Je suis en train de dévorer l’excellente série Capote vs. The Swans qui raconte la trahison que Truman Capote a fait subir à ses richissimes amies new-yorkaises et la guerre que ces dernières ont ensuite menée pour l’anéantir. Jouissif à tout instant !

Cette série, pour l’instant offerte sur la chaîne FX, Citytv+ et en vente sur Apple TV, est la seconde saison de Feud, du génial créateur Ryan Murphy, qui s’est mis en tête de produire de grandes histoires où la rivalité est au cœur du scénario. La première saison nous offrait un effroyable combat de tigresses entre les actrices Bette Davis et Joan Crawford.

D’ailleurs, connaissez-vous la fameuse déclaration de Bette Davis au sujet de sa rivale ? « Le meilleur moment que j’ai passé avec Joan, c’est quand je l’ai poussée dans les escaliers dans Whatever Happened to Baby Jane. »

En matière de bitcherie, c’est un sommet !

IMAGE FOURNIE PAR LES ÉDITIONS SÉGUIER 

La bataille de Versailles, de Robin Givhan

Je sors également de la passionnante lecture du livre La bataille de Versailles qui raconte dans ses moindres détails le défilé de mode qui a eu lieu dans le célèbre château le 28 novembre 1973. Ce soir-là, cinq couturiers français (Yves Saint Laurent, Hubert de Givenchy, Pierre Cardin, Emanuel Ungaro, Marc Bohan pour Dior) ont « affronté » cinq couturiers américains (Anne Klein, Roy Halston, Stephen Burrows, Oscar de la Renta, Bill Blass).

Les jeux de coulisses entourant la préparation de cet évènement mondain sont dignes d’une véritable stratégie de guerre mondiale. Je ne vous dirai pas quel clan est sorti vainqueur.

Je remarque d’ailleurs qu’on aime très souvent dépeindre le milieu de la mode comme un champ de bataille. La nouvelle série The New Look repose en grande partie sur la rivalité entre Coco Chanel et Christian Dior. On prépare actuellement une série sur Karl Lagerfeld. De quoi sera-t-il notamment question ? De la rivalité entre ce designer et Yves Saint Laurent.

Tous les jours, l’émission Big Brother Célébrités nous renvoie son lot d’alliances et de rivalités à travers un jeu hautement divertissant. Car on en vient à être amusé par ces distractions cathodiques qui, au bout du compte, mettent en scène des gens qui se battent… pour écraser les autres.

Je réalise à quel point les scénarios de rivalité sont très présents à l’écran et dans les livres. On se gave de ces histoires sanguinolentes sans s’en rendre compte. Pourquoi ? Parce qu’on vit nous-mêmes entourés de rivalités. Et ce, depuis l’enfance.

Je me souviens de cette enseignante au primaire qui alimentait la rivalité entre moi et un camarade avec lequel je partageais la première ou la deuxième place en ce qui a trait aux notes de dictée ou de composition. C’était l’époque (attention, les jeunes psychologues, vous allez hurler) où on remettait les copies aux élèves en clamant à voix haute les notes, en partant de la plus basse à la plus élevée.

Une sacrée méthode pour favoriser l’estime de soi et la confiance chez l’enfant !

Nous vivons tous les jours avec la rivalité et ses principaux aromates : la jalousie, la mesquinerie, la concurrence, l’envie, la convoitise et aussi la flagornerie. Racine a raison quand il fait dire à Néron : « J’embrasse mon rival, mais c’est pour l’étouffer ! »

Les intrigues disproportionnées de rivalité que nous offrent la télévision ou le cinéma viennent relativiser celles que nous vivons au travail, aux études, avec notre ex ou au sein de la famille (rivalité entre frères et sœurs, rivalité entre grands-parents, etc.).

Quand on y pense, la rivalité est partout autour de nous : Montréal-Québec, Ontario-Québec, Québec-Ottawa, CAQ-PQ, Trudeau-Poilievre, souverainistes-fédéralistes, gauche-droite… Voulez-vous d’autres exemples ?

Nous aimons tellement les histoires de rivalité que, lorsqu’elles ne sont pas solidement fondées, on les gonfle. Parlez-en à Meghan Markle et à Kate Middleton. Les magazines artistiques regorgent de ces récits. La rivalité excite autant qu’elle apaise, mais elle fait aussi vendre.

Les scénaristes et les auteurs ne sont pas dupes. Ils ont compris que ce moteur est un gage de succès. On adore être spectateur d’une rivalité. On retourne alors dans les arènes romaines. Pourquoi pensez-vous qu’on souhaite ardemment le retour d’une équipe de hockey de la Ligue nationale à Québec ? Pour revivre la fameuse guerre Canadien-Nordiques.

Le vrai principe de la rivalité est primaire et animal. Dans plusieurs cas, elle assure la survie des espèces. Sans bataille, pas de femelle ou de mâle, donc pas d’accouplement.

Depuis quelques étés, j’observe le comportement des carouges à épaulettes qui débarquent au printemps. Les mâles les plus conquérants et les plus compétitifs se battent pour obtenir des endroits privilégiés et sécuritaires afin que leur femelle puisse couver en toute quiétude. C’est la loi du plus fort.

La rivalité vient de là, au fond. Mais au fil du temps, on en a fait un comportement qui nourrit notre orgueil et notre soif du pouvoir. Laissons donc aux scénaristes ces juteuses histoires de rivalité. Quand on les regarde de loin, elles font moins mal.