Philanthropie posthume, don planifié, legs testamentaire… il existe plusieurs manières de qualifier le fait de venir en aide à des personnes ou à des organismes en ayant besoin, après sa mort. Est-ce accessible ? Qui peut donner ? Portrait d’un phénomène en croissance.

Grossièrement, la philanthropie posthume, « c’est le fait de décider de son vivant de faire un don une fois la mort arrivée », définit Isabelle Morin, directrice principale du développement et des communications chez Mission inclusion. Cela peut se faire sous plusieurs formes : assurance vie, argent ou biens matériels, par exemple. « Il s’agit d’une façon d’avoir un impact une fois qu’on est parti. » Au Québec, de plus en plus d’organismes traitent cette forme de don, même s’ils n’en font pas toujours la promotion de façon proactive.

Gain en popularité

En 2020, selon des chiffres de la campagne Volonté de faire, 5 % de la population canadienne a déclaré avoir prévu effectuer un don planifié au moment de sa mort. Trois ans plus tard, cette proportion est désormais de 8 %. « Ça représente plus d’un million de personnes, donc c’est une tendance en croissance, note Isabelle Morin. Je pense que c’est probablement avec la pandémie qu’on a été confronté à la mort et qu’on s’est posé des questions. On remarque que ce sont des jeunes (des 50 ans et moins) qui ont voulu mettre un organisme de bienfaisance dans leur testament. »

Le concept existe depuis les années 1970, mais il était plus populaire au Canada anglais, comme ce genre de geste est plus répandu dans la culture anglo-saxonne. Le phénomène s’est par la suite démocratisé dans les années 2000, puisque les planificateurs financiers le recommandaient à leurs clients, explique-t-elle.

Accessible

La philanthropie posthume, dans le milieu, est considérée comme l’une des formes de dons les plus accessibles. « Il n’y a pas de grand philanthrope, pas de petit philanthrope. Pensez à quelqu’un qui a des finances serrées et qui veut économiser pour sa retraite… Il est possible pour lui de prendre 1000 $ ou 2000 $ et de les mettre dans son testament. […] Disons qu’on a une maison qui vaut 500 000 ou 600 000  $ à notre mort, on peut facilement donner 10 000 $. On ne réalise pas à quel point à notre mort on a des avoirs, il faut juste qu’on les calcule. »

D’autres personnes sont des gens fortunés. Ils souhaitent une reconnaissance au niveau de leur nom, donc ils donnent une somme exceptionnelle. […] C’est l’addition de tous ces dons qui fait une différence.

Isabelle Morin, directrice principale du développement et des communications chez Mission inclusion

Souvent, les donateurs en philanthropie posthume connaissent déjà le secteur. « Ça s’articule souvent autour de : ‟je vous ai donné toute ma vie, c’est une relation qui se poursuit”, pointe Isabelle Morin. On entend beaucoup : ‟je pense que mes enfants vont être corrects [financièrement], donc je peux donner un peu plus”. On a aussi beaucoup de gens qui n’ont pas d’héritier, comme des jeunes dans la quarantaine qui ont décidé de ne pas avoir d’enfants. » Selon elle, il s’agit aussi d’un don très intime, considérant que les donateurs invitent souvent les représentants de l’organisme à venir les voir à leur domicile et à prendre conscience de leurs intentions par rapport au testament.

Toutefois, même si les organismes de bienfaisance sont souvent impliqués dans le processus, de 20 à 25 % des dons planifiés demeurent des transactions surprises. « Nous ne sommes pas habitués à parler de nos testaments, et des gens veulent pouvoir se dire qu’ils peuvent changer d’idée sur leur lit de mort. »