Depuis des mois, des bruits de coulisses envoient Nathalie Bondil au Musée des beaux-arts du Canada (MBAC), à Ottawa. Si plusieurs personnes influentes voient ce choix d’un très bon œil, tout indique que la concernée passera son tour.

Alors que nous nous rapprochons de la période d’étude des candidatures en vue du poste de DG du MBAC (6 février), je me suis entretenu avec l’ancienne directrice générale du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Installée à Paris, où elle joue un rôle de choix à l’Institut du monde arabe, Nathalie Bondil m’a confirmé qu’elle ne fera pas de gestes en ce sens.

Celle qui a été congédiée par le C.A. du MBAM en juillet 2020 continue d’entretenir plusieurs liens avec le Canada (sa fille étudie à Montréal) et conserve de merveilleux souvenirs de son long séjour à Montréal. Mais ses responsabilités en tant que directrice du département du musée et des expositions à l’Institut du monde arabe (IMA) la retiennent en France.

« Je suis très honorée qu’on pense à moi. Ça me touche beaucoup. J’aime le Canada, le Québec et Montréal, là n’est pas la question. D’ailleurs, je me rends compte que je suis très québécoise dans ma façon de travailler à Paris. Mais j’ai un très gros projet de refonte avec l’IMA. J’ai toujours été quelqu’un de cause et d’engagement, et je vais continuer de l’être. »

En effet, Nathalie Bondil, connue pour son dynamisme et sa grande capacité à faire bouger les choses, doit dévoiler ce jeudi à Paris un « important projet ».

Elle reçoit depuis plusieurs mois l’appui et les encouragements de nombreuses personnes influentes du monde muséal ou qui gravitent en périphérie du MBAC. « Je sais que beaucoup de gens aimeraient que je revienne. Peut-être un jour, on verra. Pour le moment, je dois livrer ce projet. »

Pour ces gens, elle est la seule capable de donner un nouvel élan à ce musée frappé par une sérieuse crise. Rappelons qu’à la suite du départ imprévu de sa directrice générale, Sasha Suda, en juin 2022, le MBAC s’est retrouvé avec une directrice intérimaire, Angela Cassie, dont le style de gestion a suscité beaucoup d’inquiétudes auprès des employés et de gens du milieu des musées. Le congédiement, en novembre dernier, de quatre directeurs qui détenaient des postes clés a semé une onde de choc.

L’application d’un plan de transformation visant à favoriser l’inclusion et la diversité au sein du musée est au cœur de ce bouleversement. Il passe notamment par la création de la section Voies autochtones et décolonisation.

Nathalie Bondil n’a donc pas posé sa candidature au MBAC. Elle est bien consciente que les professionnels qui possèdent le profil recherché pour diriger cette institution ne sont pas monnaie courante. « Je souhaite le meilleur au Musée des beaux-arts du Canada qui est dans une situation compliquée. C’est un musée fantastique avec une collection incroyable et un potentiel énorme. »

C’est franchement dommage que Nathalie Bondil ne lève pas la main. En entrevue à l’émission Les faits d’abord, en décembre dernier, elle a fait part de sa vision de l’inclusion et de la décolonisation à l’animateur Alain Gravel. Son point de vue est à la fois actuel et nuancé.

Selon elle, il est primordial de faire avancer les choses, notamment dans le domaine de la restitution des œuvres, mais il faut prendre le temps de bien faire les choses.

C’est bien connu, Nathalie Bondil aime se doter d’une vision claire et maîtrise l’art de dynamiser les troupes autour d’elle, une chose dont le MBAC aurait grandement besoin en ce moment.

Son mandat au MBAM a malheureusement connu une fin abrupte lorsqu’elle a été congédiée par le C.A. à la suite d’allégations de dégradation de climat de travail. Précisons que Nathalie Bondil n’était pas directement visée par cette plainte. Cela a mené à une poursuite de 1 million de dollars de la part de Nathalie Bondil en dommages-intérêts punitifs. Une entente à l’amiable confidentielle a finalement été signée.

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Le processus de sélection du prochain ou de la prochaine DG du MBAC a été enclenché après de nombreux mois de préparation. Sur le site du ministère du Patrimoine canadien, on donne les grandes lignes du profil recherché. On y apprend que le salaire annuel varie entre 204 200 $ et 240 200 $.

Il est précisé qu’une « préférence pourrait être accordée aux individus qui appartiennent à l’un des groupes suivants : femmes, Autochtones, personnes handicapées et minorités visibles ».

Pour ce type de processus, il y a deux types d’échéances pour les appels de candidatures : une date de clôture ou une date d’examen des demandes de candidature. Dans ce cas-ci, on a opté pour la seconde formule, qui s’amorcera le 6 février.

Cette manière de faire permet « que les demandes reçues après cette date [soient] retenues et [puissent] être examinées jusqu’à la nomination d’un candidat au poste ».

Je comprends par là que le ministère du Patrimoine canadien veut mettre toutes les chances de son côté : si jamais la qualité des candidats n’est pas au rendez-vous, on pourra alors poursuivre les recherches.

Je me pose toutefois une question : si Pablo Rodriguez, à qui reviendra la tâche de faire le choix final, juge que les candidatures ne correspondent pas à ses attentes, pourrait-il insister davantage auprès de Nathalie Bondil et tenter de la faire changer d’idée ?

En tout cas, cette nomination mérite la plus grande attention de la part de ceux qui en sont responsables. Et d’être vigoureusement suivie par le public et les journalistes.