Nous avons tous subi, au début des années 2000, le zèle de chefs soi-disant « avant-gardistes » et « créatifs » qui ont déconstruit à peu près tous les plats dont la recette nécessitait plus de deux ingrédients.

Le burger, la lasagne, le pâté chinois, la poutine, tous ces mets populaires ont été déconstruits en cuisine, une technique révolutionnaire consistant, en gros, à séparer les éléments et à les servir côte à côte dans une belle assiette carrée. Fou de même.

Notre cher Ricardo Larrivée a aussi déconstruit la tarte au citron classique, opération qui donnait lieu à un paquet de mottons jaunes et blancs garrochés sur du papier parchemin, tiens, toi, sans oublier le fameux coulis de fruits barbouillé de façon aléatoire sur ce tas de nourriture disparate.

Cette tendance culinaire que l’on croyait grabataire, comme tout ce qui contient le terme « moléculaire », revient en force, mais sous forme télévisuelle. À peine entamée, l’année 2023 pige un gros numéro dans le sac à surprises, je vous demanderais de tout arrêter, j’ai une annonce importante à vous faire.

Voici donc la nouveauté la plus chaude du petit écran : Kaleidoscope, de la plateforme Netflix, offerte en français et en anglais depuis le 1er janvier. Il s’agit de l’une des premières téléséries déconstruites, c’est-à-dire que ses sept premiers épisodes d’une heure se consomment dans n’importe quel ordre, oui, oui. Et ce, sans que ça nuise à la compréhension de cette histoire à mi-chemin entre Lupin et La casa de papel.

Cependant, le huitième épisode, qui est la grande finale de cet Ocean’s Eleven télévisuel, doit être vu en dernier. C’est la seule règle imposée par cette série évènement, qui se déploie comme un puzzle à assembler soi-même.

Comment ça fonctionne ? Très simple. Au hasard, Netflix choisira pour vous la séquence de visionnement du thriller Kaleidoscope, qui différera de celle de votre belle-sœur ou de votre collègue. Chacun des épisodes de Kaleidoscope porte le nom d’une couleur – et non un numéro : rouge, orange, rose, bleu, vert, jaune, violet et blanc. L’épisode blanc, que Netflix place automatiquement au dernier rang, donne la clé de l’énigme. Soyez-en averti. Les couleurs correspondent à des périodes précises dans la planification d’un spectaculaire braquage à 7 milliards dans une banque new-yorkaise ultra-étanche.

Par exemple, l’épisode jaune se déroule six semaines avant le vol, l’épisode violet recule de 24 ans avant le cambriolage, tandis que l’épisode rouge nous propulse au lendemain du coup fumant.

Vous pouvez également tricher et sauter d’un épisode à l’autre pour cueillir vous-même les indices que les auteurs ont plantés dans le texte et le décor. Libre à vous, car le scénario a été habilement pondu pour ne larguer personne, peu importe l’épisode avec lequel le téléspectateur a activé son Kaleidoscope.

Étonnamment, ce gadget d’écriture non linéaire fonctionne vraiment bien. Après l’introduction de 50 secondes, l’épisode noir, Netflix m’a poussé l’épisode vert, suivi du jaune, du violet et de l’orange.

Le synopsis de Kaleidoscope se résume difficilement, car il y a sept portes d’entrée différentes dans ce récit à la Quentin Tarantino.

Sans rien divulgâcher, disons que Kaleidoscope suit le criminel et père de famille Leo Pap (Giancarlo Esposito de Breaking Bad et Better Call Saul) qui planifie, sur une période de 25 ans, un coup fumant qui le rendra ultrariche.

Au fil de la série, Leo Pap assemblera l’équipe de rêve qui le mènera à un coffre-fort rempli de bons valant plus de 7 milliards. Autour de Leo gravitent notamment l’avocate rusée Ava (Paz Vega), la spécialiste des produits chimiques Judy (Rosaline Elbay), un ex-détenu recyclé en boucher (Peter Mark Kendall) et un spécialiste mal engueulé des serrures (Jai Courtney).

Selon l’ordre dans lequel vous enchaînerez les épisodes, ces personnages principaux se croiseront en prison, sur les lieux d’un incendie criminel, dans un gala de charité, au sein d’une entreprise de sécurité ou dans la 47Rue à Manhattan, dans le quartier des diamants. Vous verrez leurs alliances, leurs trahisons et toutes les mauvaises perruques qu’ils enfilent pour se vieillir ou se rajeunir selon l’épisode qui passe dans votre télé.

Aussi, si vous reprenez une deuxième fois l’écoute de Kaleidoscope, dans un ordre différent, vous allez inévitablement établir de nouveaux liens, accrocher sur des détails inédits et attraper des infos vous ayant échappé au premier visionnement. C’est construit et déconstruit expressément pour ça.

Maintenant, est-ce une production au canevas super original ? Non. Mais est-ce un divertissement amusant ? Oui. Insérez ici un punch final – et zéro original – qui dira que ce Kaleidoscope vous en fera voir de toutes les couleurs (donnez-moi une chance, les vacances ont été courtes, merci).

Le code de couleurs de Kaleidoscope

  • Épisode vert : sept ans avant le braquage
  • Épisode jaune : six semaines avant
  • Épisode violet : 24 ans avant
  • Épisode orange : trois semaines avant
  • Épisode bleu : cinq jours avant
  • Épisode rouge : le lendemain du braquage
  • Épisode rose : six mois après
  • Épisode blanc : le braquage