Les disques et les concerts d’Angèle Dubeau et de l’orchestre La Pietà sont bien installés dans le paysage musical québécois. Discussion avec la violoniste à l’occasion de la sortie de leur dernier album et de leur concert du 27 novembre à la Place des Arts.

Le 1er octobre 1977, le cahier Perspectives de La Presse présente en couverture la photo d’une adolescente accoudée sur un étui à violon, le regard sûr et déterminé. Âgée de 15 ans, Angèle Dubeau a alors à son tableau de chasse un premier prix de violon du Conservatoire (un exploit à un si jeune âge) et un stradivarius de 200 000 $ que le virtuose acadien Arthur Leblanc lui a confié après l’avoir entendue jouer.

La journaliste Nicole Charest écrit : « On reproche à Angèle son jeune âge, l’organisation de son programme. L’exhibitionnisme des pièces qu’elle interprète. […] Ce qui est sûr, c’est qu’Angèle, au milieu de tant d’honneurs, a su garder la tête froide. Avec sang-froid et courage, elle s’intègre, douce, gentille, mais sûre d’elle-même, dans ce gigantesque mécanisme qui doit faire d’elle une soliste. […] Elle est épatante. Elle veut tout bien faire. Elle fait tout bien. On lui promet une très belle carrière. »

Une musicienne prolifique

La jeune musicienne n’aurait sans doute pas pensé qu’elle aurait 48 albums à son actif 46 ans plus tard et plus de 200 millions d’écoutes en continu, un concept inconnu à cette époque où le vinyle régnait en maître et où l’« autoroute de l’information » n’était encore qu’une lointaine promesse.

« Des fois, je pense aux chiffres qui m’entourent et je suis impressionnée moi-même », admet Angèle Dubeau, qui, à 61 ans, n’a rien perdu de la fougue de ses 15 ans.

Avant d’entrer sur une scène, je suis comme un bélier, un taureau qui pioche par terre, qui a juste hâte d’entrer. Le jour où je vais entrer comme j’entre dans ma cuisine, ce sera le temps d’arrêter.

Angèle Dubeau

La musicienne a été une pionnière de l’enregistrement classique au Québec avec son mari François-Mario Labbé, fondateur de l’étiquette Analekta. Les années 1990 ont été consacrées à l’enregistrement des grandes œuvres du répertoire pour violon, dont les concertos de Mendelssohn, Tchaïkovski et Sibelius et les sonates de Schubert, Fauré et Debussy.

Mais la violoniste a rapidement emprunté une voie plus « thématique » (programmes de danses, de berceuses, de musique de films ou de jeux vidéo, etc.), privilégiant ce que d’aucuns qualifieraient de classique « léger » (les anglophones parlent d’easy listening).

« Je n’ai pas peur du mot “populaire”. Une bonne musique reste une bonne musique, et à partir de là, je ne me mets pas de barrières, de préjugés. Je suis ouverte à tout. Certains musiciens vont rester dans leur bulle, ils veulent rester isolés, catalogués. C’est leur choix, pas le mien », rétorque celle qui recevait son 19Félix début novembre.

Minimalisme

Son dernier album en date, Signature Philip Glass, dont des extraits seront joués à la Maison symphonique le 27 novembre, constitue son deuxième disque consacré au pape du minimalisme, courant qu’elle a également approfondi avec des portraits discographiques de John Adams, d’Arvo Pärt, de Max Richter et de Ludovico Einaudi.

PHOTO ROBERT MAILLOUX, ARCHIVES LA PRESSE

Angèle Dubeau en 2004, en concert au Casino de Montréal

C’est dans les années 1980 qu’Angèle Dubeau a découvert la musique de Glass.

Il y en a qui aiment, il y en a qui n’aiment pas, mais moi, c’est venu m’envoûter. Je me disais : “Wow, écoute, on réinvente les choses !” et je me sentais très interpellée. C’est une musique qui venait m’habiter facilement.

Angèle Dubeau

Celle qui de fil en aiguille a été amenée à travailler personnellement avec Glass se réjouit de revenir à sa musique. « Son bureau m’a dit : “Angèle, fais ce que tu veux, on te fait confiance.” J’ai eu carte blanche, et ça, c’est un cadeau du ciel. Je demandais des partitions et je les recevais dans la semaine qui suivait. J’ai eu un oui à tout. Ça a été un bonheur de pouvoir plonger dans ça ! »

À ceux qui pourraient remettre en question ses préférences musicales, la musicienne n’y va pas par quatre chemins : « Si je suis encore là et que le public est encore là aujourd’hui, c’est parce que j’ai été honnête avec mes choix, mes goûts. S’il y a un endroit où tu ne peux pas tricher, c’est bien sur une scène. »

Des concerts pour le temps des fêtes

Un Noël dans vos cordes

Les Petits Violons et l’Ensemble Jean Cousineau, constitué de professionnels de différents orchestres de la métropole, se réuniront le 3 décembre (16 h) à l’église Saint-Pierre-Apôtre pour un concert de Noël unique en son genre. En plus d’œuvres pour orchestre à cordes comme la St Paul’s Suite de Holst et la Sinfonietta de Roussel, les spectateurs pourront entendre des noëls mettant notamment à profit le gigueur et percussionniste Olivier Arseneault.

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Un nouveau Pellerin à l’OSM

Kent Nagano revient au Québec pour un autre conte en compagnie de Fred Pellerin du 14 du 17 décembre. Avec son habituel bagout, ce dernier narrera Le secret de Polichignon, la truculente histoire d’un barbier de Saint-Élie-de-Caxton. L’OSM animera la soirée avec des œuvres connues de Chopin, Tchaïkovski, Moussorgski, Rimski-Korsakov et Mahler, mais aussi de nombreuses découvertes, dont une création du Québécois Maxime Goulet.

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Un Noël d’antan

La Maîtrise des Petits Chanteurs du Mont-Royal a été fondée en 1956 suivant un modèle qui remonte au Moyen Âge. Les quelque 200 garçons de 8 à 17 ans reçoivent une formation avancée en musique, en plus de suivre un programme scolaire régulier. Leurs enregistrements et leurs tournées à travers le monde ont bien assis leur renommée. On voudra donc volontiers les entendre chez eux, à l’oratoire Saint-Joseph, pour un grand concert de Noël sous la direction de leur chef Andrew Gray. C’est le dimanche 17 décembre à 15 h 30 et c’est gratuit (contribution volontaire).

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L’incontournable Messie

Décembre est évidemment le mois du Messie de Haendel. Le plus huppé cette année sera assurément celui de l’Orchestre Métropolitain, donné les 19 et 20 décembre dans l’immense vaisseau de la basilique Notre-Dame. Yannick Nézet-Séguin sera entouré pour l’occasion de la soprano Magali Simard-Galdès, de la contralto Rose Naggar-Tremblay, du ténor Spencer Britten, du baryton Philippe Sly et d’un ensemble de choristes professionnels.

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