Depuis 50 ans, Marie Michèle Desrosiers mène une carrière à l’image de sa personnalité. Ses choix sont guidés par le plaisir et des désirs, ceux d’interpréter de belles et grandes chansons.

De ses débuts avec le légendaire groupe Beau Dommage, en passant par une série de disques solo, jusqu’aux spectacles thématiques qu’elle présente avec succès, cette « fille de groupe » conserve toujours le même plaisir d’être sur scène. Elle a raison de prolonger ce superbe parcours. Sa voix, cristalline, chaude, lumineuse, demeure aussi malléable qu’à ses débuts.

Ce constat, je l’ai fait en allant la voir dans Nicole – Les chansons d’une vie, un spectacle en hommage à Nicole Martin qu’elle offre depuis des mois avec ses comparses de talent, Marie-Élaine Thibert et Annie Blanchard.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Marie Michèle Desrosiers au spectacle Nicole – Les chansons d’une vie

En une cinquantaine de chansons, les trois chanteuses résument la carrière de celle qui nous a quittés en 2019. Que des bombes ! Il n’y a pas de doute, Nicole Martin avait du pif pour repérer de solides chansons. Laisse-moi partir, Tes yeux, Bonsoir tristesse, Oui paraît-il, Il était une fois des gens heureux, Je lui dirai, Cet enfant de toi... Je pourrais continuer comme ça longtemps.

« Je ne connaissais pas beaucoup son répertoire, m’a dit Marie Michèle Desrosiers, lovée dans le sofa moelleux de son condo où elle m’a donné rendez-vous. Quand elle a commencé à chanter dans les années 1960, j’étais plus Beatles. Et après, j’étais plus Octobre, Harmonium, Contraction et les autres. »

L’une des grandes qualités de ce spectacle est la judicieuse attribution des chansons que les deux concepteurs, Pierre Séguin et Lee Abbott, mari de Nicole Martin, ont faite. Les trois interprètes ont reçu les chansons qui leur convenaient le mieux (merci d’avoir offert à Marie Michèle Desrosiers Quand on s’en va le cœur oublie).

« On m’a surtout donné les chansons françaises composées par Francis Lai et Jean Musy, reprend Marie Michèle Desrosiers. Je n’ai pas la voix pour pousser certaines autres. » En effet, il faut parfois se mettre à trois pour interpréter une chanson du répertoire de Nicole Martin, c’est le cas de Laisse-moi partir. « Quand on arrive au refrain, les filles et moi serrons les fesses », ajoute-t-elle en riant.

PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

Photo de Beau Dommage à l’occasion de la réédition de son premier album. Le mixeur Ghyslain-Luc Lavigne et les membres de Beau Dommage Pierre Huet, Réal Desrosiers, Marie Michèle Desrosiers et Michel Rivard.

Beau Dommage a 50 ans

J’ai évidemment profité de cette rencontre pour parler avec Marie Michèle Desrosiers de ses débuts au sein de Beau Dommage. C’est en effet en 1973, il y a donc très exactement 50 ans cette année, que cette mythique formation, érigée sur les bases de la Quenouille bleue et de La famille Casgrain, a vu le jour.

Les premiers indices d’une présence sur scène apparaissent à la fin de l’été 1973 alors que le groupe se produit dans de minuscules boîtes, dont le Luducu, bar situé au sous-sol de l’UQAM. Fraîchement sortie de l’École nationale de théâtre (la même cohorte que Michel Côté), Marie Michèle Desrosiers (amenée par Carole Fréchette chez les gars de la Quenouille) est tout de suite remarquée.

Quand elle apprend que les membres cherchent une voix féminine, elle lève candidement la main. Une audition est organisée. « Je me chicane encore avec les gars. Moi, je dis que c’est au 6760, Saint-Vallier que ça s’est passé, eux disent que c’était au Luducu. »

On jumelle la voix de Marie Michèle Desrosiers avec celles de Michel Rivard et de Pierre Bertrand. C’est le choc ! Une teinte majeure de la palette Beau Dommage est trouvée. Robert Léger, déjà créateur de Tous les palmiers et Harmonie du soir à Châteauguay, est au piano électrique, Réal Desrosiers à la batterie. Même s’il ne monte pas sur scène, Pierre Huet est le sixième membre en signant plusieurs chansons.

Il est étonnant que la jeune fille timide de Saint-Eustache, ancienne pensionnaire de Villa Maria, ait été attirée à ce point par les feux de la rampe.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Marie Michèle Desrosiers

J’ai toujours dit que je voulais être sur une scène. Comme je suis paresseuse et pas du tout carriériste, le hasard a beaucoup fait pour moi.

Marie Michèle Desrosiers

On a l’impression que l’aventure Beau Dommage fut longue, mais en vérité elle a duré de 1973 à 1978. « Ce fut court, mais c’est un gros morceau de ma vie, dit Marie Michèle Desrosiers. C’est mon école. Je suis sûre que les gars diraient la même chose. On avait un côté naïf mais soucieux de bien faire les choses. Finalement, on était des bons garçons et une bonne fille. »

Après cinq ans d’un tourbillon composé d’incessantes tournées et de nombreux enregistrements (quatre disques en quatre ans), chacun prend son chemin. Malgré l’incroyable succès auprès du public, les membres ne ressortent pas riches de ces années folles. « J’ai rassemblé mes économies et je suis partie en Europe. J’ai retrouvé des amis du Big Bazar. »

Au fil des ans, Marie Michèle Desrosiers a enregistré huit disques en solo, dont quatre de chansons originales (plusieurs écrites et composées par elle), deux disques de chansons de Noël et deux autres de reprises. Son dernier opus, Marie Michèle se défrise, produit par son amie Clémence DesRochers, en 2008, n’a pas connu toute la reconnaissance qu’il mérite, à mon avis.

Une voix unique

Marie Michèle Desrosiers a toujours su traverser les modes et les courants. Est-ce en raison de cette voix unique qui appelle la douceur et la sensualité ? « Les gens ne se doutent pas de cela, mais j’aime les chansons qui bougent, le jazz, le rock. Ce n’est pas dans mes cordes vocales, mais c’est ce que je préfère. Quand on m’offre une balade, je suis heureuse. Mais ce n’est pas toujours là que j’aimerais aller. »

La plupart des voix des chanteurs connaissent après un certain âge une forme de déclin. On doit alors changer de tonalité et éviter des passages exigeants. Marie Michèle Desrosiers a la chance de pouvoir conserver la pureté des débuts. « Je la travaille et j’en prends soin. Je ne l’ai jamais forcée. Dans un party, je ne suis pas du genre à parler par-dessus le monde. »

J’ai voulu savoir à partir de quand elle avait découvert qu’elle avait une voix et qu’elle pouvait s’en servir. Elle a alors eu cette réponse étonnante. « J’ai réalisé ça il y a quelques années seulement. » Hum... Il faudrait répéter cela aux candidats de La voix qui beuglent pour faire retourner les fauteuils.

Si vous voulez réentendre cette voix-là, sachez qu’elle se fait entendre dans le spectacle Nicole – Les chansons d’une vie, notamment dans un pot-pourri fort réussi de chansons jazz. Le trio de chanteuses s’amène ce samedi soir au Cabaret du Casino de Montréal avant une pause estivale. La tournée reprendra l’automne prochain pour se poursuivre jusqu’en avril 2024.

Nicole – Les chansons d’une vie, le samedi 1er avril 20 h, Cabaret du Casino de Montréal

Consultez le site du spectacle en tournée tout l’automne