L’intelligence artificielle progresse chaque jour. Aujourd’hui, elle produit des images, de la musique ou des textes avec un degré d’autonomie dépassant le stade des créations assistées par ordinateur, ce qui soulève des questions quant aux droits d’auteur. Entrevue avec Nathaly Vermette, avocate en droit des affaires et propriété intellectuelle au cabinet DS Avocats.

Tout d’abord, comment fonctionnent les droits d’auteur ?

Si on se tourne vers le droit d’auteur pur, j’aime toujours revenir aux sources. Le but, c’était de protéger et d’encourager la créativité en sciences utiles en donnant aux créateurs le droit exclusif de partager leurs œuvres. L’autre élément : il y a des critères d’originalité, d’autorat et de succession de l’œuvre. Le droit d’auteur persiste pendant toute la vie de l’auteur et 70 ans après sa mort. Donc on peut déduire que ça doit concerner un être vivant.

Comment l’IA s’inscrit-elle dans cette logique ?

On est rendus à définir la quantité et la qualité de l’intervention humaine. Il y a des œuvres qui sont assistées dans le choix des données, et il peut y avoir des ajustements par la suite, par exemple.

Au Canada, quand on fait le dépôt d’un droit d’auteur, la demande est simplement analysée pour vérifier que tous les éléments sont là. Elle n’est pas examinée en profondeur. C’est au moment où quelqu’un poursuit quelqu’un d’autre en contrefaçon que ça arrive. On n’a pas eu de cas encore, mais les chercheurs s’y intéressent. Il y a des thèses de doctorat qui sont écrites et qui seront publiées sur la question.

Aux États-Unis, il n’y a pas encore de jurisprudence sur la question précise de la quantité d'apport humain. En 2015, un organisme américain de défense des animaux a tenté de faire reconnaître par les tribunaux le droit d’auteur d’un égoportrait à un singe. Le photographe avait installé son matériel et le singe a appuyé sur le bouton puis pris la photo de lui-même. La Cour d’appel ne le lui a pas donné. Et si ça ne peut pas être accordé à un singe, je pense encore moins à une machine.

Cette opinion est-elle partagée ?

Il y a des études, des groupes qui se penchent sur la question. Ils disent que tous les travaux assistés de l’IA devraient être admissibles. Puis il y en a qui disent que tous les travaux générés de façon autonome doivent tomber dans le domaine public.

L’intelligence artificielle va toujours pouvoir imiter l’humain, mais ne sera pas humaine. Si le législateur veut encourager la créativité, ça irait à l’encontre de son objectif de permettre à l’intelligence artificielle de détenir des droits d’auteur.

Vers où se dirige-t-on ?

On peut classer les œuvres dans deux catégories. Celles qui sont purement humaines ou à contribution de l’IA, puis celles qui sont complètement générées par l’IA. Je crois que celles-là, peut-être à tort, n’auront pas de droits d’auteur.

Il faudra qu’il y ait un consensus international sur comment traiter ça. Comme un contrat avec les pays membres pour arriver à un fonctionnement pareil. C’est sûr qu’il existe plusieurs facteurs qu’on va devoir déterminer.

Si le tribunal n’est pas sûr de comment appliquer la loi existante, le gouvernement devra la clarifier en adoptant des modifications. C’est comme ça que le droit fonctionne. Au Canada, en règle générale, on est toujours en arrière. On a souvent tendance à suivre les États-Unis, qui sont plus rapides, et on ajuste selon nos lois et nos coutumes.