La société se retrouve face à plusieurs grands enjeux, comme le réchauffement climatique ainsi que l’augmentation des maladies chroniques et dégénératives. Les ingénieurs de différentes spécialités usent de créativité pour trouver des solutions à ces problèmes complexes. Survol.

En plaçant un microphone à l’intérieur d’une oreille sur un dispositif qui vient boucher le canal auditif, Rachel Bouserhal, professeure au département de génie électrique à l’École de technologie supérieure (ETS), a réalisé qu’on peut capter plusieurs signaux. Sur le long terme, cela pourrait permettre de détecter certaines maladies.

Par exemple, les personnes atteintes de parkinson ont une inspiration plus courte que les autres, et ce symptôme arrive très tôt dans la progression de la maladie. Rachel Bouserhal travaille donc avec Parkinson Québec pour prouver qu’on peut détecter ce symptôme avec un dispositif intra-auriculaire.

Avec le McGill University Research Centre for Studies in Aging, elle tente de dépister l’alzheimer en regardant le lexique. « Dès le début de la maladie, la personne utilise plus de verbes que de noms et diminue son vocabulaire, explique la chercheuse. C’est très graduel, alors les proches ne le remarquent pas. Mais un dispositif porté à long terme le verrait. »

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Le dispositif intra-auriculaire utilisé par Rachel Bouserhal

Déjà, Rachel Bouserhal a montré – l’article est en révision par les pairs – qu’un dispositif intra-auriculaire peut détecter qu’une personne est stressée par la réduction de la variabilité du temps écoulé entre ses battements de cœur. « Et ce qui est intéressant, c’est que quelqu’un qui a l’alzheimer a plus de chances d’avoir des pertes auditives cachées qui sont en fait une difficulté à décortiquer le message entendu dans le cerveau lorsqu’il y a du bruit, explique Rachel Bouserhal. Cela cause du stress. Ainsi, le stress détecté chez la personne lorsqu’il y a du bruit pourrait aussi nous aider à détecter précocement l’alzheimer. »

Aérospatiale, bâtiment et électronique durables

Beaucoup de travail se fait aussi dans le domaine de l’aérospatiale. « Il y a environ 300 entreprises actives dans ce secteur au Québec, du grand donneur d’ordres à la petite start-up, et nos chercheurs sont à l’écoute de leurs besoins pour créer des avions plus écologiques, par exemple en développant des carburants verts ou des matériaux plus légers », explique François Bertrand, directeur de la recherche et de l’innovation à Polytechnique Montréal.

D’autres technologies développées sont maintenant à l’étape d’être déployées sur le marché.

« C’est le cas de la géothermie, qui consiste à prendre la chaleur présente à quelques centaines de mètres de profondeur sous les bâtiments pour les chauffer au lieu d’utiliser du mazout ou du gaz naturel », indique M. Bertrand.

Philippe Pasquier, professeur au département des génies civil, géologique et des mines à Polytechnique Montréal, pilote un projet mené avec plusieurs partenaires pour accélérer le déploiement dans les écoles des puits à colonne permanente en géothermie. Déjà, l’école primaire de la Clé-des-Champs, à Mirabel, est chauffée par cette technique.

On tente aussi de verdir l’électronique. Par exemple, avec son équipe, Clara Santato, professeure au département de génie physique à Polytechnique Montréal, a montré qu’elle peut purifier la mélanine contenue dans l’encre de seiche – un matériau issu du vivant – pour créer des composantes électroniques biodégradables.

Rythme accéléré

En génie, il est nécessaire d’avoir toujours un pied dans l’avenir.

Les changements technologiques vont très rapidement et avec la concurrence très forte, ils s’accélèrent encore.

Ghislain Gagnon, doyen de la recherche à l’ETS

Ghislain Gagnon, doyen de la recherche à l’ETS qui a obtenu son diplôme en génie électronique en 2002, a vu l’émergence de la téléphonie cellulaire, puis la 3G est arrivée et c’est maintenant la 5G. « Dans les écoles de génie, on enseigne certains standards, mais dans la pratique, il faut toujours en apprendre des nouveaux, explique-t-il. L’ingénieur doit apprendre à apprendre, toujours se tenir au courant de ce qui se fait. »

Et bien sûr, l’impact environnemental est maintenant un incontournable, que ce soit pour des questions de réglementation ou d’acceptabilité sociale. « Il faut y penser à l’étape de la conception, ajoute Ghislain Gagnon. L’ingénieur a un grand rôle à jouer, mais il doit aussi travailler avec d’autres professionnels en design, en architecture et en sciences humaines notamment pour pouvoir aller encore plus loin. »