Dans le cinquième épisode de la minisérie Désobéir : le choix de Chantale Daigle, la protagoniste Chantale (Éléonore Loiselle) orchestre, dans le secret le plus opaque, sa fuite à Boston, où elle subira un avortement tardif.

Elle coiffe ses cheveux, qu’elle a teints en vert et noir, en mohawk. Sa mère lui charbonne les yeux. Chantale enfile un perfecto de cuir et brûle son voile blanc, que Jean-Guy Tremblay (Antoine Pilon) « n’était pas censé voir avant le mariage ».

En arrière-plan, la chanson Devil Inside du groupe australien INXS rythme cette séquence d’environ 60 secondes filmée par le réalisateur et coproducteur Alexis Durand-Brault. Le montage de cet épisode – le cinquième sur un total de six – était bouclé, avec toutes les autorisations nécessaires, et il devait sortir sur la plateforme Crave le 5 avril.

Sauf que vous n’entendrez pas le chanteur Michael Hutchence y chanter, de sa voix suave et séduisante, « Devil inside, the devil inside, every single one of us, the devil inside ». Après avoir autorisé l’emploi de la pièce, INXS a changé d’idée à la dernière minute et exigé le retrait de Devil Inside du cinquième épisode de Désobéir : le choix de Chantale Daigle.

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Raison officielle : « L’équipe de gestion d’INXS se dit sensible à propos de la chanson et a décidé de passer son tour sur ce projet télé. »

Raison officieuse qui a été communiquée aux coproducteurs de la série, Sophie Lorain et Alexis Durand-Brault, de l’entreprise ALSO : le sujet de l’avortement serait trop clivant.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le réalisateur Alexis Durand-Brault

« Les deux bras me sont tombés. INXS me retire les droits de la chanson parce que la série parle d’avortement. Je trouve ça scandaleux », tonne Alexis Durand-Brault en entrevue.

Pourtant, les droits canadiens de Devil Inside avaient bel et bien été obtenus pour Désobéir, il y a un mois, par la boîte Ray-On, propriété de Iohann Martin et Mitsou Gélinas.

« Nous avions fait la demande et la demande avait été acceptée par les éditeurs du catalogue d’INXS [Universal]. Ils nous avaient même donné le tarif », confirme Iohann Martin, de Ray-On, une entreprise montréalaise qui se spécialise, entre autres, dans la libération de droits musicaux.

Facture estimée : 15 000 $ pour l’extrait de 60 secondes de cette chanson popularisée par INXS en 1988.

Quand un artiste ou un groupe reçoit une demande pour l’utilisation d’une de ses chansons à la télé, il sait de quoi l’émission parle et il sait dans quel contexte sa pièce jouera. « Ils avaient toutes les informations nécessaires, ils avaient aussi reçu le résumé de la série », rappelle Alexis Durand-Brault.

Personne n’a donc tenté de piéger INXS en lui cachant la nature du combat – très public – de Chantale Daigle. J’ai vu la scène du cinquième épisode qui intégrait Devil Inside et elle est inoffensive. On y voit Chantale Daigle se déguiser en punkette pour se faufiler incognito aux douanes américaines, c’est tout. Il n’y a pas de sang, pas de larmes ni de gros drame.

Comment alors expliquer cette volte-face d’INXS à moins de deux semaines de la diffusion ? Alexis Durand-Brault croit qu’un article de l’influent magazine américain Variety à propos de Désobéir aurait alerté l’équipe de gérance d’INXS, qui ne s’implique pas nécessairement dans l’utilisation des chansons du groupe partout dans le monde.

Le papier, publié le 17 mars, en marge du festival européen Séries Mania, parlait du gros impact de l’histoire vraie de Chantale Daigle, qui a garanti aux Canadiennes le droit à l’avortement⁠1. Quelques jours après la mise en ligne de l’article de Variety, le téléphone d’Alexis Durand-Brault sonnait et le contrat était torpillé.

Le groupe INXS n’a pourtant pas été reconnu pour ses prises de position conservatrices.

La pièce Devil Inside a été coécrite par Michael Hutchence, mort par pendaison en 1997, et le claviériste d’INXS, Andrew Farriss, toujours vivant à 64 ans.

Dans une entrevue accordée en juillet 2022, Andrew Farriss a révélé qu’il a toujours eu un peu de misère avec Devil Inside parce que Michael Hutchence avait écrit des paroles à propos du diable et que, lui, avait « des croyances à propos de la vie et de ce qui vient après ».

Nous avons peut-être ici une piste de réponse sur le repli d’INXS de la bande sonore de Désobéir : le choix de Chantale Daigle. Le porte-parole d’Universal au Québec n’a pas répondu à une demande d’entrevue.

Téléréalité au pouvoir !

Deux téléréalités se disputent la première place du palmarès des émissions dominicales les plus populaires. Le dernier épisode de Sortez-moi d’ici !, où l’humoriste Jean-François Mercier a été éliminé, a généré une audience de 1 267 000 curieux, contre 1 290 000 fans qui ont assisté aux quarts de finale de La voix à TVA.

À Radio-Canada, Tout le monde en parle a rallié 835 000 fidèles, et à TVA, La vraie nature a intéressé 721 000 personnes. Chez Noovo, 599 000 téléphiles ont assisté à l’éviction de Jemmy Échaquan-Dubé qui, contrairement à sa punition, a été tout sauf une dynamo.

1. Lisez l’article dans le Variety (en anglais)