Club illico tient entre ses mains une bombe télévisuelle chargée de puissants éléments. Et j’espère que le souffle de son explosion contaminera le plus grand nombre de téléspectateurs possible.

Les premières radiations s’échapperont jeudi du Club illico avec la mise en ligne des deux premiers épisodes d’IXE-13 et la course à l’uranium du brillant scénariste Gilles Desjardins, le magicien de la télé qui a réinventé Les belles histoires des pays d’en haut en western moderne pour Radio-Canada.

Ce roi du détail historique répète le même procédé d’actualisation avec les romans de Pierre Daignault (le père du journaliste culturel Daniel Daignault) consacrés à l’agent IXE-13, l’as des espions canadiens. Il en ressort une excellente minisérie d’époque de huit épisodes – pensez à Peaky Blinders –, qui emprunte les codes d’un film noir des années 1940, avec musique intense, touches d’humour et plein de suspense.

Si vous avez craqué pour Les pays d’en haut, cet IXE-13 tombera sous votre champignon cathodique. Acteurs chevronnés et bien dirigés, punch à la fin des épisodes, intrigue haletante, personnages flamboyants, tout fonctionne dans cette œuvre intelligente et divertissante, qui traversera assurément à TVA dans les prochains mois.

Il le faut. Il faut qu’un vaste public voie ce que nos créateurs accomplissent de mieux quand on leur fournit les bons outils et les moyens de leurs ambitions. Bref, il s’agit de télévision haut de gamme, accessible et populaire.

Et pour les lecteurs plus âgés, qui associent encore IXE-13 aux Cyniques et à la comédie musicale absurde du cinéaste Jacques Godbout de 1971, oubliez ça. La minisérie du Club illico, dont j’ai regardé les deux premiers épisodes, les seuls offerts, s’apparente davantage à un thriller à la James Bond qu’à du burlesque rigolo. Personne n’y roule ses « r » de façon exagérée.

Le premier épisode d’IXE-13 et la course à l’uranium démarre dans le Red Light de Montréal, à l’automne 1945. La Seconde Guerre mondiale est finie depuis quelques mois et l’agent Jean Thibault (Marc-André Grondin), surnommé IXE-13, a mis sa carrière d’espion sur la glace. Il exploite maintenant le Crystal Club, un cabaret-hôtel situé sur la Main.

La retraite de notre ami Jean Thibault s’interrompt sèchement, vous vous en doutez, quand un expert en codes russes débarque au Crystal en panique : un réseau d’espions soviétiques opère à Montréal dans le but d’obtenir de l’uranium enrichi, le seul élément qui manque à Staline pour fabriquer une bombe atomique. Code rouge !

PHOTO FOURNIE PAR CLUB ILLICO

Marc-André Grondin dans le rôle de Jean Thibault, alias l’agent secret IXE-13

Trois anciens camarades-espions de Jean Thibault, qui ont zigouillé plusieurs généraux nazis dans la France occupée, reprendront également leur boulot clandestin. Il s’agit de la secrétaire du ministre des Affaires étrangères, Roxane Racicot (Julie Le Breton), du directeur des services de contre-espionnage, Victor Laporte (Vincent Leclerc), ainsi que du dur à cuire Marius Lamouche (Hugolin Chevrette), qui exploite un gym de boxe adossé au Club Crystal. Ils forment un quatuor disparate, mais diablement efficace.

En plus de cette menace venue de l’URSS, un autre fléau plane au-dessus de Montréal, celui des nazis, qui s’organisent autour du sordide Rick Gallaher (Martin Dubreuil), un ancien soldat canadien qui rêve de ressusciter le Troisième Reich d’Hitler.

IXE-13 ne chômera pas, lui qui doit aussi arbitrer une guerre d’ego entre la chanteuse de variétés Denise Picard (Catherine Paquin-Béchard) et sa rivale Loulou (Pier-Gabriel Lajoie), une artiste travestie, comme on les appelait à l’époque.

Ne faites pas le saut : les personnages d’IXE-13 grillent des cigarettes à la chaîne, ce que la télé actuelle ne montre presque plus. Autres temps, autres mœurs. Ça fumait en s’il vous plaît dans les années 1940.

Pour pimenter davantage l’histoire, une journaliste de La gazette des vedettes, Gisèle Tubœuf (Marianne Fortier), se mettra le nez dans une affaire palpitante pour ses lecteurs, mais dangereuse pour la sécurité nationale.

Le scénariste Gilles Desjardins présente son agent secret Jean Thibault, le fameux IXE-13, comme un homme détruit par la guerre et hanté pas les atrocités qu’il a vues en Europe. Ce qui ajoute une couche de complexité au personnage, qui prend ainsi de l’épaisseur. Incognito sur le terrain, oui, Jean Thibault enfile des perruques et change d’accent pour soutirer de l’info à des suspects. Mais quand il pose sa tête sur l’oreiller, de terribles cauchemars le terrassent.

En plein jour, IXE-13 hallucine même un enfant défiguré, qu’il a probablement déjà croisé, lors d’une mission périlleuse. Ça spinne dans la tête du meilleur agent secret du pays, qui joue frénétiquement de la batterie comme dans le film Whiplash, de Damien Chazelle.

Ce mélange de sérieux, de frivole et de faits historiques fonctionne aussi bien pour IXE-13 que pour Les pays d’en haut. Et qui dit série d’espionnage dit pièces secrètes, poison mortel, armes gadgets, et c’est follement amusant. C’est à la fois grand public et très niché.

Le Club illico de Vidéotron libère les épisodes d’IXE-13 et la course à l’uranium à coups de deux. Deux sortent le 15 février, deux autres suivront le 22 février, et ainsi de suite.

Je ne déteste pas cette stratégie de diffusion, qui permet de mieux savourer les épisodes, de spéculer sur les rebondissements et de ne pas brûler tout le matériel en une soirée de gavage. Ce serait dommage d’engouffrer un menu si raffiné en une seule bouchée. Pourquoi alors ne pas espacer les services (secrets) ?