Après sept saisons de maudite sacoche verte, du grand renversement, d’explorations systémiques assistées et d’innombrables livraisons de Saint-Coq, pensiez-vous vraiment que je ne soulignerais pas la fin de L’échappée, une de mes obsessions malsaines à la télé québécoise ?

Jamais de la vie, pour l’amour de Sainte-Alice-de-Rimouski, carrefour de tous les kayaks et de tous les maniaques du Bas-Saint-Laurent.

Le soap-thriller de TVA a tiré les rideaux, lundi soir, dans une finale étonnamment douce et lumineuse pour une série aussi sombre et sinistre. Honnêtement, cet ultime épisode (le 168e), confus et prévisible, ne passera pas à l’histoire comme celui de Six Feet Under, par exemple.

En résumé, les habitants de Sainte-Alice carburent tous au bonheur avec un grand B, et travaillent tous pour Martine Lyndsay (Sophie Bourgeois) après avoir frôlé la psychose toxique (allô, Romie, saison 4) et le délire mystico-meurtrier (salut, Gérard, saison 5).

Mettons qu’après autant d’années d’ados sur la pinotte, de Louves blanches menées par la cuisinière dérangée Samantha (Marilou Morin) et de tueur en série au masque d’Halloween (Patrick Hivon), le ton « Moments parfaits » de L’échappée sonnait bizarre dans nos télés.

Une partie de moi priait pour que la chanteuse et pseudo-détective Brigitte Francœur (Julie Perreault) revienne à vélo, cigarette au bec, pour scrapper le deuxième mariage de sa fille Jade (Charlotte Aubin) en vociférant : « Tenez, ma gang de tabarnaks, vous allez endurer une de mes tounes originales une dernière fois. »

Mais non. L’auteure Mylène Chollet, sans jamais la nommer, a fait dire à sa sœur Noémie (Anick Lemay) que la belle Brigitte était morte, sans fournir plus de détails. Ciao, bye, on enterre le dossier à la Pointe-à-Francœur. Dommage.

Nous avons également appris, dans ce bond dans le temps de quatre ans, que le paternel Clément Francœur (Rémy Girard) était décédé des suites de sa maladie dégénérative. Pas de nouvelles de sa finca, par contre.

Plusieurs morceaux de la conclusion de L’échappée ont été précipités ou garrochés, dont le petit garçon que le lieutenant Richard L’Espérance (Pierre-Yves Cardinal) a eu avec Flora (Alexa-Jeanne Dubé). Pardon ? D’où sortait cette intrigue ? D’un battle de Sissi/Sidonie sur TikTok ?

À la limite, ç’aurait été plus plausible que l’infirmière Maude Jutras (Noémie Godin-Vigneau) accouche d’un bébé que lui aurait fait son propre fils Fabien (Devon O’Connor). Oui, L’échappée a exploré les zones de l’inceste.

En fait, le téléroman savonneux de TVA a suivi un long fleuve sulfureux et bouillonnant de trucs super glauques. On pense à la secte du gourou Jean-Simon (Steve Gagnon), les tributs et les tatouages dessinés au sang humain. Les Rock Devils ont aussi semé la terreur dans ce village de damnés et de condamnés à mourir comme la pauvre Agnès Meilleur (Évelyne Rompré), la première d’une kyrielle d’innocentes victimes de L’échappée, ne l’oublions pas.

Et comment oublier le psychopathe qui tripait sur les parfums (encore David Lelièvre), le gouvernementeur des disciples complotistes d’Anatole Dufresne (Martin Drainville), le Bar Bébé Q aux serveuses sexy, la balado Lelièvre et la tortue de la journaliste d’enquête Daphné Fournier (Élisabeth Locas) ou le kiosque Bout du monde, théâtre d’un brassage infini de vestes de sauvetage ?

Nos lundis soirs ne seront plus les mêmes sans autant de sœurs-témoins et d’empathie noire. En même temps, il fallait débrancher L’échappée, qui a étiré et pété l’élastique de la vraisemblance plusieurs fois en sept ans. On a eu bien du plaisir, cela dit.

Cette série créée par Michelle Allen (L’empereur, Fugueuse) a rarement été ennuyeuse et elle a eu le flair d’offrir des rôles à une jeune génération d’acteurs aux carrières florissantes. On pense à Noah Parker, Éléonore Loiselle, Sam-Éloi Girard, Kelly Depeault, Sophie Nélisse, Étienne Galloy, Milya Corbeil-Gauvreau, Laurie Babin, Antoine DesRochers et Émilie Bierre, dont les personnages ont tous gravité autour du Centre jeunesse de Sainte-Alice.

Le premier épisode de L’échappée, relayé en septembre 2016, débutait avec le mariage de Jade avec Xavier (Félix-Antoine Duval). Le dernier finissait de la même façon. Boucle bouclée, trapèze complété.

Le diable à l’intérieur des détails

À propos du refus d’inclure la chanson Devil Inside d’INXS dans la minisérie Désobéir : Le choix de Chantale Daigle de la plateforme Crave, le groupe Universal insiste : « C’est le droit d’un artiste ou de son équipe de décider si et comment leur musique sera utilisée », affirme la porte-parole d’Universal au Canada, Ashley Ballantyne.

C’est court, mais légitime comme réponse. Ce qui est curieux, par contre, c’est qu’un premier feu vert a été donné – par Warner – à l’équipe du réalisateur et coproducteur Alexis Durand-Brault pour l’emploi de Devil Inside dans une séquence de 60 secondes du cinquième épisode de la minisérie, qui sortira le 5 avril.

Un prix estimé avait même été fixé : 15 000 $ pour 60 secondes. Il faut savoir que Warner exploite le catalogue d’INXS au Canada et aux États-Unis, tandis qu’Universal contrôle les licences du groupe australien dans le reste du monde.

« L’autorisation de Warner était conditionnelle à notre approbation. Warner ne peut pas décider seule de libérer les droits de la chanson », affirme Ashley Ballantyne, d’Universal, en précisant que le sujet de la série n’a pas influencé leur décision.

Tout ça pour dire que vous n’entendrez pas Devil Inside dans le cinquième épisode de Désobéir : Le choix de Chantale Daigle. La pièce a été remplacée par de la musique instrumentale composée par Dazmo.