Après avoir travaillé dans le domaine médical, Antoine Vachon, ingénieur mécanique, a vu passer une offre d’emploi de concepteur de vélo chez Faction Bike Studio, une entreprise originaire du Saguenay qui venait de déménager à Granby. Passionné de ce sport, il a sauté sur l’occasion. Depuis, il développe des cadres de vélo pour plusieurs entreprises d’ici et d’ailleurs dans le monde.

« Nous réalisons environ 25 projets par année pour nos clients et comme nous en faisons beaucoup et que nous sommes habitués à nous adapter à différents besoins, nous sommes capables de faire le travail de conception rapidement, tout en innovant », explique Antoine Vachon.

Une partie de son travail est très technique : il doit faire des calculs pour vérifier par exemple que la quincaillerie résiste à différents chargements. Mais l’autre partie est plus humaine. « Je dirige le projet de A à Z, donc je dois aussi communiquer avec le client, m’assurer que mon équipe, qui comprend des CAD designers qui font les modélisations 3D, respecte les exigences du client, etc. », illustre-t-il.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Antoine Vachon et son collègue Mitchell Lebrun

Concevoir des vélos n’est pourtant pas une option qui vient spontanément en tête lorsqu’on pense à une carrière en génie.

« Il y a beaucoup plus de types de génie qu’avant et même après avoir choisi un programme d’études, on peut faire différentes choses après, en suivant ses passions », remarque Sophie Larivière-Mantha, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ), qui a elle-même étudié en génie de la production automatisée avant de travailler en biomédical.

D’ailleurs, les ingénieurs évoluent dans des domaines très diversifiés, d’après les chiffres de l’OIQ. La majorité est dans l’industriel et le manufacturier (22 %), puis viennent le civil (19 %), les bâtiments et la mécanique (13 %) ainsi que l’électrique (12 %). Suivent les domaines de l’aérospatiale et celui de l’informatique et du logiciel, avec chacun 7 %. Et bien d’autres.

Le boom de la cybersécurité

Certaines spécialités sont d’ailleurs en grand essor. C’est le cas de la cybersécurité. Frédéric Cuppens, professeur au département de génie informatique et génie logiciel de Polytechnique Montréal, est dans le domaine depuis plus de 30 ans.

« Nous sommes hyperconnectés maintenant avec la 5G et l’internet des objets : cela élargit la surface des attaques, indique-t-il. De plus, la pandémie a changé rapidement la façon dont on travaille, avec tout ce qui se fait à distance. »

Celui qui dirige le nouvel Institut multidisciplinaire en cybersécurité et cyberrésilience (IMC⁠2) créé par Polytechnique Montréal, l’Université de Montréal et HEC Montréal remarque que les gens connaissent les dangers maintenant.

« Par contre, plusieurs ne savent pas quoi faire en cas d’attaque, explique-t-il. Il y a beaucoup de défis à relever en recherche et pour développer des services d’aide aux victimes. Il faut aussi créer des formations pour répondre aux nouveaux besoins et enfin, attirer davantage d’étudiants pour innover et lancer des entreprises dans le domaine. IMC⁠2 fera tout ça. »

Des expertises très recherchées

Les ingénieurs en informatique et logiciel sont d’ailleurs très recherchés au Québec. Dans une étude réalisée en 2021 sur la main-d’œuvre, l’OIQ évaluait qu’on serait en déficit de 19 % de ce type d’ingénieurs jusqu’en 2030. Pire encore. Les ingénieurs électriques et en électronique, avec -21 %. Le génie chimique est aussi en déficit de 9 %.

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Sophie Larivière-Mantha, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec

Le Québec se démarque en intelligence artificielle et nous sommes très forts aussi en génie électrique, avec tous les besoins sur le plan de l’électrification des transports. Il faut aussi développer des batteries. Tous les types de génie qui touchent à ces secteurs d’activité sont très recherchés.

Sophie Larivière-Mantha, présidente de l’Ordre des ingénieurs du Québec

Plusieurs efforts sont réalisés par l’OIQ pour aller chercher davantage de membres. Notamment en ce qui concerne les professionnels formés à l’étranger. « Dans nos ingénieurs récemment admis, près de 30 % ont été formés à l’étranger », précise la présidente.

Plusieurs efforts ont été faits depuis 2018 pour faciliter l’accès à la profession aux candidatures qui viennent de pays avec qui il n’y a pas d’entente de reconnaissance. Une approche par compétences pour évaluer les demandes d’équivalence qui regarde les parcours scolaire et professionnel du candidat a été mise en place. Résultat ? Le délai moyen de l’évaluation pour obtenir une équivalence totale est passé de 18 à 6 mois. La personne reçoit ensuite des activités de formation à faire pour pallier ses lacunes.

L’OIQ travaille aussi constamment à aller chercher plus de femmes. L’étude de 2021 montrait que dans les 15 dernières années, elles sont passées de 11,8 % à 14,9 % dans la profession. En 2023, les femmes représentent 15,6 % des membres de l’OIQ.

« C’est en progression, se réjouit Sophie Larivière-Mantha. C’est important d’aller chercher différents types de personnes, parce que plus on multiplie les points de vue autour d’une table, plus on arrive à innover pour répondre aux besoins de la société. »