L’industrie aérospatiale québécoise mise sur les importantes retombées du contrat d’acquisition des avions de chasse F-35 par l’Aviation royale canadienne. La possibilité de réaliser la maintenance des aéronefs sur le sol canadien sera aussi attendue que les investissements espérés dans le domaine de l’innovation technologique.

Le renouvellement de la flotte des CF-18 ne profitera pas seulement à l’Aviation royale canadienne. Les manufacturiers québécois comptent sur les retombées de ce contrat, dont les modalités sont encore en discussion, pour saisir une part des 16,9 milliards de dollars de retombées économiques anticipées par Lockheed Martin.

L’enjeu industriel est considérable. Ce sont 150 000 emplois qui seront soutenus par le programme des F-35, selon l’industriel américain. L’industrie québécoise représente la moitié de l’activité aérospatiale au Canada. Même si le Québec est davantage tourné vers l’aviation civile que militaire, l’occasion est idéale pour développer ce secteur.

« Au début de la pandémie, le marché civil a été frappé de plein fouet, alors que le marché militaire continuait », rappelle Suzanne Benoit, PDG d’Aéro Montréal, la grappe aérospatiale québécoise. « On a vu l’importance de diversifier nos activités pour avoir un secteur de la défense qui peut contrebalancer les cycles du marché civil. » Et quand une entreprise décroche un contrat auprès d’un fournisseur de premier rang d’un programme militaire, cela lui permet de se faire connaître sur le marché, et de grandir avec des commandes à long terme sur ce secteur réputé fidèle à ses fournisseurs.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Suzanne Benoit, PDG d’Aéro Montréal

Une vingtaine d’entreprises canadiennes travaillent déjà à la production des F-35 de l’entreprise américaine. En passant commande des avions de chasse, le Canada peut plus que jamais mettre de l’avant ses entreprises. « Nous sommes un cran plus haut : le gouvernement canadien achète l’avion, donc il négocie pour positionner d’autres joueurs », souligne Suzanne Benoit. Cette pratique est courante dans le programme des F-35, où les pays acquéreurs, comme l’Australie, contribuent à la fabrication des avions de chasse.

Maintenance cruciale

Les retombées ne sont pas seulement à attendre dans la production. Le marché de l’entretien des avions de chasse revêt un enjeu crucial. « Le gouvernement canadien doit insister pour que la maintenance des F-35 soit réalisée au Canada », martèle Gilles Labbé, président exécutif du conseil d’administration d’Héroux-Devtek.

Si on perd la maintenance, on perd des compétences. […] Les forces armées doivent pouvoir faire l’entretien de leurs avions sur le sol canadien. On parle quand même de possibilité de conflit militaire. Si on est obligé d’envoyer nos avions aux États-Unis pour l’entretien, cela signifie que nous n’avons pas d’autonomie.

Gilles Labbé, président exécutif du conseil d’administration d’Héroux-Devtek

En gardant la maintenance sur son sol, le Canada se donnerait les moyens de développer ses compétences en la matière. « Nous deviendrons capables d’exporter des services et des savoir-faire vers d’autres pays », entrevoit Gilles Labbé.

Devenir un acteur d’envergure mondiale

L’histoire d’Héroux-Devtek montre comment une entreprise québécoise peut devenir un acteur d’envergure mondiale grâce à de telles commandes. Créée il y a 80 ans, l’entreprise longueuilloise spécialisée dans les trains d’atterrissage et les systèmes d’actionnement a progressivement gagné des contrats de fabrication, dont le train d’atterrissage du module lunaire Apollo.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Gilles Labbé, président exécutif du conseil d’administration d’Héroux-Devtek

La firme s’est progressivement imposée comme fournisseur de différents avions militaires de Lockheed Martin et de l’hélicoptère Chinook de Boeing, que ce soit pour leur maintenance ou pour la fabrication des composants. « Nous avons gagné le développement de la conception des systèmes de fermeture de portes pour toutes les versions du F-35, illustre Gilles Labbé. Nous fabriquons ces produits dans notre usine de Laval, pour les 150 appareils fabriqués chaque année par Lockheed. Cela représente pas mal de travail ! »

Aéro Montréal déposera en janvier des recommandations sur les retombées industrielles et technologiques du contrat avec Lockheed Martin. La grappe aérospatiale du Québec s’attend notamment à ce que des investissements soient entrepris « dans l’innovation dans les secteurs industriels stratégiques du Canada qui apporteront des bénéfices à long terme à l’économie canadienne grâce à la recherche et développement interne. » Elle compte également sur la simplification des exigences administratives pour permettre à un maximum d’entreprises de participer au processus d’approvisionnement.

En savoir plus
  • 16,9 milliards 
    Retombées attendues du programme des F-35 pour l’économie canadienne
    sources : Lockheed Martin et OMX