 ans.