« Nous venons de traverser 20 mois très difficiles avec des pertes en 2020 et des pertes en 2021, alors que les besoins explosent. On va s’en sortir… mais ça va prendre du temps, de la volonté et de la détermination. »

Voilà la situation de l’organisme de bienfaisance Le Support, tel que la décrit son directeur général, Philippe Siebes. Depuis 30 ans, cet organisme soutient la Société québécoise de la déficience intellectuelle en finançant certaines de ses activités et certains de ses projets tous azimuts (droit, logement, répit, transport, alimentation, santé, etc.).

Les fonds proviennent majoritairement des dons du public en vêtements et objets divers pour la revente. Or, Le Support a encaissé de durs coups depuis la pandémie. « Le Village des Valeurs était notre principal client pour le rachat des dons, explique M. Siebes, et l’organisation a mis fin à notre entente de partenariat, en lien avec la crise sanitaire. Ils avaient des surplus de stock de leur côté. »

Pendant les vagues de propagation du virus, alors que les activités économiques de la province ont tourné au ralenti, les dons du public se sont faits plus rares. De plus, la réglementation municipale a enlevé plus de la moitié des boîtes de dons éparpillées sur le territoire du Grand Montréal.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Philippe Siebes, directeur général de l’organisme Le Support

« Nous en avions 450 et nous en avons maintenant 200, explique le directeur général. Depuis quelques années, c’est devenu le far west dans ce secteur. Certains entrepreneurs privés exploitent des bacs dont le contenu est exporté… Et les citoyens, qui cherchent à se débarrasser de leur matériel, ne connaissent pas toujours les organisations auxquelles ils donnent. Est-ce que la cause de ces organismes est légitime ? »

Le Support a encaissé des pertes de 300 000 $ en 2020 et de 400 000 $ cette année. Près de 45 % des employés ont été remerciés. En vue de préserver les liquidités de l’organisme, les versements faits à la Société québécoise de la déficience intellectuelle ont été revus à la baisse, ce qui n’est pas sans conséquence sur les services dispensés à la clientèle.

Le bateau tangue pas mal, mais je suis confiant. Nous avons fait une bonne réflexion stratégique et nous avons un plan pour les quatre prochaines années.

Philippe Siebes, directeur général de l’organisme Le Support

L’un des objectifs est de diversifier les sources de financement et de miser sur des partenariats variés. Le Support a aussi ouvert sa propre boutique à même ses locaux et son entrepôt, dans l’arrondissement de Saint-Léonard.

Des difficultés sectorielles

Selon Daniel H. Lanteigne, président de l’Association des professionnels en philanthropie, section du Québec, certains types d’organismes sont plus enclins à avoir du mal à se remettre en marche : ceux où les besoins ont explosé en temps de pandémie (qui œuvrent en itinérance, dans le domaine médical ou alimentaire, par exemple), ceux dont les activités de financement reposent principalement sur l’évènementiel et ceux dont les sources de revenus sont peu diversifiées.

Les causes de ces organismes sont encore pertinentes, mais il faut se repositionner. Et même si je déteste le mot, je pense qu’il faut se réinventer, penser les choses autrement.

Daniel H. Lanteigne, président de l’Association des professionnels en philanthropie, section du Québec

Faire davantage rayonner le don, montrer à quoi il sert et démontrer qu’il a un impact demeurent une piste de solution. « On veut tous changer le monde ! lance-t-il. C’est porteur de montrer l’impact du don fait par le public ou le grand donateur. »

L’entraide entre fondations ou organismes, pour partager des outils ou des ressources pour la collecte de fonds, est aussi une idée porteuse, note-t-il. Et elle sera de plus en plus populaire, selon lui. « C’est intéressant, car les organismes partagent alors les coûts, en plus de mettre en commun leurs idées et d’avoir un plus grand rayonnement. »

Une idée que retient Philippe Siebes, du Support. « J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour les organismes qui poursuivent leurs activités et avancent malgré la situation actuelle, conclut-il. Il faut continuer de les aider et de les soutenir. Les besoins sont immenses. »

Les organismes caritatifs au Canada

  • Plus de 4 sur 10 enregistrent des baisses de revenus
  • Baisse de revenus de 44 % en moyenne
  • Environ 50 % rapportent une hausse de la demande
  • Près de 25 % des dirigeants d’organisme croient que leur organisation ne pourra pas fonctionner pendant plus d’un an encore

Source : Enquête nationale d’Imagine Canada, avril-mai 2021