L'infirmière Johanne Feron carbure à l'adrénaline et adore les environnements de travail atypiques. Après 20 ans aux urgences de l'hôpital du Sacré-Coeur de Montréal et plusieurs missions humanitaires partout dans le monde, elle travaille pour le projet minier de Stornoway Diamonds, à 350 km au nord de Chibougamau.

Employée par des entreprises minières au Nunavik et au Nunavut depuis 2012, la professionnelle de 52 ans aime cette pratique peu commune des soins infirmiers. « J'ai une autonomie de travail incroyable, dit-elle. Je traite de tout, de la douleur aux oreilles jusqu'aux infarctus. La pratique est passionnante et j'ai toujours aimé les horaires non conventionnels. »

Elle travaille 14 jours de suite dans le Nord, avant d'être en congé 12 jours. Lorsqu'elle se trouve sur le site de Stornoway Diamonds, elle commence à 6 h et termine à 18 h, en demeurant de garde en soirée et durant la nuit. Elle partage ses tâches avec un collègue masculin. « On est toujours un infirmier et une infirmière, car certaines personnes sont plus à l'aise avec l'un ou l'autre, selon leur condition médicale. »

Les professionnels de la santé soignent les travailleurs pour les rhumes, les grippes, les douleurs abdominales, les ongles incarnés et plusieurs autres problèmes de médecine générale. En tout temps, ils peuvent joindre un médecin par téléphone ou par courriel. 

« Notre objectif est de garder les travailleurs en santé au site minier. Si on ne peut pas les soigner sur place, mais que ce n'est pas urgent, on les envoie vers l'hôpital le plus proche sur un vol régulier. Si c'est urgent, on fait venir une équipe médicale par avion-ambulance. »

Johanne Feron se souvient très bien d'un accident survenu au Nunavut, lorsqu'un travailleur a reçu une poutre d'acier de 600 lb sur lui. « Un collège a été témoin de l'accident. Grâce à l'adrénaline, il a levé la poutre à bout de bras pour le dégager. L'équipe de sauveteurs-mineurs l'a secouru en prenant soin de lui. »

Puisque la clinique ne possède pas les équipements pour faire des rayons X ou des prises de sang, les infirmiers ont dû se fier à l'examen clinique et à un questionnaire précis. « À la première évaluation, on suspectait des fractures du bassin et du fémur droit. On a attaché son bassin et demandé un transport d'urgence. » Six semaines plus tard, le blessé est retourné la voir. « Il voulait me remercier. On pleurait tous les deux. »

UN MILIEU MASCULIN

Évoluant dans un milieu majoritairement masculin, l'infirmière sait comment interagir avec les centaines de travailleurs qu'elle côtoie et avec qui elle cohabite. « Je m'habille sobrement, sans décolleté ni talons hauts. J'essaie de me fondre dans la masse. En tant qu'infirmière, j'ai des responsabilités. Je suis là pour travailler. Je ne veux pas que les choses se mélangent. Je dois tracer des lignes très droites. »

Elle envisage de prendre sa retraite de son boulot à temps plein au début de la soixantaine, mais elle compte bien poursuivre les missions humanitaires par la suite. Depuis 2010, elle a accompagné Médecins du monde (Canada et France) pour de longues missions en Haïti après le tremblement de terre, en Côte d'Ivoire durant la guerre civile et la crise de l'Ebola, ainsi qu'en Turquie, pour soigner les blessés provenant de Syrie.