Si vous avez un vieux piano à la maison, vous avez peut-être aussi un petit meuble qui vient souvent avec : un banc de piano, plein de partitions qu’on découvre en levant le siège comme un couvercle. Quel intérêt, quelle valeur a toute cette musique ? Souvent bien peu, s’il s’agit d’une méthode d’apprentissage publiée à grand tirage ou d’un recueil de pièces variées arrangées pour les amateurs.

Mais on y trouve parfois des trésors. De la musique en feuille composée au Québec et publiée au siècle dernier : je me rappelle être tombée sur le Quadrille des amateurs de raquette de l’Union commerciale de Québec. Rien de grandiose comme musique, mais littéralement une page d’histoire.

Parfois, on trouve dans le banc du piano des éditions encore solides de répertoire classique : les partitas de Bach, les valses de Schubert ou les sonates de Mozart. Ça ne se démode pas, et ça coûte une fortune aux étudiants en musique qui doivent se les procurer en ligne.

Que faire de toute cette musique alors que, paradoxalement, on ne peut plus en acheter à Montréal ?

C’est un message d’une lectrice prénommée Nathaly qui m’a mise sur la piste de cette chronique : « Dites, les amis musiciens, on achète où sa musique écrite ? On la découvre où, la musique écrite ? C’est indispensable pour nous, musiciens, de feuilleter les partitions, de regarder la mise en page… Et surtout de découvrir de nouvelles partitions, en les lisant. »

Depuis la fermeture du vénérable magasin Archambault du centre-ville, c’est la succursale de la rue Jean-Talon qui détient ce qui reste du fonds de partitions musicales.

Quelle tristesse… un rayon où tout est pêle-mêle, des pièces de piano pour enfant côtoyant les redoutables Ballades de Chopin, une partition d’orchestre de Mahler et du Jean-Michel Blais.

On ne réglera pas le dossier de l’achat de partitions aujourd’hui, mais j’ai au moins une solution de rechange solide pour Nathaly, et gratuite en plus : la Grande Bibliothèque de Montréal et sa collection peu connue de… 17 000 partitions musicales bien classées, qu’on peut consulter et emprunter de la même façon que les livres. L’endroit est beau, paisible, vous y trouverez des compositeurs de toutes les époques, connus et moins connus, autant qu’un imposant rayon de partitions de musique de film, de comédies musicales et de musique populaire. Vous avez même quelques instruments à votre disposition (dont trois pianos numériques avec leur casque d’écoute) pour tester la marchandise !

Consultez le site de BAnQ

Oscar Salazar Varela, le bibliothécaire de musique de BAnQ, s’affaire à augmenter la collection d’instruments et espère un violon pour Noël.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Oscar Salazar Varela s’affaire à augmenter la collection d’instruments de BAnQ.

On offre un parcours complet pour ceux qui veulent apprendre la musique : les partitions pour débutants, la possibilité d’essayer un instrument sur place, puis l’accès gratuit à des plateformes d’apprentissage en ligne auxquelles BAnQ est abonnée.

Oscar Salazar Varela, bibliothécaire de musique de BAnQ

Taillé sur mesure pour le poste, ce sympathique guitariste d’origine mexicaine a étudié son instrument à Montréal à partir de 2001. Un doctorat amorcé en didactique de la musique lui a fait mesurer son amour des livres et des bibliothèques : il a donc terminé une maîtrise en science de l’information, son cinquième diplôme universitaire !

Au rayon des partitions musicales, Oscar est chargé des acquisitions, « de 12 à 15 nouveaux documents par mois », et son service accepte les suggestions.

Le prêt interbibliothèques s’applique aussi aux partitions, vous pouvez donc faire livrer de la musique à votre bibliothèque locale. Cependant, l’outil de recherche en ligne n’est pas encore parfaitement adapté, Oscar le reconnaît : « Le site a été refait et nous travaillons à améliorer le chemin pour que certaines partitions soient plus facilement accessibles. »

Bon à savoir, dans le catalogue général, il faut absolument passer par la recherche avancée pour sélectionner « partitions musicales ».

Mais quelques tests m’ont confirmé que la recherche en ligne peut être laborieuse. Avec de toutes petites variantes pour identifier la célèbre Sonate à la lune de Beethoven, on se retrouve avec des résultats bien différents : une référence vers une plateforme en ligne où la sonate n’est pas la bonne, puis une référence vers une partition qu’on obtient seulement sur demande, pour enfin tomber sur la partition disponible au 4e étage de la Grande Bibliothèque, à condition de connaître le numéro d’opus précis ! (opus 27 numéro 2, pour les curieux).

Mais le lieu vaut le détour, et on y retrouve le plaisir de feuilleter de la musique.

Sachant que beaucoup de musiciens en fin de carrière cherchent à offrir leurs partitions, j’ai demandé à Oscar si BAnQ acceptait les dons. Il reste très prudent : « Oui, mais il faut être réaliste, car ça peut être très long à trier ; nos ressources en espace et en temps sont limitées. »

On va accepter si ça constitue un ajout significatif à notre collection, si ça vient compléter notre offre. Il faut aussi s’assurer de ne pas faire entrer des partitions qui viennent avec une odeur, de l’humidité ou, pire encore, de la moisissure.

Oscar Salazar Varela, bibliothécaire de musique de BAnQ

Évidemment, personne n’a envie de rassembler une collection de partitions moisies ! Mais j’ai l’impression qu’il faudrait imaginer une solution pour éviter que des milliers de pages de musique se retrouvent au bac de recyclage, dans bien des familles où la pratique musicale ne s’est pas transférée à la génération suivante.

Quels lieux pourraient accueillir de petites musicothèques où déposer et prendre de la musique, sous le principe des Croque-livres ?

Certaines maisons de la culture, les écoles de musique ? Des lieux de diffusion culturelle comme la Place des Arts ou la salle Bourgie ? Vos idées sont les bienvenues !

Et surtout, jusqu’à ce qu’on imagine quelque chose, ne jetez pas vos partitions, pourvu qu’elles sentent bon.