Implémenter le zéro déchet à l’échelle d’une municipalité, c’est ce que vise Marie Bellemare, doctorante en génie industriel à Polytechnique Montréal. Son laboratoire : la petite ville de Prévost, dans la couronne nord, où l’ingénieure en devenir tente de penser un système de recyclage de contenants pour plats à emporter. Entretien.

Qu’est-ce qui vous a attirée vers le génie ?

Je suis entrée en ingénierie par la porte d’en arrière. J’ai même un profil très atypique. J’ai travaillé en scénographie pendant une dizaine d’années, et j’ai ensuite décidé de retourner aux études en design industriel, avec une spécialisation en écoconception. J’ai fait une maîtrise en analyse des cycles de vie, et ça m’a menée à travailler chez Bombardier, où j’étais responsable des requis environnementaux pour le projet AZUR. C’est comme ça, finalement, que je suis entrée en ingénierie.

Vous avez reçu une bourse de 60 000 $ du Conseil de recherche en sciences humaines pour conduire votre recherche à Prévost. Qu’est-ce qui a inspiré ce projet ?

Ça faisait longtemps que je voulais conduire une recherche-action qui impliquerait les citoyens d’une municipalité dans la résolution d’une problématique. Je suis tombée sur des articles à propos de la Ville de Prévost, qui est devenue la première au Québec à imposer une redevance sur les objets à usage unique, en avril dernier. Je leur ai proposé de conduire mon projet avec eux, et ils étaient très enthousiastes. C’est une petite ville, donc on peut l’utiliser comme un laboratoire, en quelque sorte.

Tirez-vous déjà des conclusions de votre recherche ?

En ce moment, je fais la collecte de données auprès des restaurateurs de Prévost. Ce que je constate, c’est qu’il n’y aura pas qu’une seule solution. Par exemple, les restaurants peuvent servir des clients qui viennent de l’extérieur de Prévost, donc on ne peut pas leur imposer d’utiliser une consigne de plats réutilisables. Il faudra d’autres options. La prochaine étape, ce sera de réunir les participants et de chercher des solutions ensemble.

Comment votre formation en design nourrit-elle votre approche, en tant qu’ingénieure ?

En design, tenir compte de l’usager est primordial. L’être humain est imprédictible, il peut changer d’idée du jour au lendemain, et il faut travailler avec ça. L’ingénierie, elle, apporte une vision systémique au zéro déchet. En même temps, l’ingénierie classique tend à ne pas comprendre qu’en travaillant avec les facteurs humains, on doit accepter l’imprédictible. Les ingénieurs aiment prédire, mesurer, c’est rassurant. Mais la réalité est plus complexe. Le développement durable, c’est aussi tenir compte du fait que le contexte peut évoluer. En tant qu’ingénieurs, on doit donc penser des systèmes qui sont adaptables dans le temps et qui tiennent compte des facteurs humains. Heureusement, je crois que l’ingénierie est en train d’évoluer en ce sens.

Quel impact espérez-vous que votre travail ait ?

Mon ambition, c’est de démontrer l’importance d’adopter une approche design, orientée vers les problèmes. Les politiciens, les designers et les ingénieurs vont parfois penser qu’ils ont la solution, sans consulter les principaux concernés. Mon objectif premier, c’est donc d’expérimenter et de rendre compte des bons et moins bons coups. Je pense qu’en documentant bien comment on a effectué notre travail, on peut aider d’autres municipalités ou des entreprises à emboîter le pas.