Faire croître une PME en ces temps de pandémie, d’inflation, de pénurie de main-d’œuvre, d’incertitude géopolitique et de possible récession n’est pas une sinécure. L’entreprise québécoise Bectrol y arrive pourtant. Et ce, au moment où elle désire passer du statut de petite à moyenne entreprise. Recette et conseils avec Yolaine Benoit, directrice générale de l’entreprise, et Laurent Simon, professeur à HEC Montréal.

Dans une autre vie, Yolaine Benoit a été consultante pendant 25 ans. Elle accompagnait les organisations qui voulaient croître. Aujourd’hui, elle fait partie de la haute direction de l’entreprise familiale qu’elle détient avec ses frères et deux autres actionnaires. Elle met en pratique ce qu’elle a enseigné au fil des ans aux PME québécoises. Le défi est de taille, affirme-t-elle.

« On est actif dans cinq secteurs qui sont tous en croissance, explique Yolaine Benoit. Mais à cause de la pandémie et des problèmes d’approvisionnement, notre planification ne fonctionnait plus. On ne pouvait plus livrer et on a eu des enjeux financiers. En plus, on a eu des problèmes informatiques qui nous empêchaient d’avoir accès à nos chiffres. »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Sylvain Benoit, président, et Yolaine Benoit, directrice générale de Bectrol

Spécialisée en automatisation (de la vente de pièces d’équipement à la réalisation de projets clés en main), Bectrol a également acquis un savoir-faire dans les bornes de recharge pour véhicules électriques. Principalement pour des parcs de véhicules commerciaux, mais aussi des installations près d’immeubles résidentiels. Ce secteur est en très forte hausse pour la PME de 85 employés.

Dans son objectif de croissance, Bectrol, dont les revenus annuels atteignent les 17 millions, a dû repenser ses façons de faire.

À plusieurs égards. « Pour chaque enjeu ou dossier, on se demande : ‟Quelle est la meilleure ressource pour nous aider ?” Et non : ‟À qui revient la responsabilité ?” », révèle Yolaine Benoit.

En lieu et place des éternelles réunions et autres rédactions de rapports, la PME de Saint-Hyacinthe organise désormais des groupes de travail sur des thèmes spécifiques. « Plusieurs jeunes se sont retrouvés avec des initiatives à gérer ou des projets auxquels participer », s’enorgueillit la femme d’affaires.

Confier des projets à des experts-conseils pour augmenter l’efficacité des opérations ; placer l’expérience employé au premier plan ; en faire moins, mais agir là où la PME a du contrôle et du pouvoir, de même qu’accepter la situation et cesser de comparer avec l’« avant », sont autant de changements que Bectrol met de l’avant, énumère Mme Benoit.

PHOTO FOURNIE PAR HEC MONTRÉAL

Laurent Simon, professeur titulaire au département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal

Conseils d’un expert

Laurent Simon, professeur titulaire au département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal, y va de trois conseils pour assurer la croissance d’une entreprise : lever le regard, aborder l’innovation comme une activité normale et s’ouvrir afin de mieux s’entourer.

« On nous parle souvent du focus stratégique, de mission, de plan, dit-il. Mais dans un environnement incertain, il importe d’anticiper et de jouer la carte de la flexibilité. Pour cela, il faut se tenir au courant et maintenir une veille active sur ses marchés. Il faut suivre l’évolution des besoins, des clients, des tendances économiques, des technologies émergentes, etc. Plus cette veille sera active et collective, partagée et débattue, plus elle supportera les capacités d’adaptation de l’organisation. »

Rappelant qu’il existe un « déficit d’innovation de nos PME au Québec », Laurent Simon reconnaît les efforts consentis par les entreprises au cours des dernières années, de même que l’émergence de programmes publics et d’organismes d’accompagnement.

Tout cela va dans le bon sens, mais il faut changer d’état d’esprit sur la démarche d’innovation, qui demeure encore mal comprise

Laurent Simon, professeur titulaire au département d’entrepreneuriat et innovation de HEC Montréal

« Il faut s’informer et se former pour passer à l’action, en particulier pour organiser l’innovation sous la forme d’un processus continu mobilisant les différents acteurs de l’entreprise. Cela signifie aussi qu’il faut y consacrer du temps régulièrement, qui doit être vu comme un investissement », poursuit M. Simon.

Par ailleurs, ajoute-t-il, au-delà des grands mythes du leadership, il est aujourd’hui plus que jamais impossible de réussir seul. « C’est en s’ouvrant et en s’entourant que les dirigeants de PME pourront trouver les ressources de connaissances et d’intelligence pour la conception, l’établissement et le déploiement de leur stratégie de croissance. S’il est évident qu’un conseil d’administration compétent est essentiel, un comité consultatif d’experts peut compléter ses forces de façon plus ciblée. »

Et d’ajouter : « Des échanges avec les pairs dans la même industrie ou des industries connexes, mais aussi avec les fournisseurs, permettent ainsi d’enrichir les perspectives sur les enjeux qui sont vécus par les entreprises. La mise en œuvre d’un dialogue constant avec les clients et les usagers est l’une des clés du maintien de la pertinence de l’offre de valeur et de son adaptation continue aux besoins véritables du marché. »