La très populaire émission radiophonique À la semaine prochaine célèbre un double anniversaire. L’épisode qui est diffusé le 6 mai est le 450e et il clôt la 15saison. Voilà une superbe occasion de revenir sur ce succès phénoménal en compagnie de son grand manitou, Philippe Laguë.

Philippe Laguë : Le marathonien de la radio

Vous faites peut-être partie des dizaines de milliers d’auditeurs qui, tous les samedis, se bidonnent à écouter les personnages de l’émission À la semaine prochaine passer au tordeur de l’actualité sous toutes ses formes. Créé en septembre 2008, ce rendez-vous continue de séduire ceux qui apprécient le regard caustique qui est posé.

Ce concept, qui réunit des comédiens-imitateurs, une musicienne et un bruiteur autour d’un gars qui tente d’animer un magazine d’affaires publiques, est devenu rapidement l’émission phare d’ICI Première.

Un résultat qui réjouit les patrons de la chaîne publique, mais qui fait grincer des dents certains collègues qui jugent l’émission trop « légère » pour un diffuseur public. En gentleman, Philippe Laguë contourne le sujet. « On reçoit les encouragements de plusieurs collègues. Pénélope McQuade est venue nous voir il y a quelques jours pour nous dire qu’elle adore l’émission », se contente-t-il de dire.

Et pourtant, s’il y en a une qui pourrait être distante face à l’équipe d’À la semaine prochaine, c’est bien Pénélope McQuade. À l’instar de Manon Massé, Gaétan Barrette, Anne-France Goldwater ou Jean-Paul Daoust, elle fait régulièrement l’objet d’une imitation caricaturale faite d’un mélange d’un brin d’acide et de miel. Ce cocktail explique sans doute pourquoi l’équipe reçoit très peu de plaintes de la part des « victimes ».

Né par accident

Derrière les grands succès se cachent souvent des légendes. L’émission À la semaine prochaine a la sienne, car ce concept est né par accident. Lors du 10anniversaire de la défunte émission Macadam Tribu, Philippe Laguë a profité de la présence du public pour créer un sketch en y mettant des effets sonores et en s’entourant d’autres collaborateurs (Stéphane Leclair, Émilie Dubreuil, Annie Desrochers, etc.).

Dans la salle se trouvaient deux patrons, Louise Lantagne et Jean-François Rioux. « Ils sont venus me voir pour me dire qu’ils avaient adoré ça. Comme j’avais cette idée en tête depuis longtemps, je suis allé les rencontrer le lundi matin. Ils m’ont donné le feu vert. Quand Pierre Verville a embarqué, j’ai su que ça allait marcher. J’avais une grosse pointure avec moi. »

À ce tandem se sont greffés Michèle Deslauriers et Pierre Lebeau. Ce dernier a été plus tard remplacé par Pierre Brassard, puis par Dominic Paquet. « Dominic nous a amené un autre public et d’autres couleurs », ajoute Philippe Laguë.

La préparation de chaque émission occupe bien la semaine de l’équipe. Après un remue-méninges qui a lieu le vendredi, les auteurs plongent dans un intense travail d’écriture et de lecture qui s’étend du lundi au mercredi.

Les comédiens s’impliquent également. « Souvent ils ajoutent des idées lors des répétitions qui précèdent l’enregistrement du jeudi », explique Philippe Laguë.

Les textes sont retouchés jusqu’à la dernière minute. Ils sont toutefois soumis aux avocats de Radio-Canada. « Avec le temps, on a compris ce qu’on ne peut pas dire, dit Philippe Laguë. Je tente de ne pas parler de la vie privée des gens. Et quand je sais que quelqu’un ne va pas bien, je préfère attendre un peu que ça passe. »

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L’équipe de l’émission À la semaine prochaine a ravi le public lors de l’enregistrement de son 450e épisode.

Une centaine de personnages

À raison d’une vingtaine de numéros par émission, Philippe Laguë évalue à 9000 le nombre de sketches écrits à ce jour. Plus d’une centaine de personnages, réels ou fictifs, font vivre ces moments de folie. « On doit écrire en fonction des personnages dont l’imitation est maîtrisée. Si j’ai l’idée d’un nouveau, les comédiens me demandent environ trois semaines pour le travailler. »

Ceux-ci reviennent avec des propositions qui impressionnent la plupart du temps Philippe Laguë. « Quand Christine Beaulieu est devenue populaire avec J’aime Hydro, j’ai demandé à Véronique Claveau de la travailler, dit-il. Elle m’est revenue avec une imitation à se jeter à terre. »

Quant à la durée de vie de ces personnages, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte.

Quand les politiciens cessent de l’être, ça retombe, on le sent bien. Cela est moins vrai avec les artistes de variétés comme Ginette Reno. Cela dit, on ne sait jamais combien de temps un personnage va vivre. Certains sont bons pour six capsules et d’autres pour six ans.

Philippe Laguë

En fait, on se rend compte que ce sont les personnalités elles-mêmes qui déterminent si elles seront de l’émission du samedi. « C’est sûr que lorsqu’Éric Duhaime se fait aller, on se dit all right ! », lance l’animateur en riant.

Jeune, Philippe Laguë a souvent entendu de la part de certaines personnes qu’il ne pourrait jamais faire de la radio « avec la voix qu’il avait ». C’était mal connaître celui qui a longtemps été passionné par les sports. « Je me suis toujours dit qu’il ne fallait pas que j’accorde de l’importance à ces obstacles. Je suis un marathonien. Je me disais que j’allais les avoir à l’usure. »

Au-delà de la crainte d’être écarté de ce métier, Philippe Laguë a surtout eu peur de vivre un regret. « Je ne voulais pas me retrouver à 60 ans en train d’écouter la radio et me dire que j’aurais pu faire ce que j’entendais. J’ai foncé avec détermination et je me suis bien entouré. Je n’ai pas peur de le dire, je suis un bon gars. On ne s’est jamais chicanés au sein de l’équipe. On s’appelle, on se parle et on se dit qu’on s’aime. »

Des sons, des voix, des mots… c’est la radio !

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Les collaborateurs de l’émission À la semaine prochaine devant le public, lors de l’enregistrement du 450e épisode

Environ 300 personnes ont envahi le studio C et une partie de l’atrium de la Nouvelle Maison de Radio-Canada jeudi soir dernier pour assister à l’enregistrement du 450épisode d’À la semaine prochaine et souligner la fin de la 15saison. Il y avait donc de la magie dans l’air.

J’ai regardé autour de moi. Pouvait-on parler d’« un public » ? Je ne le pense pas. C’était très varié. On est visiblement dans la catégorie 7 à 77 ans.

J’ai partagé la table avec une famille dont les deux enfants semblaient connaître tous les personnages de l’émission. Ils ont ri de bon cœur, même si certains gags grivois de Ginette Reno les ont rendus perplexes.

Assister à l’enregistrement d’À la semaine prochaine est une formidable expérience. Elle nous permet de découvrir l’imposant dispositif qui est déployé chaque semaine pour créer cette émission. À gauche de la scène, le bruiteur Alain Collin évolue devant une foule d’objets qui lui permettent de créer des ambiances sonores en temps réel.

Si les comédiens composent avec des piles de textes, il ne fait aucun doute que celui qui pratique un métier à la fois rare et fascinant doit s’en remettre à une véritable partition. Pendant une heure, il passe d’un bidule à un autre, piochant sur l’un, grattant ou secouant l’autre.

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Le bruiteur Alain Collin

Si vous pensiez comme moi que la plupart des effets sonores étaient préenregistrés, détrompez-vous. Alain Collin travaille comme au temps des radioromans des années 1940 et 1950.

À droite de la scène, la pianiste Nadine Turbide assure la direction musicale. Elle était entourée de Dany Ranallo (guitares) et de Marie-Josée Frigon (saxophones). On ne chôme pas non plus de ce côté-là. Les nombreux ponts musicaux qui assurent les transitions entre les numéros, de même que les musiques des chansons qu’interprètent certains comédiens (Véronique Claveau et Pierre Verville, entre autres), tout cela bénéficie du talent de ces musiciens dont l’une des qualités est de savoir déchiffrer des dizaines de partitions tous les mois.

Installé au centre de la scène, l’animateur Philippe Laguë prépare d’abord le public afin de le « mettre dans le coup ». On nous dit que lorsque Manon Massé évoquera un montant de 13 milliards, nous devrons répondre en chœur que « c’est gratis ».

Puis, après nous avoir fait applaudir à tout rompre afin que les techniciens de son puissent faire certains ajustements, Philippe Laguë lance le fameux « Laissez entrer les comédiens ». C’est sous les cris de la foule que Michèle Deslauriers, Véronique Claveau, Pierre Verville, Dominic Paquet, Benoit Paquet et Pierre Brassard ont fait leur entrée dans le public.

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Les musiciens de l’émission À la semaine prochaine

Les spectateurs étaient ravis de découvrir en chair et en os ceux et celles qui entrent tous les week-ends dans leur cuisine. « Ça va être le plus beau stage en ville, m’a dit Philippe Laguë lorsque je lui ai parlé plus tôt cette semaine. La famille élargie va être là. Ça me touche beaucoup. »

Une fois le thème de l’émission lancé, l’équipe plonge non sans une certaine fébrilité dans les sketches. Bien sûr que tout ne coule pas toujours de source. On bute sur un mot, une porte ne s’ouvre pas, une musique tarde à venir… Cela fait partie de la réalité d’un enregistrement. On s’arrête, on reprend et on compte sur la réalisatrice Marie Cayer pour arranger ça au montage.

L’émission que vous entendrez ce week-end a une « formule anniversaire ». On a souhaité faire entendre le plus grand nombre de personnages afin de souligner les 15 saisons. C’est ce que Philippe Laguë appelle la « méthode fourre-tout ». L’animateur sera dérangé souvent pendant l’émission par Justin Trudeau, Patrice Roy, Micheline Lanctôt, Mariana Mazza, Denise Bombardier et de nombreux autres.

J’ai entrepris de noter chacun des personnages qui ont été présentés et j’ai dû m’arrêter à 58. C’est pour vous dire. « Il faut faire attention à l’écriture, car on a tendance à en faire beaucoup », m’a confié Philippe Laguë.

Parlant de textes, il faut absolument nommer ceux et celles qui les écrivent chaque semaine avec l’animateur : Janel Leclerc, Pierre-Yves Drouin et Jean-François Pierre. Ils sont secondés par Cassandre Charbonneau-Jobin, Gaël Corboz, Philippe Meilleur et Guy A. St-Cyr. Pascal Lavoie est le script-éditeur.

Voilà la preuve qu’au-delà des voix et des sons, cette émission repose d’abord sur des mots.

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Plusieurs personnages ont marqué l’émission À la semaine prochaine au fil des ans.

Quelques personnages marquants

Lise Thériault (Michèle Deslauriers)

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Michèle Deslauriers

L’excellente Michèle Deslauriers a eu un énorme succès avec la dictée de Lise Thériault. « Quand on l’annonçait, le public hurlait », dit Philippe Laguë. La comédienne campe aussi Ginette Reno, Denise Filiatrault, Valérie Plante et Manon Massé.

Justin Trudeau (Pierre Verville)

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Pierre Verville

Véritable virtuose de l’imitation au Québec, Pierre Verville excelle en tant que Justin Trudeau, mais aussi en tant que Jacques Villeneuve, Vincent Guzzo, Charles Aznavour, Richard Desjardins et François Legault.

Gaétan Barrette (Dominic Paquet)

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Dominic Paquet

« On le faisait arriver sur Kashmir de Led Zeppelin pour souligner son surpoids, raconte Philippe Laguë. Ça ne paraît pas lointain, mais on ne pourrait plus faire ça aujourd’hui. » Dominic Paquet est aussi Dan Bigras, Monsieur Shipping et Mario Pelchat.

Céline Dion (Véronique Claveau)

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Véronique Claveau

Imitatrice et chanteuse, Véronique Claveau hérite de plusieurs rôles chantants, dont ceux de Céline Dion et de Brigitte Boisjoli. Elle personnifie également à merveille Pénélope McQuade, Christine Beaulieu et Sonia Benezra.

Charles Tisseyre (Pierre Brassard)

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Pierre Brassard

Pierre Brassard brille dans le rôle de Charles Tisseyre. « On lui faire vivre toutes sortes d’aventures, dit Philippe Laguë. Il a dormi en cuillère avec le yéti dans sa grotte. » L’ex-Bleu poudre offre aussi Fabrice Lucchini, Yves Lambert et Gilles Vigneault.

Richard Martineau (Benoît Paquette)

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Benoît Paquette

Pas facile de représenter le chroniqueur Richard Martineau. Le formidable caméléon qu’est Benoît Paquette réussit cet exploit. L’humoriste-imitateur est aussi celui qui se cache derrière Mario Dumont et Bernard Drainville.

Amédé Brisebois (Philippe Laguë)

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Philippe Laguë

Philippe Laguë personnifie Amédé Brisebois, ce personnage de gars d’extrême droite créé à l’époque de Macadam Tribu. « La réalité est en train de le rattraper, dit l’animateur. Il faudrait que je le réoriente. » Il adore aussi faire Fun Fournier et Jean-Paul Daoust.

À la semaine prochaine, samedi, 11 h, ICI Première. Également diffusée dimanche, à 16 h.